La Russie critique la stratégie française au Sahel et assure le Mali de son soutien militaire

En juin, et afin de contrer l’influence grandissante des groupes jihadistes vers les pays du golfe de Guinée, le président Macron a annoncé la réorganisation du dispositif militaire français au Sahel. Et, désormais, celui-ci reposera sur quatre axes : le conseil aux forces armées locales, via les Éléments français au Sénégal [EFS] et les Forces françaises en Côte d’Ivoire [FFCI], l’accompagnement au combat par le groupement européen de forces spéciales Takuba, la « réassurance » au profit des forces alliées et partenaires, en particulier avec des moyens aériens, et la pousuite d’opérations ciblées contre les chefs des organisations terroristes.

Cette réorganisation suppose le départ des militaires français la force Barkhane de trois bases opérationnelles avancées, à savoir celles de Kidal, de Tessalit et de Tombouctou, situées dans le nord du Mali. Cette évolution a été critiquée par les autorités maliennes de transition, en particulier par le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, lequel a accusé la France « d’abandonner » son pays « en plein vol ». De quoi justifier, à ses yeux, la nécessité pour Bamako « d’explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome avec d’autres partenaires ».

Au moment où ils furent tenus, les propos de M. Maïga répondaient aux informations selon lesquelles les autorités maliennes songeait à recourir aux services du groupe paramilitaire russe Wagner, proche du Kremlin. Un casus belli non seulement pour la France mais aussi pour d’autres pays engagés aux côtés de cette dernière au Sahel.

Le 23 décembre, ceux-ci ont dénoncé l’arrivée du groupe Wagner au Mali, via un communiqué commun. Et, selon une source gouvernementale française, il aurait en effet été constaté des « rotations aériennes répétées avec des avions de transport militaire appartenant à l’armée russe, des installations sur l’aéroport de Bamako permettant l’accueil d’un chiffre significatif de mercenaires, des visites fréquentes de cadres de Wagner à Bamako et des activités de géologues russes connus pour leur proximité avec Wagner ».

Ce que le gouvernement de transition malien a démenti le lendemain, parlant d’allégations « sans fondement », tout en exigeant des « preuves apportées par des sources indépendantes ». Toutefois, il a admis la présence de « formateurs russes », arrivés « dans le cadre du renforcement des capacités opérationnelles des Forces de défense et de Sécurité nationales », « au même titre que la mission européenne de formation » [EUTM Mali]. Et de rappeler, à l’occasion que « l’État malien n’est engagé que dans un partenariat d’État à État avec la Fédération de Russie, son partenaire historique ».

Ce 27 décembre, soit au lendemain d’un nouveau massacre commis par des jihadistres présumés au Burkina Faso [41 tués parmi des civils et des Volontaires pour la défense de la patrie], la Russie a assuré qu’elle continuerait à fournir une aide militaie au Mali tout en critiquant la stratégie française au Sahel.

« Nous continuerons de défendre les intérêts légitimes de Bamako aux Nations unies ainsi que de fournir une assistance active à nos partenaires maliens dans les sphères militaires et militaro-techniques dans le cadre des filières étatiques », a en effet affirmé Piotr Ilichev, directeur du service du ministère russe des Affaires étrangères pour les organisations internationales.

« La clé du renforcement de la sécurité au Sahel se trouve au Mali », a également estimé M. Ilichev. Et d’ajouter : « L’arrêt progressif de l’opération Barkhane, avec le retrait de l’armée française des bases de Tessalit, Kidal et Tombouctou, pourrait provoquer une forte recrudescence de l’activité terroriste dans le pays, ce qui déstabiliserait la sous-région », alors que « dans le même temps, ni la force conjointe du G5 Sahel, ni la mission européenne Takuba, n’ont le potentiel suffisant pour contrer pleinement cette menace ».

Les déficits capacitaires des forces armées locales sont évidemment pris en compte par l’état-major français. D’où le maintien de moyens français pour des missions de « réassurance » au profit de ces dernières. Par ailleurs, l’un des objectifs est de les faire monter en gamme – en les accompagnant au combat avec Takuba – tout en mettant les groupes jihadistes à leur portée. Enfin, et contrairement à ce que laisse entendre M. Ilichev, la France n’a pas l’intention de quitter le Sahel, comme l’a encore récemment répété Florence Parly, la ministre des Armées, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche.

Photo : Hélicoptère Mil Mi-17 livré par la Russie au Mali

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