La Hongrie aurait bloqué l’adhésion de l’Ukraine au centre d’excellence de l’Otan dédié à la cyberdéfense

Établi à Tallinn [Estonie] depuis 2008, le Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération [CCD CoE] de l’Otan mène des recherches et offre des formations ainsi qu’une expertise aux membres de l’Otan qui en sont membres. Mais cette structure est aussi ouverte aux partenaires de l’Alliance, comme la Finlande, l’Autriche, la Suède et la Suisse.

Confrontée régulièrement à des attaques informatiques, y compris contre ses infrastructures critiques, l’Ukraine a demandé à rejoindre ce centre d’excellence de l’Otan, en août 2021. Une initiative qui aurait pu être interprétée négativement par Moscou si elle avait abouti… Car, la candidature ukrainienne à ce CCD COE a été bloquée par l’un des membres de l’Alliance. C’est ce qu’a déclaré Oleksiy Danilov, le secrétaire du Conseil ukrainien de défense et de sécurité nationale, la semaine passée.

En effet, au sein de l’Otan, la règle de l’unanimité s’applique. « Les décisions sont prises par consensus et l’un des pays européens a refusé la pariticipation de l’Ukraine », a expliqué M. Danilov à l’agence presse UNIAN. « C’est un pays de l’Union européenne, ce sont nos voisins. Ils nous ont refusé… Un pays sur tous les membres de cette Alliance est contre », a-t-il insisté, s’interrogeant sur la « sincérité » de l’État membre en question, qu’il n’a pas cité.

Mais d’après l’European Pravda, un média en ligne créé en 2014 et financé notamment par l’Union européenne, la Division Diplomatie publique [DDP] de l’Otan et le Congrès des États-Unis, la Hongrie serait à l’origine de ce blocage.

« La procédure d’approbation de la candidature ukrainienne a commencé en octobre. Si elle avait été acceptée, l’Ukraine aurait dû rejoindre ce centre [d’excellence] le 1er janvier 2022. Or, il est apparu que la Hongrie mis son veto », écrit cette publication, qui n’exclut cependant pas que Budapest revoie sa position après les dernières cyberattaques dont Kiev a été victime, sur fond d’une forte pression militaire russe à ses frontières.

À noter, cependant, qu’un accord entre l’Otan et l’Ukraine a été annoncé en janvier, afin permettre à celle-ci de renforcer ses capacités en matière de cyberdéfense, via un accès à la plateforme de partage d’informations sur les logiciels malveillants de l’Alliance.

Reste que les autorités hongroises n’ont fait aucun commentaire sur leur décision concernant la candidature de Kiev au CCD COE. Cela étant, la Hongrie cultive une certaine proximité avec la Russie. Et dans l’affaire ukrainienne, Budapest porte une attention particulière à la minorité magyare établie en Ukraine subcarpatique, au point d’accuser Kiev de menacer ses droits, comme l’a encore récemment fait Peter Szijjarto, le chef de la diplomatie hongroise.

Les informations sur le veto mis par la Hongrie à l’adhésion de l’Ukraine au CCD CoE ont été diffusées après une visite à Moscou de Viktor Orban, le Premier ministre hongrois. Les questions énergétiques ont été au menu de son entretien avec Vladimir Poutine, le président russe, la Hongrie et la Russie ayant noué une coopération importante dans ce domaine, avec notamment la signature, en septembre 2021, d’un contrat avantageux d’approvisionnement en gaz naturel [via le gazoduc Turkstream, qui contourne l’Ukraine] et la construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires de technologie russe au sein de la centrale de Paks [avec un investissement de 12,5 milliards d’euros, financé à hauteur de 80% par un prêt russe].

Quant aux tensions russo-ukrainienne, liée aux garanties de sécurité que Moscou entend obtenir des États-Unis et de l’Otan, M. Orban a admis que la « situatuon était sérieuse, avec des différences certes significatives mais surmontables ». Et d’ajouter : « Il est possible de conclure un accord qui garantit la paix, la sécurité de la Russie, et qui est aussi acceptable par les membres de l’Otan ».

Quoi qu’il en soit, la position de Budapest a été résumée par M. Szijjarto dans le quotidien pro-gouvernemental Magyar Nemzet. « Lorsque l’Est et l’Ouest sont en conflit, les perdants sont toujours les Européens du centre » et « ceux qui usent d’une rhétorique de guerre contre les Russes sont aussi ceux qui concluent d’énormes accords en sous-main avec la Russie », a-t-il dit, soulignant que depuis que des sanctions ont décrétées contre Moscou, « les Allemands et les Français ont augmenté leurs propres exportations vers la Russie de plusieurs milliards d’euros ».

Dans le même temps, la Hongrie fait en sorte de respecter ses engagements pris au sein de l’Otan [notamment budgétaires] et M. Orban est favorable à l’autonomie stratégique européenne, comme il l’a encore répété en décembre 2021, à l’occasion de la venue du président Macron à Budapest.

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