La Russie n’exclut pas l’envoi de troupes en Amérique du Sud si l’Otan ne limite pas ses activités à ses portes

En décembre, Buenos Aires et la Moscou ont renforcé leurs relations militaires en signant un accord de coopération militaire visant à faciliter la formation et l’entraînement des officiers et sous-officiers argentins en Russie, en particulier dans les domaines du pilotage, des nageurs de combat et du tir de précision. « C’est une étape qui permettra une plus grande relation entre les deux forces armées », a fait valoir Jorge Taiana, le ministre argentin de la Défense.

Mais cet accord pourrait en annoncer un autre… En effet, éprouvant des difficultés quasiment insurmontables pour moderniser son aviation de combat, notamment en raison des restrictions imposées par le Royaume-Uni sur les composants d’origine britannique, Buenos Aires pourrait bien se tourner vers l’industrie aéronautique russe. Ces derniers mois, il se murmure que la Fuerza Aérea Argentina serait intéressée par le MiG-35 ou bien par le Su-30 SM, ainsi que par l’avion d’entraînement Yak-130. En outre, quand le groupe russe Rostec a dévoilé le nouvel appareil de 5e génération Su-75 « Checkmate », il n’a pas caché que l’Argentine était susceptibles de faire partie des clients potentiels.

On peut imaginer que Moscou fasse des facilités à Buenos Aires pour lui permettre d’acquérir de nouveaux avions de combat – et donc de récupérer une capacité de vol supersonique que la Fuerza Aérea Argentina a perdue en 2015, avec le retrait de ses derniers Mirage III et 5. En agissant de la sorte, la Russie donnerait à l’Argentine les moyens d’exercer une pression militaire plus forte sur les îles Falklands/Malouines qu’elle revendique alors qu’elles sont sous souveraineté britannique. En clair, ce serait une épine dans le pied du Royaume-Uni… en plus d’être une possible réponse aux activités militaires de l’Otan que Moscou ne cesse de dénoncer…

Mais on n’en est pas encore là… Alors que, justement, les discussions avec l’Otan et les États-Unis au sujet des garanties « juridiques » de sécurité qu’elle réclame n’ont rien donné, comme on pouvait s’y attendre, la Russie n’exclut pas d’envoyer des troupes en Amérique latine, c’est à dire dans l’arrière-cour des États-Unis.

C’est en effet ce qu’a laissé entendre Sergueï Riabkov, le vice-ministre russe des Affaires étrangères. « Tout dépend de nos homologues américains », a-t-il affirmé, dans un entretien à la chaîne de télévison RTVI, en faisant allusion aux « mesures militaires et techniques » évoqués par le président russe, Vladimir Poutine, dans le cas où la Russie n’obtiendrait pas satisfaction auprès des États-Unis et de l’Otan.

« Nous sommes constamment confrontés à une pression militaire provocatrice destinée à tester notre force », a fait valoir M. Riabkov, en évoquant l’activité de l’Otan. « Comment les Américains réagiraient si nos bombardiers volaient à moins de 15 kilomètres de certaines de leurs bases situées sur la côte est ou la côte ouest? », a-t-il demandé.

Parmi les pays sud-américains susceptibles d’accueillir des capacités militaires russes, Cuba vient spontanément à l’esprit… en raison de la « crise des missiles » de 1962. Le Nicaragua fait partie des éventualités, en raison de ses relations avec Moscou, nouées à l’époque soviétique. Selon une étude de l’IFRI publiée en juillet 2020 [.pdf], il passe pour être le « pays le plus attractif pour le complexe miltaro-technique russe après le Venezuela », lequel a par ailleurs accueilli sur son sol deux bombardiers stratégiques russes Tu-160 « Blackjack » en décembre 2018. Et cela n’avait pas été vu d’un très bon oeil à Washington…

En outre, le Venezuela peut intéresser les forces russes avec la possibilité d’établir une base aérienne sur l’île de La Orchila, située à 2’000 km, seulement, des États-Unis.

Quoi qu’il en soit, les propos de M. Riabkov n’ont pas été pris au sérieux par Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale du président américain, Joe Biden. Interrogé à leur sujet durant une conférence de presse donnée à la Maison Blanche, il a déclaré qu’il n’allait pas répondre à des « fanfaronnades ». Et d’ajouter : « Cela n’a pas été évoqué lors du Dialogue stratégique sur la stabilité. Mais si la Russie devait s’engager dans cette voie, alors nous nous en occuperions résolument.

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