La Russie veut des négociations « immédiates » avec l’Otan pour obtenir des garanties sur sa sécurité

En décembre 2018, l’Otan accusa la Russie d’avoir mis au point et déployé le missile 9M729 « Novator » [ou SSC-8], dont les performances étaient décrites comme étant incompatibles avec le Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires [FNI]. Et les Alliées donnèrent soixante jours à la Russie pour se conformer à ses obligations. Ce qui ne donna rien, Moscou ayant nié tout manquement.

Aussi, deux mois plus tard, les États-Unis annoncèrent leur intention de se retirer du traité FNI, avec le « plein soutien » de leurs partenaires de l’Otan. « La Russie a mis en danger la sécurité des États-Unis et nous ne pouvons plus être entravés par un traité pendant que la Russie le viole éhontément », fit valoir Mike Pompeo, alors chef de la diplomatie américaine.

« Les Alliés constatent avec regret que la Russie, suivant le comportement plus général qui est le sien, continue de nier cette violation du traité FNI, refuse d’apporter une réponse crédible, et n’a pris aucune mesure concrète dans le sens d’un retour à un respect total et vérifiable », déplora l’Otan, via un communiqué. Et d’annoncer que l’organisation allait prendre les « mesures nécessaires pour assurer la crédibilité et l’efficacité de la posture globale de dissuasion et de défense de l’Alliance ».

Cela étant, pour les Européens, il était hors de question de revivre la crise des Euromissiles, laquelle avait justement pris fin après la signature du traité FNI par les États-Unis et l’Union soviétique, en 1987. Pour rappel, Moscou avait déployé des missiles de portée intermédiaire SS-20 dans les pays du Pacte de Varsovie. Ce qui incita Washington à en faire de même en envoyant des missiles Pershing II en Allemagne de l’Ouest. Et l’une des unités de l’US Army appelée à mettre en oeuvre ces engins était le 56th Field Artillery Command.

Or, il se trouve que cette dernière a officiellement été réactivée sous le nom de 56th Artillery Command, en novembre 2021, à Cassel [Mayence, sud-ouest de l’Allemagne]. Et cela dans le cadre du programme « Multi-Domain Task Forces » [MDTF] de l’US Army, lequel consiste à regrouper au sein d’une même formation des capacités en matière d’artillerie de campagne, de défense aérienne et antimissile de théâtre, de renseignement, de guerre électronique et de lutte informatique. L’idée est de pouvoir coordonner des frappes de missiles à longue portée, via une force mise en réseau.

Alors que la Russie a, semble-t-il, pris l’avantage dans le développement et le déploiement d’armes hypersoniques, ce 56th Artillery Command est pressenti pour être doté du système Dark Eagle, c’est à dire une arme hypervéloce à longue portée [LRHW] dont la mise au point est le fruit d’une coopération entre l’US Army et l’US Navy.

Cependant, il ne s’agit que d’une présomption… suggérée par le fait que la 17th Field Artillery Brigade, qui forme l’ossature de la la première MDTF, a reçu un prototype du Dark Eagle.

Quoi qu’il en soit, la réactivation du 56th Artillery Command entre dans le cadre des mesures dissuasives de l’Otan, en réponse au déploiement du missile 9M729 « Novator », dont la Russie assure qu’il n’a jamais enfreint le traité FNI, désormais lettre morte.

Seulement, Moscou voit dans la réapparition de cette unité américaine la tentation de l’Otan de déployer en Europe des missiles nucléaires à portée intermédiaire. Aussi, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, a affirmé que la Russie serait par conséquent contrainte d’en faire autant.

La Russie a un « manque total de confiance » dans l’Otan, dont les membres « croient pouvoir agir comme ils l’entendent sans que nous réagissions », a affirmé M. Ryabkov, dans un entretien donné à l’agence de presse Ria Novosti. « Cela ne va pas continuer », a-t-il prévenu, en appelant à un « moratoire » sur le déploiement de missiles nucléaires à portée intermédiaire.

De deux choses l’une. Soit la Russie a effectivement déployé des 9M729 « Novator » dans sa partie occidentale, ce qui fait que les propos du responsable russe sont sans objet… Soit ce n’est pas le cas… et rien ne justifierait les mesures « dissuasives supplémentaires » qu’entend prendre l’Otan. Mais ce qui est acquis, c’est que le 56th Artillery Command n’a pas de vocation nucléaire…

En attendant, ce 14 décembre, et alors que les tensions concernant l’Ukraine restent vives, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a de nouveau appelé à des négociations « immédiates » avec les États-Unis et l’Otan afin d’obtenir des garanties sur la sécurité de la Russie.

« Vladimir Poutine a souligné la nécessité du lancement immédiat de négociations avec les États-Unis et l’Otan pour définir les garanties juridiques pour la sécurité de notre pays, afin d’exclure l’élargissement futur de l’Alliance à l’Est et le déploiement de systèmes d’armement menaçant la Russie en Ukraine et dans d’autres Etats voisins », a fait savoir le Kremlin, via un communiqué publié à l’issue d’un entrentien avec le président russe et Sauli Niinistö, son homologue finlandais [dont le pays ne fait pas partie de l’Otan, ndlr].

Et M. Poutine a répété ce message au président français, Emmanuel Macron, avec lequel il s’est entretenu de la situation en Ukraine, selon le Kremlin.

Au sujet de cette dernière, précise le communiqué de la présidence russe, des « exemples concrets montrant la violation par Kiev des accords de Minsk, qui constituent une base incontestée pour résoudre la crise interne ukrainienne » ont été produits par M. Poutine. Celui-ci a également fait valoir que les « les autorités ukrainiennes aggravaient délibérément la situation sur la ligne de contact, avec la connivence d’un certain nombre de pays occidentaux » et « relevé que l’Ukraine est équipée d’armes modernes, ce qui constitue une menace directe pour la sécurité de la Russie ».

Pour le moment, l’Élysée n’a pas communiqué au sujet de cet échange entre MM. Macron et Poutine. Cela étant, une conseiller de la président française a indiqué que le sommet entre les dirigeants de l’Union européenne et ceux des pays du Partenariat oriental, qui se tiendra le 15 décembr à Bruxelles, sera l’occasion « pour les Vingt-Sept de réaffirmer l’importance de l’intégrité territoriale de l’Ukraine face aux menaces russes », rapporte Reuters. « Toute nouvelle agression contre l’Ukraine appellerait une réponse européenne extrêmement forte », a-t-il insisté.

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