La Russie accuse un sous-marin américain d’avoir violé ses eaux territoriales. L’US Navy dément
Quelques heures après un échange téléphonique entre le chef d’état-major russe, le général Valéri Gerasimov, et son homologue américain, le général Mark Milley, Moscou a accusé un sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] de l’US Navy de type Virginia – donc de conception récente – d’avoir violé ses eaux territoriales, précisément dans celles des îles Kouriles, lesquelles font par ailleurs l’objet d’un contentieux territorial avec le Japon.
« Le 12 février 2022, à 10h40 [heure de Moscou], un sous-marin de la classe Virginia de la marine américaine a été découvert dans la zone d’exercices réguliers de la Flotte du Pacifique, dans les eaux territoriales russes, près de l’île d’Ouroup dans l’archipel des Kouriles », a en effet indiqué le ministère russe de la Défense, via un communiqué.
Celui-ci explique le sous-marin américain a été repéré par la frégate « Maréchal Chapochnikov », un navire issu du projet 1155 [classe Oudaloï] qui, lancé à la fin des années 1970, visait à doter la marine soviétique d’une cinquantaine de « destroyers » dédiés à la lutte anti-sous-marine. Finalement, 13 furent construits.
Un message en russe et en anglais a alors été envoyé par la frégate « Maréchal Chapochnikov » au sous-marin américain en « mode de communication sous-marine », afin de lui intimer à faire surface « immédiatement », a avancé Moscou.
En effet, en droit maritime, un sous-marin étranger peut transiter dans les eaux territoriales d’un pays tiers à condition d’être en surface et d’aborer son pavillon [article 20 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ndlr].
Toujours selon le ministère russe de la Défense, le navire américain n’a pas obtempéré. Aussi, « l’équipage de la frégate ‘Maréchal Chapochnikov’ de la Flotte du Pacifique a utilisé les moyens appropriés, conformément aux règles de protection de la frontière d’État de la Fédération de Russie dans l’environnement sous-marin », a-t-il affirmé.
Aucun détail n’a été donné au sujet de ces « moyens appropriés » mis en oeuvre par la frégate russe. En tout cas, si l’on en croit la version de Moscou, le sous-marin américain a « utilisé un simulateur pour se dédoubler sur les radars et les dispositifs de contrôle acoustique avant de quitter les eaux territoriales russes à vitesse maximale ».
Pour rappel, d’un coût unitaire d’environ 2 milliards de dollars, un SNA de la classe Virginia est doté de missiles anti-navire Harpoon, de missiles de croisière Tomahawk et de torpilles Mark 48. Affichant un déplacement de 7900 tonnes en plongée, il peut naviguer à la vitesse de 25 noeuds. Il est mis en oeuvre par 113 marins.
Suite à cet incident, l’attaché militaire de l’ambassade des États-Unis à Moscou a été convoqué au ministère russe de la Défense, lequel l’a « informé que les actions du sous-marin américain sont considérées comme une violation flagrante du droit international » et qu’elles ont « créé une menace pour la sécurité nationale de la Fédération de Russie ». Une note de protestation lui a été remis.
Dans un premier temps, le Pentagone a dit « avoir connaissance d’articles de presse concernant ce supposé incident naval dans le Pacifique », selon l’AFP. Puis, un porte-parole du Commandement américain pour la région Indo-Pacifique [USINDOPACOM], le capitaine de vaisseau Kyle Raines, l’a catégoriquement démenti.
« Il n’y a aucune vérité dans les affirmations russes concernant nos opérations dans leurs eaux territoriales », a assuré l’officier. « Nous volons, naviguons et opérons en toute sécurité dans les eaux internationales », a-t-il insisté, se refusant à tout commentaire, comme il se doit, sur les zones de patrouille des sous-marins américains.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas le premier incident de ce type entre la Russie et les États-Unis. En octobre 2021, Moscou avait accusé le « destroyer » USS Chafee d’avoir tenté de violer ses eaux territoriales, celui-ci en ayant été empêché de le faire grâce à la présence de la frégate « Amiral Tribouts », qui naviguait alors dans le golfe de Pierre-le-Grand. Au moment des faits, les forces navales russes et chinoises menaient les manoeuvres conjointes « Interaction maritime 2021 ».
L’US Navy avait ensuite démenti la version russe, assurant, là encore, que son navaire avait « mené des opérations conformes au droit international ».
En revanche, un an plus tôt, la marine américaine avait assumé l’incursion du « destroyer » USS John McCain dans les eaux revendiquées par la Russie au niveau, là encore, du golfe Pierre-le-Grand, expliquant qu’elle entrait dans le cadre d’une mission de type FONOP [Freedom of Navigation OPeration], justifiée par le fait que le statut des baies est sujet à controverses dans le droit maritime.
Cet incident présumé – du moins le restera-t-il tant que l’on ne pourra pas vérifier les affirmations des deux parties – est survenu alors que les tensions entre Moscou et Washington sont au plus haut au sujet de l’Ukraine, la Russie étant soupçonnée de préparer une offensive contre son voisin.