En 2021, la Marine nationale a intercepté 44,8 tonnes de drogue
Les records sont faits pour être battus, dit-on. Et en matière de lutte contre le trafic drogue, la Marine nationale a pulvérisés les siens, en 2021. Il faut dire que la frégate de surveillance Germinal avait donné le ton, avec la saisie de 4,2 tonnes de cocaïne qui se trouvaient à bord d’un navire de pêche naviguant dans les Antilles, le 17 janvier.
Certes, quinze ans plus tôt, la frégate Ventôse avait fait mieux, avec l’arraisonnement du cargo « Ciudad de Oviedo », dont les cales recelaient 4,3 tonnes de « coke ». Mais trois mois après la saisie réalisées par le Germinal, le porte-hélicoptères amphibie [PHA] Dixmude, alors engagé dans l’opération Corymbe, dans le golfe de Guinée, intercepta le cargo « Najlan », qui transportait environ 6 tonnes de cocaïne.
Durant la même semaine, dans l’océan Indien, plus de huit tonnes de cannabis, 300 kg d’héroïne et plus de 450 kg métamphétamines furent saisis à bord de plusieurs boutres interceptés par le groupe « Jeanne d’Arc », alors composé du PHA Tonnerre et frégates Surcouf et Nivôse. En un seul trimestre, la Marine nationale avait donc saisi presque autant de produits stupéfiants qu’en 2019, qui avait été une excellent cru en matière de lutte contre les narco-trafiquants.
D’autres saisies ont été effectuées par la suite. Et, la semaine passée, le ministère des Armées a confirmé le chiffre qui avait été avancé par l’amiral Nicolas Vaujour, sous-chef d’état-major opérations [SCOPS] à l’État-major des armées lors d’une audition parlementaire. À savoir que la Marine nationale avait intercepté, au total, « 44,8 tonnes de drogue en Polynésie française, aux Antilles, dans le golfe de Guinée ou encore dans l’océan indien ». Soit l’équivalent de « près de deux milliards d’euros, qui ne financeront pas les flux financiers criminels et terroristes », a-t-il souligné.
En outre, a-t-il précisé, « une tonne saisie en mer évite plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers de transactions de quelques grammes à terre, allégeant d’autant le travail des forces de sécurité intérieure ».
Pour prendre la mesure de l’importance de ces résultats, les saisies de drogues effectuées par la Marine nationale durant les quinze dernières années ont oscillé de 1,9 à 17,8 tonnes.
Les dynamiques qui sous-tendent les trafics de produits stupéfiants différent d’une région à l’autre, comme, du reste, les modes opératoires des narco-trafiquants.
Ainsi, selon le dernier rapport du MICA Center, un organisme relevant de la Marine nationale et dédié à la sécurité maritime, la crise sanitaire a eu pour conséquence une baisse « considérable du flux de voiliers », habituellement utilisés pour transporter de la drogue entre l’Amérique latine et l’Océanie. Ce qui fait les saisies de produits stupéfiants y ont été anecdotiques l’an passé. Mais cela ne pourrait pas durer, notamment « à la lumière du risque de contamination de certaines îles isolées de Polynésie où les trafiquants recherchent un soutien logistique où conduire des transbordements ».
Dans l’océan Indien, la réouverture des frontières a fait que, selon le MICA Center, le « trafic de stupéfiants effectué sur des navires traditionnels a connu une augmentation sensible ». En outre, il a été mis en évidence un « flux important de drogues partant de la zone irano-pakistanaise vers le Mozambique » [où la province de Cabo Delgado est la proie d’une insurrection jihadiste, ndlr] ainsi que des « traces d’un axe secondaire entre Madagascar et l’Île Maurice dont l’origine est probablement un rebond de la marchandise livrée sur le continent ». Et le rapport confirme également l’existence d’un flux entre La Réunion et l’Île Maurice, « sur la base d’échanges de produits de contrebande contre du cannabis ».
Quant au golfe de Guinée, il est l’une des destinations privilégiées de la cocaïne produite en Amérique latine, étant donné qu’il est une porte d’entrée vers le Vieux Continent.
« La route vers l’Europe via l’Afrique de l’Ouest puis la Méditerranée est désormais considérée par l’ONUDC comme la principale artère de cocaïne », relève le MICA Center. « Longtemps épargnée, l’Afrique consomme de plus en plus de cocaïne en raison de la baisse de son prix. Une hausse de 40% de la consommation est attendue dans la décennie », ajoute-t-il.
Cette route passe aussi par les Antilles, qui sont aussi sur le chemin vers l’Amérique du Nord. « Les nombreux trafics illicites empruntent majoritairement des routes sud-nord. Beaucoup de go-fast, mais aussi des navires plus lourds [bateaux de pêche – tapouilles – remorqueurs, vraquiers, etc.] effectuent des traversées directes du Vénézuéla ou de Colombie vers la République Dominicaine, Puerto Rico, ou, plus à l’ouest, vers les pays d’Amérique centrale », note le MICA Center.
En général, ces navires rejoignent des « bateaux filles », comme des yoles rapides, pour effectuer les derniers nautiques afin d’échapper aux radars et aux patrouilles. Le rapport précise que le trafiquants sont de plus en plus souvent « lourdement armés ».
Une autre tendance observée chez les trafiquants, et qui relèverait de ce que l’on pourrait appeler de la « narco-piraterie », consiste à aborder un navire commercial pour y introduire de la drogue à bord. Mais « cette menace pèse essentiellement sur les porte-conteneurs opérant sur la côte ouest de l’Amérique latine, particulièrement dans les eaux de l’Equateur, du Pérou, de la Colombie et du Chili », précise le rapport.
À noter que celui-ci ne parle pas de l’utilisation de « sous-marins » [ou de submersibles] par les trafiquants, à l’image de celui qui avait été repéré par la Guardia Civil espagnole en novembre 2019.
Quoi qu’il en soit, si les saisies de produits stupéfiants par la Marine nationale ont atteint un niveau record en 2021, il en va de même pour leur consommation… Selon des chiffres de l’INSEE, les consommateurs de drogue ont en effet dépensé 4,2 milliards d’euros pour se procurer du cannabis, de la cocaine, de l’héroïne et des drogues de synthèse. Soit 7% de plus qu’en 2019.
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