La Direction générale de l’armement discute d’un projet d’avion « spatial » avec Dassault Aviation

En octobre 2019, le général Philippe Lavigne, alors chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], avait estimé que la question d’un « drone spatial », à l’image du X-37B américain, capable de rester en orbite pendant plusieurs centaine de jours, finirait « certainement » par être « abordée un jour ». Et elle le fut par les députés Jean-Louis Thériot et Benjamin Grivaux, dans leur rapport sur les conséquences de la crise « covid » sur la Base industrielle et technologique de défense [BITD], publié quelques mois plus tard.

En effet, les deux parlementaire rapportèrent que, parmi ses priorités, le nouveau Commandement de l’Espace [CdE] envisageait une « navette spatiale de type X-37B, segment dans lequel Dassault a développé un Space Rider et Airbus un Space Tug ». Et de suggérer qu’un tel projet pourrait bénéficier du plan gouvernemental de relance de l’économie, lequel était alors en cours d’élaboration. Finalement, il n’en fut rien…

Cela étant, en Allemagne, l’idée de développer un « drone spatial » fit en revanche son chemin. Et, en juillet dernier, la jeune entreprise Polaris Raumflugzeuge, créée dans le sillage du Centre pour l’aéronautique et l’astronautique [Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt, ou DLR], obtint un contrat – modeste – de 250’000 euros auprès du ministère allemand de la Défense pour étudier les applications militaires possibles de son avion spatial « Aurora », dans le cadre de son programme RDRS [Rapid Deployable Reconnaissance System].

Reste que, côté français, et comme le soulignèrent les MM. Thiérot et Grivaux, on ne manque pas d’ambition. Notamment chez Dassault Aviation, dont le Pdg , Éric Trappier, défend le développement d’un « avion spatial » depuis quelques temps. D’ailleurs, l’industriel étudie transport spatial réutilisable pour lancer des satellites en orbite basse, via le projet VEHRA [Véhicule hypersonique réutilisable aéroporté].

« Qui contrôle l’espace, contrôlera ce qu’il y a en dessous. Il faudra être dans l’espace avec très certainement des avions spatiaux à un horizon de 15 à 20 ans », avait-il en effet estimé, en novembre 2018 devant l’association des Centraliens. « Si on manoeuvre dans l’espace, Dassault a une brique par ses compétences à apporter à quelque maître d’oeuvre que ce soit », avait-il ajouté.

Plus récemment, dans un entretien donné au quotidien Les Échos, M. Trappier avait remis ce sujet sur la table. « Ce qui fait la force d’un avion de combat, c’est d’être capable de détecter et de tirer en premier. Cela suppose d’être soi-même le plus discret possible et de voir plus loin que l’adversaire, notamment face à des défenses antiaériennes de plus en plus performantes. Et tout cela en connexion permanente avec les différentes composantes militaires, ainsi qu’avec les autorités, qui doivent savoir ce qui se passe avant de donner l’ordre de tirer. […] Mais si on se projette, a-t-il poursuivi, cela suppose une ambition spatiale. Et là, il faudra un jour penser à un avion spatial », fit-il valoir, en février dernier.

Un tel projet va-t-il se concrétiser? En tout cas, la Direction générale de l’armement [DGA] en discute avec Dassault Aviation. C’est en effet ce qu’a indiqué Emmanuel Chiva, le directeur de l’Agence de l’innovation de Défense [AID], auprès de La Tribune, qui l’interrogeait sur ce projet d’avion spatial.

« Nous discutons avec Dassault Aviation et la DGA, en particulier le SASD [Service d’architecture de systèmes de défense]. Nous portons également des projets avec des sociétés que nous soutenons. C’est le cas d’Unseenlabs et de Cailabs », a répondu M. Chiva.

Le SASD [ex-Services de préparation des systèmes futurs et d’architecture] a notamment pour missions d’animer les « actions de la DGA en de préparation de l’avenir dans les domaines techniques et opérationnels » et de conduire « les travaux de préparation des opérations d’armement ».

La réponse de M. Chiva laisse entendre que les entreprises Cailabs et Unseenlabs seraient associées à ces discussions. La première, qui appartient à la « DeepTech » est propriétaire d’un ensemble de technologies de rupture qui fait l’objet de 19 familles de brevets. Elle a mis au point une technologie permettant de décupler les performances de différentes applications intéressant la Défense, [communications, LIDAR, etc…]. Quant à la seconde, elle s’est spécialisée dans l’interception de signaux radiofréquences depuis l’espace.

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