La Turquie bloque les détroits du Bosphore et des Dardanelles pour presque tous les navires militaires

Membre de l’Otan, la position de la Turquie à l’égard de l’invasion de l’Ukraine par la Russie est très délicate. Proche de Kiev, elle cherche à ménager Moscou, notamment pour des raisons économiques et énergétique.

Ainsi, la Russie lui fournit 56% de ses importations de céréales et 45% de son approvisionnement en gaz naturel tandis que le conglomérat Rosatom est partie prenante dans la construction de la centrale nucléaire d’Akkuyu. En clair, se mettre Moscou à dos pourrait avoir des conséquences désastreuses pour une économie turque déjà mal en point. Et puis il y a également la coopération en matière militaire, avec l’achat de systèmes russes de défense aérienne S-400 et l’éventualité d’une coopération dans le domaine des avions de combat…

Aussi, quand Kiev lui a demandé de fermer les détroits du Bosphore et des Dardanelles aux navires militaires russes, et donc de les empêcher d’accéder à la mer Noire, comme la convention de Montreux [signé en 1936] lui permet de le faire, Ankara a temporisé, expliquant qu’il lui fallait d’abord examiner si l’Ukraine et la Russie étaient en « état de guerre » d’un point de vue juridique. Ce qui vient donc d’être fait, le 28 février.

« Nous avons prévenu les pays riverains, ou pas, de ne pas faire passer de navires de guerre par la mer Noire. […] Nous appliquons à la lettre les dispositions de la Convention de Montreux », a en effet déclaré Mevlut Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères.

Plus tôt, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait précisé qu’il voulait « n’abandonner ni la Russie ni l’Ukraine » et ne rien céder « sur les intérêts nationaux » de son pays. « Nous avons décidé d’utiliser la Convention de Montreux de manière à empêcher l’escalade de la crise », avait-il alors affirmé, à l’issue d’une réunion de son cabinet.

« La Russie nous a demandé si on allait appliquer la Convention de Montreux en cas de besoin : on leur a dit qu’on l’appliquerait mot pour mot », a par ailleurs affirmé M. Cavusoglu.

La situation actuelle correspond à l’article 19 de ladite Convention. Celui-ci permet à la Turquie, en temps de guerre, d’interdire aux navires militaires appartenant à des puissances riveraines en état de guerre de transiter par les détroits du Bosphore et des Dardanelles.

« Ce texte s’applique non seulement aux belligérants mais à tous », a précisé le chef de la diplomatie turque. Ce qui laisse entendre qu’Ankara s’appuie également sur les articles 20 et 21 de la Convention de Montreux.

« En temps de guerre, la Turquie étant belligérante, les dispositions des articles 10 à 18 ne seront pas applicables [lesquels définissent les conditions de transit dans les détroits, nldr], le passage des bâtiments de guerre sera entièrement laissé à la discrétion du gouvernement turc », indique l’article 20. Ce qui veut dire qu’Ankara ne s’opposerait pas au transit de navires de l’Otan. Quant au suivant, il précise que « au cas où la Turquie s’estimerait menacée d’un danger de guerre imminent, elle aurait le droit d’appliquer les dispositions de l’article 20 de la présente convention ».

Ces dispositions ne s’appliquent cependant pas aux navires militaires devant regagner leur port d’attache, sauf s’ils appartiennent à pays en guerre avec la Turquie. Aussi, et pour le moment, un sous-marin ou une frégate de la flotte russe de la mer Noire se trouvant en Méditerranée serait donc autorisé à naviguer dans les détroits turcs pour regagner son port d’attache…

« Les bâtiments de guerre qui, après avoir passé par les Détroits antérieurement à l’usage par la Turquie de la faculté que lui confère l’alinéa précédent, se trouveraient ainsi séparés de leurs ports d’attache, pourront rallier ces ports. Il est cependant entendu que la Turquie pourra ne pas faire bénéficier de ce droit les bâtiments de l’État dont l’attitude aurait motivé l’application du présent article », indique en effet le texte.

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