Les forces russes prétendent avoir détruit deux blindés ukrainiens ayant franchi la frontière; Kiev dément

À l’issue de l’entretien entre MM. Poutine et Macron, il y a deux semaines, Moscou avait assuré que ses troupes déployées en Biéolorussie regagneraient leurs casernes à la fin de leurs manoeuvres menées conjointement avec leurs homologues biélorusses, le 20 février. Seulement, ce jour-là, Minsk a annoncé que ces exercices vont finalement se prolonger jusqu’à une date non précisée… et qu’ils porteraient sur de nouveaux domaines.

« La décision de prolonger les manoeuvres a été prise en raison d’une activité militaire accrue près des frontières de la Russie et de la Biélorussie et d’une escalade […] dans la région ukrainienne du Donbass », a justifié le ministère biélorusse de la Défense, via un communiqué.

Effectivement, et alors que la Russie annonçait le retrait de quelques unités de blindés de Crimée – annonce dont la portée a été amoindrie avec l’arrivée d’autres capacités militaires près de l’Ukraine -, la situation s’est subitement dégradée dans le Donbass, où les forces gouvernementales ukrainiennes sont aux prises avec les séparatistes pro-russes des républiques populaires auto-proclamées de Donetsk et de Louhansk.

Ainsi, la Mission spéciale d’observation déployée en Ukraine par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe [OSCE] a constaté 1566 violations du cessez-le-feu [théoriquement imposé par les accords de Minsk 2, signée en février 2015] pour la seule journée du 18 février, contre « seulement » 153 trois jours plus tôt. Dans son dernier rapport, celle-ci s’attarde surtout sur les moyens mis en oeuvre par les séparatistes, affirmant avoir observé la présence de 30 lance-roquettes multiples BM-21 Grad ainsi qu’une dizaine d’obusiers dans les zones que ces derniers contrôlent, à proximité de la ligne de contact.

Dans ce contexte, les autorités des deux républiques séparatistes ont décrété la mobilisation générale, tout en ordonnant l’évacuation des civils vers la Russie. Une décision qui a été qualifiée de « manoeuvre cynique » par Washington, pour qui il s’agit de « préparatifs » avant une offensive lancée par Moscou.

La confusion aidant, tous les éléments sont réunis pour provoquer un incident susceptible d’avoir les plus graves conséquences. Voire pour mener une opération sous fausse bannière, ce qui ne peut être exclu… D’autant plus que la situation rappelle – de loin – celle qui prévalait entre la Finlande et l’Union soviétique en 1939.

À l’époque, Helsinki et Moscou étaient liés l’accord de Tartu de 1920 et un pacte de non-agression signé en 1932 [et renouvelé en 1934]. Seulement, des manoeuvres furent menées à partir de mars 1938 par l’Armée rouge, près de la Finlande, alors que les Soviétiques voulaient établir une zone tampon pour protéger Leningrad [Saint-Petersbourg aujourd’hui]

Ce fut dans le cadre de celles-ci que des obus tombèrent dans les environs du village soviétique de Mainila. Les forces finlandaises en furent tenues pour responsables par Moscou, alors que, de par leur position, leurs pièces d’artillerie n’avaient pas la portée suffisante pour un tel bombardement. Une propagande savamment orchestrée fit le reste, avec son lot d’agressions [fictives] imputées aux Finlandais.

L’incident de Mainila servit de prétexte à l’Union soviétique pour rompre ses relations diplomatiques avec la Finlande… et pour lancer la « guerre d’hiver », qui se solda le traité de Moscou, lequel fut signé aux dépens de la Finlande, malgré les succès tactiques de son armée.

Aussi, le bombardement d’un poste-frontière russe signalé par le FSB [le renseignement intérieur russe, ndlr], ce 21 février, est-il bien le fait des forces ukrainiennes, comme le sous-entend Moscou [ce que Kiev conteste]? Ou entre-t-il dans le cadre d’une opération sous fausse bannière, comme cela fut le cas pour le village de Mainila?

« Le 21 février, à 09h50, un obus de type non identifié tiré depuis le territoire de l’Ukraine a complètement détruit le point des gardes-frontières dans la région de Rostov, à une distance d’environ 150 mètres de la frontière russo-ukrainienne », a en effet déclaré le FSB. « Il n’y a pas eu de victime, les démineurs travaillent sur le site », a-t-il précisé.

« On ne peut pas les empêcher de produire ces fausses informations […] mais nous insistons sur le fait que nous ne tirons sur aucune infrastructure civile ou sur la région de Rostov », a rétorqué Pavlo Kovalchuk, un porte-parole des forces armées ukrainiennes, auprès de l’AFP. Et d’insister : Il « n’y a pas de tirs d’artillerie sur les forces d’occupation » russe [dans le Donbass].

Après que le FSB a fait état du bombardement de ce poste frontière de la région de Rostov, l’armée russe a affirmé avoir tué « cinq saboteurs » ayant franchi la frontière près de la localité Mitiakinskaïa.

« Lors de combats, cinq personnes appartenant à un groupe de saboteurs et de renseignement ayant violé la frontière de la Russie ont été éliminés », a affirmé un communiqué émis par le district militaire sud. Deux véhicules de combat d’infanterie [VCI], présumés ukrainienset dont la type n’a pas été précisé, auraient été détruits « à l’aide d’armes antichars ».

« Pas un seul de nos militaires n’a franchi la frontière avec la Fédération de Russie, et pas un seul d’entre eux n’a été tué aujourd’hui [21/02] », a assuré Anton Gerachtchenko, un haut responsable du ministère ukrainien de l’Intérieur.

À peine l’affirmation russe démentie par Kiev, Alexandre Bortnikov; le chef du FSB, en a lancé une nouvelle, lors d’une réunion du Conseil de sécurité convoquée par le président Poutine pour évoquer la situation en Ukraine. « Cette nuit, deux groupes de saboteurs de l’armée ukrainienne se sont rendus à la frontière russe […]. Suite à des affrontements, ces deux groupes de saboteurs ont été détruits. L’un des militaires ukrainiens a été capturé », a-t-il déclaré.

Lors de ce même conseil, le chef du Kremlin a estimé que « l’utilisation de l’Ukraine comme instrument de confrontation » avec la Russie « représente une menace sérieuse, très grande », assurant que la priorité de Moscou n’est « pas la confrontation mais la sécurité ».

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