La Russie accusée d’avoir mis en danger la Station spatiale internationale avec l’essai d’une arme anti-satellite

La journée du 15 novembre aura été particulièrement mouvementée pour les sept membres de l’équipage [quatre Américains, un Allemand et deux Russes, ndlr] de la Station spatiale internationale [ISS], qui évolue sur une orbite basse terrestre, c’est à dire entre 330 et 400 km d’altitude. À plusieurs reprises, ils ont en effet dû se réfugier dans les capsules Crew Dragon et Soyouz afin d’évacuer en urgence la station, celle-ci devant alors traverser, toutes les 90 minutes, un nuage de débris.

L’agence spatiale russe Roscosmos a évoqué cet incident en parlant d’un « objet » ayant « forcé l’équipage à se rendre dans les vaisseaux [Crew Dragon et Soyouz, ndlr] selon les procédures standard ». Puis elle a assuré que la situation à bord de l’ISS était revenue normale. « Les amis, tout est en ordre chez nous. On continue le travail selon notre programme », a même affirmé le cosmonaute Anton Shkaplerov, via Twitter.

En réalité, l’objet en question n’était autre que Cosmos-1408, un satellite de 2000 kg qui, dédié à la collecte de renseignement électro-magnétique, avait été lancé par l’Union soviétique en 1982. Selon les dernières données de suivi le concernant, il évoluait à environ 485 km d’altitude, avant de se transformer en nuage de débris, entre les 14 et 15 novembre, après avoir touché par un missile antisatellite à ascension directe [ASAT] présumé russe. C’est, en tout cas, ce qu’ont affirmé les États-Unis.

« Inutile de dire que je suis indigné. C’est inadmissible », s’est emporté Bill Nelson, le directeur de la Nasa, l’agence spatiale américaine. « Il est incroyable que le gouvernement russe fasse ce test et menace non seulement les astronautes internationaux, mais leurs propres cosmonautes qui sont à bord de la station ainsi que les trois personnes à bord de la station spatiale chinoise », a-t-il réagi.

De son côté, le Pentagone a indiqué qu’il travaillait « activement pour caractériser le champ de débris », et donc déterminer la trajectoire de chacun d’entre eux. « Nous regardons de près le type de moyens que la Russie semble vouloir développer », a précisé John Kirby, son porte-parole.

Puis le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, s’en est pris vivement à la Russie pour avoir effectué de « façon irresponsable le test d’une arme antisatellite contre l’un de ses propres satellites », ce qui généré « plus de 1500 de débris orbitaux traçables, et des centaines de milliers de morceaux plus petits de débris orbitaux, qui menaceront désormais pour les décennies à venir les satellites et autres objets spatiaux vitaux pour la sécurité, l’économie, et les intérêts scientifiques d’autres nations ». Et de promettre que les États-Unis, avec « leurs alliés et partenaires », allaient « répondre à cet acte irresponsable ».

En outre, M. Blinken a pointé le double discours de Moscou. Ce « test à clairement démontré que, malgré ses affirmations selon lesquelles elle s’oppose à la militarisation de l’espace extra-atmosphérique », la Russie est « prête à mettre en péril l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique par toutes les nations par son comportement imprudent et irresponsable ».

Un tel reproche n’est pas nouveau. En 2020, le commandant de l’US Space Command, le général James Dickinson, l’avait formulé presque au mot près, après avoir dénonce trois essais russes d’armes anti-satellites, le dernier ayant eu lieu le 16 décembre de cette année-là.

Ces tests auraient permis de déterminer que la Russie dispose d’armes anti-satellites à ascension directe [DA-ASAT], basée sur un missile lancé depuis le sol, et un système de type « ASAT co-orbital », c’est à dire un satellite qui libère un objet en orbite. En outre, et comme l’a annoncé le président russe, Vladimir Poutine, en mars 2018, elle développe aussi un « système laser de combat » qui, mis en oeuvre depuis le sol, serait susceptible d’affecter le fonctionnement de satellites.

« La Russie affirme publiquement qu’elle s’efforce d’empêcher la transformation de l’espace extra-atmosphérique en champ de bataille, mais en même temps, elle continue de militariser l’espace en développant et en mettant en service des capacités en orbite et au sol qui cherchent à exploiter la dépendance des États-Unis à l’égard de l’espace », avait alors affirmé le général Dickinson.

Cela étant, les premières armes anti-satellites furent produites par les États-Unis dès les années 1950, avec les missiles « High Virgo » et « Bold Orion ». En octobre 1959, ce dernier démontra qu’il était possible d’atteindre un satellite – en l’occurrence un Explorer 6 – après avoir été tiré par un bombardier B-47 Stratojet. Cependant, l’US Air Force annoncera avoir détruit son premier engin en orbite qu’en septembre 1985, avec le tir d’un missile ASM-135 ASAT par un chasseur F-15 Eagle. Évidemment, l’Union soviétique ne fut pas en reste, avec le missile V-1000, dont le développement débuta en 1961.

Depuis, l’arsenal anti-satellite s’est étoffé, avec le recours au piratage informatique, aux lasers, aux armes à impulsions électromagnétiques et aux missiles, privilégiés quand il s’agit de faire une démonstration de force et faire ainsi passer un message.

En 2008, l’US Navy avait ainsi intercepté un satellite espion en perdition avec un missile RIM-161 Standard Missile 3, généralement utilisé pour la défense antimissile. Ce qui avait été perçu, à l’époque, comme une réponse à la destruction par la Chine de l’un ses vieux satellites d’observation météorologique par un missile balistique de portée intermédiaire, en janvier 2007. L’Inde s’est dotée d’une telle capacité en 2019.

Quant à l’ISS, elle a connu plusieurs incidents au cours de ces derniers mois. Le 12 novembre, elle a dû manoeuvrer pour éviter l’un des 2700 débris provenant du satellite détruit par la Chine en 2007. En juillet, l’amarrage d’un module russe [le « Multipurpose Laboratory Module », baptisé Nauka] avait modifié son orientation de près de 45°, ce qui entraîna une procédure d’urgence pour éviter une perte de contrôle.

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