La société militaire privée russe Wagner aurait la mainmise sur les forces armées centrafricaines

Quand, en novembre 2017, la Russie demanda au Conseil de sécurité des Nations unies l’autorisation de livrer des armes à Bangui afin d’équiper deux bataillons des Forces armées centrafricaines [FACa], il n’était pas question que des mercenaires employés par la société militaire privée russe Wagner fissent partie du voyage…

Et pourtant, ceux-ci ne tardèrent par à arriver dans le pays afin de former les soldats centrafricains au maniement des armes livrés par Moscou. Puis, de fil en aiguille, sur fond de propagande anti-française, ces « instructeurs militaire civils » se déployèrent dans les régions minières et s’impliquèrent de plus en plus dans les combats opposant les forces de sécurité centrafricaines aux différents groupes rebelles, souvent plus intéressés par l’exploitation des ressources naturelles du pays que par l’exercice du pouvoir.

Cependant, et selon plusieurs rapports des Nations unies, la situation sécuritaire ne s’est pas significativement améliorée en Centrafrique. Elle est même restée « précaire en particulier dans l’ouest, le nord-ouest et le centre du pays », expliquait encore l’un d’eux, publié en juin dernier.

En outre, ces « instructeurs » russes, encore appelés « agents déployés bilatéralement » dans les rapports remis au Conseil de sécurité par Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, sont régulièrement accusés d’entraver l’action de la MINUSCA [Mission des Nations en Centrafrique, ndlr] et de commettre des exactions.

« Lorsqu’ils [les paramilitaires de Wagner] pénètrent dans un pays, ils multiplient les violations, les exactions, les prédations pour se substituer parfois même à l’autorité du pays », avait ainsi dénoncé Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, en octobre dernier. « L’exemple le plus spectaculaire c’est la République centrafricaine où finalement, pour pouvoir se payer, ils confisquent la capacité fiscale de l’État », avait-il ajouté.

Mais selon un document établi par le Service européen de l’action extérieure [SEAE], la SMP Wagner aurait même la mainmise sur les Forces armées centrafricaines, dont certaines unités ont pourtant été formées par l’EUTM RCA, la mission militaire de l’Union européenne déployée à Bangui en 2016.

« La plupart des troupes centrafricaines déployées sur le terrain sont aujourd’hui sous le commandement direct ou la supervision des de Wagner Group, qui exerce également une solide influence sur le commandement des forces armées centrafricaines et d’autres institutions gouvernementales », avance en effet le SEAE, dans un rapport édité le 22 novembre et auquel le site EU Observer a eu accès.

C’est ainsi le cas du bataillon d’infanterie territorial 7 [BIT 7] qui, selon une brève publiée par l’État-major des armées [EMA] français en avril dernier, devait renforcer « la cohérence et l’efficacité de l’outil de défense centrafricain, conformément au Plan national de Défense [PND] » après avoir reçu une formation « collective et tactique » auprès de l’EUTM RCA, dont la direction est actuellement assurée par la France. D’après le rapport du SEAE, cette unité serait désormais sous l’emprise totale de Wagner Group.

« Les soldats des FACa ont peu de contacts avec leur état-major, autement que par téléphone portable avec le sous-chef opérations » de celui-ci, qui est « étroitement lié à la présence russe en République centrafricaine », souligne par ailleurs le document.

En outre, insiste ce dernier, le déploiement des mercenaires russes « couvre toutes les parties vitales de l’ouest et du centre de la Centrafrique, avec une priorité donnée aux zones minières économiquement importantes afin de sécuriser les investissements de Wagner Group par le biais de la Lobaye Investment Company ».

Alors que la France avait suspendu, en juin, son aide militaire à Bangui, l’Union européenne pourrait bien en faire de même. Ainsi, le 30 novembre, les services du Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, ont prévenu que l’EUTM RCA pourrait ne pas être prolongée.

« Un examen de la stratégie est en cours. Il tient compte de tous les facteurs qui influencent notre engagement dans le domaine de la paix. Cela comprend la présence d’acteurs et d’entités dans le domaine de sécurité », a expliqué Nabila Massrali, la porte-parole de M. Borrell. « Cet examen permet d’informer les États membres et l’Union européenne des progrès accomplis et de recommander des pistes à suivre, y compris éventuellement la révision de mandat ou la cessation de la mission », a-t-elle ajouté.

« Nous sommes préoccupés par la présence du groupe Wagner dans 23 pays africains et les liens très étroits de cette société avec la Russie », d’autant plus que de « récents rapports documentés, nationaux et internationaux, dénoncent des violations des droits humains commises par des instructeurs russes et des employés de sociétés privées opérant en Centrafrique », a conclu Mme Massrali.

Normalement, le mandat d’EUTM RCA doit prendre fin en septembre 2022. Forte de 365 militaires, elle est dotée d’un budget annuel d’environ 17 millions d’euros.

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