Le déploiement des forces russes en Biélorussie est probablement plus important qu’annoncé

Organisé tous les quatre ans par la Russie et la Bioélorussie, l’exercice Zapad 17 avait consister à simuler une infiltration de « groupe terroristes » ayant pour objectif de commettre des attentats sur le territoire biélorusse ainsi que dans l’enclave russe de Kaliningrad à des fins de « déstabilisation ».

À l’époque, l’ampleur de ces manoeuvres avait donné matière à polémique, Moscou ayant assuré qu’elles ne mobiliseraient pas plus de 12’500 à 13’000 soldats. Soit l’effectif juste suffisant pour se soustraire aux obligations du Document de Vienne de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe [OSCE], lesquelles prévoient, notamment, la présence d’observateurs internationaux pour les exercices militaires de grande ampleur.

Finalement, et selon les estimations de l’Otan, qui avait été jusqu’à évoquer la participation de 100’000 soldats russes et biéolorusses, Zapad-17 aura mobilisé environ 40’000 hommes. Et si les pays baltes et la Pologne avaient pris prétexte de ces manoeuvres pour demander le déploiement de renforts auprès des Alliés, aucun incident sérieux ne fut signalé, hormis des perturbations sur les réseaux téléphoniques de la région et les signaux GPS.

Quatre ans plus tard, et alors que les tensions entre la Russie et les Occidentaux se sont accentuées, Zapad-21 aura mobilisé plus de 200’000 soldats au total, dont 12’800 en Biélorussie, selon les chiffres donnés par le ministère russe de la Défense.

Plus précisément, avait-il assuré, « 12’000 personnes ont participé à l’exercice » en Biélorussie, « dont jusqu’à 2’500 militaires russes, plus de 30 avions et hélicoptères, […] environ 140 chars, 110 canons, systèmes de lance-roquettes multiples et et mortiers ».

Depuis la fin de Zapad-21, les forces russes ont encore significativement renforcé leur présence dans les environs de l’Ukraine, comme si elles se préparaient à lancer une offensive. En outre, d’autres exercices ont été conduits en Biélorussie, alors accusée par la Pologne et la Lituanie de se livrer à des actes de « guerre hybride » en massant des migrants originaires du Moyen-Orient à leurs frontières.

Et les tensions n’ont cessé d’aller crescendo… Après une intense semaine diplomatique au cours de laquelle la Russie n’a pas obtenu les « garanties juridiques de sécurité » qu’elle exigeait auprès des États-Unis et de l’Otan, la Biélorussie a annoncé, le 17 janvier, la tenue de nouvelles manoeuvres militaires avec la Russie afin « d’élaborer un plan précis en cas de confrontation avec les forces venant de l’Ouest ».

Ces nouvelles manoeuvres, appelées « Détermination de l’Union 2022 », entreront dans le vif du sujet à partir du 10 février prochain. Elles dureront dix jours, soit deux fois plus longtemps que les exercices Zapad. Quant à leur ampleur, elle n’est, pour l’heure, pas connue, même si le vice-ministre russe de la Défense, Alexandre Formine, a évoqué la participation de 12 avions de combat Su-35 et d’unités dotées des systèmes de défense aérienne S-400 et Pantsir S1.

En effet, au regard des matériels envoyés en Biélorussie par chemin de fer, la participation russe à ces nouvelles manoeuvres sera a priori bien plus importante. Visiblement, les unités habituellement basées dans le district militaire oriental de la Russie sont mises à contribution.

S’agissant, jsustement, des équipements d’ores et déjà arrivés en Biélorussie, et grâce au renseignement en sources ouvertes, on peut noter la présence de véhicules de combat d’infanterie BMP-2, de véhicules de transport de troupes Typhoon-K [de type MRAP – Mine-Resistant Ambush Protected] etMT-LB, de ponts flottants PP-2005, d’autres types d’engins du génie et, surtout, de lance-roquettes multiple BM-27 Urugan.

Par ailleurs, un chargement de missiles balistiques Iskander-M, d’une portée comprise entre 50 et 500 km, a été repéré à Kalouga, ville située à 250 km de la frontière biélorusse, alors qu’il était en transit. Des mouvements des 103e et 107e brigades d’artillerie, habituellement basées dans l’extrême-orient russe, et dotées de missiles Iskander ont également été repérés vers l’Ukraine. On ignore, pour le moment, leur destination finale.

Quoi qu’il en soit, les nombreuses vidéos diffusées via les réseaux sociaux suggèrent un renforcement de grande ampleur des capacités militaires russes déployées près de l’Ukraine, avec des moyens venus du district militaire orientale de la Russie.

Quant aux manoeuvres prévues en Biélorussie, la présence éventuelle de systèmes d’artillerie – comme cela a l’air d’être le cas – et de capacités de guerre électronique donnera probablement une indication sur les intentions de Moscou. Et elle pourrait même constituer la dernière pièce d’un puzzle, qui a commencé en mars dernier, avec, là encore, de vastes mouvements de troupes.

Ainsi, avec des capacités de frappe à longue portée et de brouillage électronique positionnées en Biélorussie, les forces russes seraient en mesure de menacer le nord de l’Ukraine… et en particulier Kiev, qui ne se trouve qu’à environ 90 km de la frontière. Dans un tel cas de figure, leurs homologues ukrainiennes ne disposeraient pas d’assez de moyens pour faire face à une offensive venue du territoire biélorusse et, dans le même temps, intervenir dans le sud-est de l’Ukraine, c’est à dire dans le Donbass, voire dans la région de Marioupol.

« Le fait que nous observions ces mouvements en Biélorussie donne clairement aux Russes une nouvelle approche s’ils décidaient d’entreprendre des actions militaires plus poussées contre l’Ukraine », a ainsi affirmé une reponsable de la diplomatie américaine, citée par l’AFP. « Nous sommes à un stade où la Russie peut lancer à tout moment une attaque en Ukraine », s’est par ailleurs alarmée Jen Psaki, la porte-parole de la Maison Blanche, le 18 janvier, évoquant une « situation extrêmement dangereuse ».

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