Avec ses alliés de l’OTSC, la Russie envoie des troupes au Kazakhstan, en proie à de violentes émeutes

Disposant d’immenses ressources naturelles, notamment en pétrole, en gaz naturel et en uranium [il en est le premier producteur mondial, ndlr], le Kazakhstan a connu un tel essor économique depuis son indépendance que son Produit intérieur brut [PIB] représente 50% de celui de l’ensemble des pays d’Asie centrale.

Évidemment, en raison de son ancienne appartenance à l’Union soviétique [il abrite le cosmodrome de Baïkonour, d’où ont décollé le satellite Sputnik et Youri Gagarine], ce pays cultive des liens d’autant plus étroits avec la Russie que sa population compte environ 20% de Russes. En outre, après son indépendance, le Kazakhstan a rejoint la Communauté des États indépendants [CEI] et a été l’un des membres fondateurs de l’Organisation du traité de sécurité collective [OTSC], une organisation qui se veut le pendant de l’Otan, sous l’égide de Moscou.

Cela étant, dirigé pendant près de trente ans par le président Noursoultan Nazarbaïev, le Kazakhstan s’est aussi rapproché de l’Otan, en rejoignant son Partenariat pour la paix [PPP] en 1994. Et, avec désormais Kassym-Jomart Tokaïev à sa tête [depuis 2019], un accord de partenariat et de coopération renforcé avec l’Union européenne [UE], son premier partenaire commercial avec 18,6 milliards d’euros d’échanges en 2020, est entré en vigueur il y a près de deux ans.

Plus récemment, le Kazakhstan a reconduit un accord militaire avec les États-Unis, tout en nouant des coopérations de même nature avec l’Italie et en signant des commandes d’armes [drones et blindés] auprès de la Turquie. D’ailleurs, pour limiter l’influence de la Russie et de la Chine, Astana regarde de plus en plus vers Ankara, via l’Organisation des États turcophones [OET] qui, réunissant quatre anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale [dont l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan et le Kirghizistan], pourrait se tranformer en alliance militaire.

Pour la Russie, qui entend obtenir des garanties juridiques sur sa sécurité auprès des États-Unis et de l’Otan, de telles orientations passent mal, même si, le 22 décembre, Astana a ratifié un accord de sécurité avec Moscou en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et de cyberdéfense. Dans une tribune récemment publiée par Rossiyskaya Gazeta, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a ainsi dénoncé la « xénophobie » dont seraient victimes les russophones vivant au Kazakhstan, estimant qu’elle était le « résultat d’une prapagande extérieure visant à encourager le nationalisme et à discréditer la coopération » avec son pays.

C’est donc dans ce contexte que, le 2 janvier, des troubles ont éclaté dans la ville de Janaozen [ouest du Kazakhstan], après l’annonce d’une hausse des prix du gaz naturel liquéfié [GNL]. Hausse faisant craindre une nouvelle poussée de l’inflation, laquelle avoisine déjà 9%. Puis, le mouvement s’est entendu à d’autres villes, dont celle d’Almaty, la capitale économique du pays.

Selon un bilan donné par les autorités du pays [et non vérifiable de manière indépendante], il a été fait état, le 5 janvier au soir, de « dizaines » de manifestants tués alors qu’ils tentaient de s’emparer de bâtiments officiels et de plus d’un millier de blessés. Et, d’après la télévision publique, 13 membres des forces de l’ordre ont perdu la vie [deux auraient été « décapités »] et 353 autres ont été blessés.

Dans un premier temps, le président Tokaïev a lâché du lest pour tenter d’apaiser la situation en annonçant une hausse des prix du GNL moins importante que prévu et en limogeant son gouvernement. Mais cela n’a guère calmé les manifestants. Aussi, et après les derniers affrontements entre ceux-ci et les forces de l’ordre, il s’est résolu à décréter l’état d’urgence et à faire appel à la Russie et à l’OSTC, en mettant en avant une « menace terroriste ».

« J’ai appelé aujourd’hui les chefs des États de l’Organisation du traité de sécurité collective à aider le Kazakhstan à vaincre la menace terroriste », a en effet annoncé M. Tokaïev à la télévision d’État, assurant que des « gangs terroristes » ayant « reçu un entraînement approfondi à l’étranger » étaient à la tête des manifestants. « Des groupes d’éléments criminels battent nos soldats, les humilient, les traînant nus dans les rues, agressent les femmes, pillent les magasins », a-t-il dénoncé. Aussi, « en tant que président, je suis contraint de protéger la sécurité et la paix de nos citoyens, de m’inquiéter de l’intégrité du Kazakhstan », a-t-il aussi justifié.

L’OTSC n’aura pas tardé à répondre favorablement à la demande de M. Tokaïev, celle-ci auant annoncé le déploiement au Kazakhstan d’une « force collective de maintien de la paix » pour « une durée limitée afin de stabiliser et normaliser la situation dans ce pays ».

Cette force de « maintien de la paix », dont l’effectif n’a pas été précisé, est constituée par des unités fournies par la Russie, la Biélorusie, l’Arménie, le Tadjikistan et le Kirghizistan. Ses principales misssions seront d’assurer la « protection des installations étatiques et militaires importantes », d’assister les forces de l’ordre kazakhes pour « stabiliser la situation » et ramener le calme.

Selon l’agence TASS, qui cite l’OTSC, les forces aéroportées russes sont concernées par ce déploiement au Kazakhstan. « À l’heure actuelle, la partie russe du contingent de maintien de la paix est transférée sur le territoire de la République du Kazakhstan par des avions de transport militaire de la Forces aérospatiales russes », a-t-elle indiqué.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]