Comme Paris l’espérait, Madrid a donné son feu vert au standard Mk3 de l’hélicoptère d’attaque Tigre

Hormis le Système de combat aérien du futur [SCAF] – et encore faut-il attendre que Dassault Aviation et Airbus se mettent d’accord avant que l’arrangement d’application n°3 signé par les États concernés puisse entrer en vigueur -, l’année 2021 n’aura pas été marquée par une avancée significative des projets d’armement menés en coopération avec l’Allemagne.

Ainsi, dans le domaine de la patrouille maritime, le Maritime Airborne Warfare System [MAWS] est compromis avec la décision de Berlin de se procurer des P-8A Poseidon américains, le char de combat du futur est embourbé à cause de désaccords persistants entre les industriels [allemands] impliqués… Et le développement du Tigre Mk3, dernière évolution de l’hélicoptère de combat, franco-allemand à l’orgine, devrait se faire sans… l’Allemagne, où la Bundeswehr serait finalement intéressée par l’AH-64E Apache de Boeing.

Pour rappel, en mai 2018, la ministre française des Armées, Florence Parly, avait annoncé le lancement de la modernisation des hélicoptères EC665 Tigre en portant ceux-ci au standard MK3, dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne et l’Espagne. Un « nouvelle étape pour l’Europe de la défense et la consolidation de notre industrie », avait-elle souligné à l’époque.

Puis, quelques semaines plus tard, l’Organisme conjoint de coopération en matière d’armement [OCCAr] notifia à Airbus Helicopters, Thales et MBDA les contrats relatifs aux études de levée de risque concernant cette modernisation à mi-vue du Tigre. On pouvait alors penser que ce programme – d’un coût évalué à 5,5 milliards d’euros – allait suivre son cours… Sauf que, en février dernier, à l’issue d’un conseil franco-allemand, la chancelière Angela Merkel laissa entrevoir des réticences à aller de l’avant dans ce projet.

« Pour le Tigre standard 3, il y a toute une série de négociations à conduire, en particulier avec Airbus pour la partie allemande. Mais là encore, du côté français, on a souligné l’importance stratégique d’une bonne coopération sur ce dossier », déclara en effet Mme Merkel.

Côté allemand, il fut alors avancé que la Bundeswehr était réticente à la modernisation du Tigre en faisant valoir la faible disponibilité de ses propres appareils. Selon le quotidien Bild, en janvier 2020, seulement 8 hélicoptères sur 53 auraient été en état de voler…

Quoi qu’il en soit, cet automne, la non participation – du moins pour le moment – de l’Allemagne à la modernisation du Tigre ayant été actée, il restait à la France et l’Espagne de se mettre d’accord sur la poursuite de ce programme. Ce qui vient d’être fait.

En effet, le 21 décembre, le Conseil des ministres espagnols a accordé 1,18 milliard d’euros au ministère de la Défense afin qu’il puisse porter les 18 Tigre des Fuerzas aeromobiles del Ejercito de tierra [FAMET] au standard Mk3. Cette somme sera progressivement débloquée entre 2029 et 2037 [soit 9 anuités]. Et elle sera complétée par une avance de 707 millions d’euros, payée par le ministre de l’Industrie.

Selon Madrid, « il a été convenu que la répartition des coûts et de la participation industrielle serait basée sur le nombre initialement prévu d’hélicoptères à moderniser, soit 78,83% pour la France, avec ses 67 appareils, et 21,18% pour l’Espagne ». Et de préciser que la chaîne d’assemblage finale des 85 Tigre Mk3 sera installée dans l’usine que possède Airbus Helicopters à Albacete.

Cela étant, le faux bond de l’Allemagne pourrait contraindre à revoir à la baisse les ambitions pour le Tigre Mk3. C’est en effet ce qu’avait expliqué le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], lors d’une audition parementaire, en octobre.

« Concernant le Tigre Standard 3, soit l’Allemagne nous rejoint et nous pourrons le réaliser tel que prévu, soit elle ne nous rejoint pas et il faudra redéfinir le standard avec l’Espagne et ne faire passer à ce standard 3 bis ou 4 qu’une partie de nos hélicoptères », avait dit le CEMAT aux députés. Et de souligner que « la présence de l’Allemagne constitue toutefois un enjeu puisque l’équilibre économique du programme ne peut être obtenu qu’avec elle ».

Dans le détail, la modernisation du Tigre vise à prendre en considération les retours d’expérience [RETEX] de ses engagements passés, à traiter les obsolescences et à intégrer de nouvelles capacités, en particulier dans le domaine du combat collaboratif. Il est aussi question d’équiper cet appareil du système de gestion aéroporté MUM-T pour lui permettre de communiquer avec des drones et de l’armer avec le futur missile MHT [missile haut de trame].

Par ailleurs, selon la presse espagnole, l’Allemagne a reporté sa décision sur son éventuelle participation au programme Tigre Mk3 à la fin 2022. D’ici là, l’OCCAr aura notifié les contrats aux industriels au nom de la France et de l’Espagne, la signature étant prévue pour le 1er trimestre de la prochaine année.

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