Ukraine : La ville portuaire de Marioupol est-elle le prochain objectif des forces russes?

Vingt-quatre heures après la reconnaissance par Moscou de l’indépendance des républiques séparatistes de Donetsk [RPD] et de Louhansk [LPR] et la signature de traités « d’amitié et d’entraide » avec ces dernières , le Parlement russe a donné son feu vert, le 22 février, une possible intervention militaire en Ukraine.

Plus précisément, les parlementaires ont répondu favorablement à une requête du président russe, Vladimir Poutine, visant à permettre le déploiement de troupes aux « frontières des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk », où une armée [ukrainienne] de « 60’000 hommes » et dotée de « blindés lourds » se tiendrait prête à « attaquer ».

Plus tard, M. Poutine a indiqué que l’envoi de forces russes sur les territoires contrôlés par les deux républiques autoproclamées n’était pas forcément imminent. « Je n’ai pas dit que nos soldats vont y aller là, maintenant […]. Cela dépendra, comme on dit, de la situation sur le terrain », a-t-il dit, en se disant favorable à une « démilitarisation » de l’Ukraine qui ferait « mieux » de renoncer à sa volonté de rejoindre l’Otan et choisir la « neutralité ».

En l’état, la situation qui prévaut désormais dans la région du Donbass ne change pas fondamentalement de ce qu’elle était il y a deux jours, si ce n’est que les accords de Minsk 2, adoptés en 2015, sont désormais caduques, et que la présence militaire russe y est désormais officielle, alors qu’elle y était jusqu’à présent officieuse.
Toute la question est de savoir maintenant si les positions seront figées ou si Moscou envisage d’aller plus loin…

Le président Poutine a donné une indication en reconnaissant les frontières des deux républiques autoproclamées telles qu’elles sont définies dans leurs constitutions respectives. En clair, il a revendiqué l’ensemble des territoires des oblast [région administrative ukrainienne] de Donetsk et de Louhansk, lesquels forment le Donbass.

Actuellement, la LPR contrôle environ 31,4% de l’oblast de Louhansk. Même chose pour la RPD avec l’oblast de Donetsk, lequel comprend la ville de Marioupol, centre industriel majeur qui abrite également un port stratégique donnant sur la mer d’Azov. Cela expliquerait, par ailleurs, la concentration en mer Noire d’une flottille de navires de débarquement.

Cela étant, à Londres, on estime « hautement probable » que le chef du Kremlin « mène à bien son projet d’une invasion totale de l’Ukraine ». C’est, en tout cas, ce qu’a affirmé Liz Truss, la cheffe de la diplomatie britannique. « Nous pensons qu’il est hautement probable ce que soit ce qu’il prévoit », a-t-elle insisté, alors qu’elle était interrogée par Sky News.

Pour autant, ce scénario, tel qu’il est envisagé par le gouvernement britannique, supposerait pour Moscou d’occuper un pays dont la superficie est supérieure à celle de la France [environ 600’000 km2], avec une population très majoritairement ukrainophone dans l’ouest [et donc potentiellement hostile], alors que les russophones se concentrent surtout dans le Donbass. C’est d’ailleurs parce qu’ils constituent une minorité importante que le Kremlin avait dénoncé, l’an passé, la loi ukrainienne sur les « peuples autochtones », estimant que ce texte était « discriminatoire » à leur égard.

Quoi qu’il en soit, et alors que les Occidentaux ont pris leurs premières sanctions contre l’économie et certains dirigeants russes, dont, notamment, la suspension, par l’Allemagne, du projet gazier Nord Stream 2, le président Poutine s’est dit ouvert au dialogue mais les intérêts de son pays, notamment en matière de sécurité, restent « non négociables ».

« Notre pays est toujours ouvert à un dialogue direct et honnête pour trouver des solutions diplomatiques aux problèmes les plus complexes. […] Cependant, les intérêts et la sécurité de nos citoyens sont pour nous non négociables », a-t-il en effet déclaré, ce 23 février, à l’occasion de la « Journée du défenseur de la Patrie ». Et de voir « le relâchement du système de contrôle des armements » et « les activités militaires de l’Otan » comme des menaces.

Justement, s’agissant de l’Otan, les États-Unis n’ont pas annoncé l’envoi de nouvelles troupes en Europe mais des redéploiement de celles qui y son déjà présentes. Ainsi, un bataillon d’infanterie, actuellement basé en Italie, se rendra dans la région de la Baltique, de même que, depuis l’Allemagne, vingt hélicoptères d’attaque AH-64 Apache et huit des douze chasseurs-bombardiers F-35A récemment arrivés à Spangdahlem.

Enfin, douze autres Apache quitteront la Grèce pour rejoindre la Pologne. Ces mouvements de troupes, qui visent à « dissuader toute agression potentielle contre les États membres de l’Otan » et à « s’entraîner avec les forces des pays hôtes », selon le Pentagone, devront être teminés d’ici une semaine.

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