Pour un responsable russe, le missile hypersonique Zircon sera un « tueur de porte-avions »

Le 26 décembre, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a une nouvelle fois averti que la Russie prendrait des « mesures militaro-techniques adéquates » si l’Otan poursuivait sa « course agressive » au seuil de la Russie et refusait de donner à cette dernière les « garanties de sécurité » qu’elle réclame. Quelles pourraient être ces mesures? Elle dépendront « des propositions » qu les experts militaires russes lui soumettront, a-t-il dit.

Ancien chef d’état-major adjoint des forces russes [entre 2014 et 2018] et ex-vice-ministre de la Défense, le général Andreï Kartapolov préside désormais le comité de la Défense de la Douma [chambre basse du Parlement de Russie]. Autant dire qu’il est très bien placé pour avoir une idée précise des mesures évoquées par M. Poutine. Et, ce 28 décembre, il en a donné quelques unes, via la chaîne « Solovyov Live », diffusée par Youtube.

Ainsi, l’une d’elles consisterait à renforcer les capacités d’interdiction et de déni d’accès [A2/AD] en Méditerranée orientale, depuis les emprises militaires que la Russie possèdent en Syrie, dont la base aérienne de Hmeimim et le port de Tartous. Une autre viserait à empêcher les navires de l’Otan de se rendre en mer Noire, région stratégique à plus d’un titre, au-delà même des tensions entre Moscou et Kiev, en les dissuadant d’emprunter le détroit du Bosphore, voire en bloquant ce dernier.

Pour rappel, la région de la mer Noire est un carrefour essentiel pour la sécurité des approvisionnements énergétiques ainsi que pour échanges commerciaux entre les Balkans occidentais et le sud du Caucase, ainsi que, par certains côtés, entre l’Europe et le Moyen Orient. Elle est aussi marquée par des conflits « gelés » depuis l’effondrement de l’Union soviétique et par des « zones grises » propices à tous les trafics.

Il « n’est pas difficile de voir que la Russie exploite tous ces conflits pour exercer une intimidation politique sur les États qui ont pris leur indépendance après la chute de l’Union soviétique », avait ainsi récemment commenté Pavel Anastasov, membre de la division « Affaires politiques et politique de sécurité » de l’Otan, après avoir été vice-ministre de la Défense en Bulgarie.

S’agissant des capacités A2/AD russes en Méditerranée orientale, celles-ci pourraient être renforcées par des missiles hypersoniques, comme le Zircon, capable de voler à Mach 9 et parcourir plus de 1000 km.

En outre, en juin dernier, alors que le porte-avions britanniques HMS Queen Elizabeth venait d’arriver dans la région avec son groupe aéronaval [CSG-21], deux MiG-31K susceptibles d’emporter le missile aérobalistique hypersonique Kinjal, avaient été envoyés à Hmeimim.

Mais à en croire le général Kartapolov, la mise en service annoncée du missile de croisière hypervéloce Zircon pourrait bien compliquer la tâche des marines occidentales. Cet engin peut être mis en oeuvre depuis une batterie côtière [comme à Tartous, par exemple], un navire de surface ou bien encore un sous-marin nucléaire d’attaque [SNA].

L’ex-vice ministre russe de la Défense a ainsi expliqué que le Zircon est un « tueur de porte-avions » car on ne peut lui « opposer aucune défense », surtout quand plusieurs sont tirés à quelques secondes d’intervalle, comme lors du dernier essai d’État réalisé le 24 décembre, selon le Kremlin.

Et le général Kartapolov d’ajouter : « Un ou deux missiles, et un porte-avions est coulé ou définitivement hors de combat. Or, le porte-avions est la base sur laquelle la stratégie militaire américaine a été bâtie au cours des dernières décennies ».

Cela étant, le groupe aéronaval français peut aussi être concerné… D’où, d’ailleurs, les efforts de la Marine nationale pour trouver des parades, comme l’a récemment expliqué l’amiral Pierre Vandier, son chef d’état-major [CEMM], lors d’une audition parlementaire.

« Le développement de missiles hypersoniques illustre [une] montée en gamme […]. Jusqu’à présent, nos systèmes d’armes étaient conçus pour détruire des missiles subsoniques. Aujourd’hui, nous travaillons à la transformation de nos navires, de sorte qu’ils soient capables d’intercepter les missiles hypersoniques en augmentant la vitesse de réaction de nos systèmes de combat. Nous mettons ainsi en œuvre des programmes d’amélioration de nos navires par la veille coopérative navale », avait-t-il dit.

Et de poursuivre : « Concrètement, une force navale coopère en transmettant les cibles élaborées par chaque bateau. L’élaboration des cibles nécessite environ quatre à cinq secondes, ce qui induit un décalage temporel des données partagées. Et cinq secondes de décalage, alors qu’il s’agit d’appréhender des missiles filant à Mach 7, c’est beaucoup. Les radars doivent donc être capables de coopérer entre eux, indépendamment des systèmes d’armes, de façon à identifier les cibles beaucoup plus rapidement. Cette technique de guerre coopérative implique d’utiliser le segment spatial, en exploitant les données des satellites de basse orbite, dont le temps de latence est très inférieur à celui des satellites géostationnaires ».

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