Patrouille maritime : La DGA ne veut pas se « focaliser d’emblée » sur le Falcon10X de Dassault Aviation

Lancé en 2017, le programme MAWS [Maritime Airborne Warfare Systems] devait permettre de renouveler les capacités de patrouille maritime dans le cadre d’une coopération franco-allemande. L’enjeu était de pouvoir remplacer les Atlantique 2 de la Marine nationale et les P-3C Orion de la Deutsche Marine à l’horizon 2030 par un « système de systèmes », c’est à dire par de nouveaux appareils devant être au centr d’un réseau de capteurs [capacités de lutte anti-sous-marine, satellites, drones, sémaphores, etc]. Ce qui supposait d’aborder d’autres domaines, comme la guerre électronique, les liaisons de données, l’armement et les moyens de communication.

Fin 2020, il était question de confier une étude de faisabilité à un groupement formé par le français Thales et les allemands Hensoldt, ESG [Elektroniksystem] et Diehl. Seulement, l’Allemagne a lancé une torpille sur ce programme en décidant de retirer ses P-3C Orion plus tôt que prévu et de les remplacer par cinq avions de patrouille maritime P-8A Poseidon américains. Et cela, sans traîner : à peine la commission du Budget du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand] avait-elle donné son feu vert, en juin 2021, que le contrat était signé par Berlin qui, par ailleurs, refusé une offre française portant sur la cession de quatre Atlantique 2 modernisés.

Au même, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre, avait déclaré qu’il fallait s’attendre à « reconsidérer » la coopération avec l’Allemagne pour le MAWS après sa décision de se procurer des avions américains… Pour autant, quatre mois plus tard, celui-ci semble vouloir y croire encore un peu.

Sur le projet d’avion de patrouille maritime MAWS, « nos amis allemands nous ont clairement décus » alors que « nous travaillions ensemble, jusqu’à présent, en vue du rendez-vous de 2035. [Et] à cette date, leurs P-8A seront encore en service. En conséquence, dans le meilleur des cas, leur décision désynchronisera les calendriers de renouvellement des capacités de nos deux pays », a d’abord constaté M. Barre, lors de son dernier passage devant les députés de la commission de la Défense, en octobre [le compte-rendu de son audition vient seulement d’être mis en ligne, ndlr].

Pour autant, a continué le DGA, « nous travaillons en interne à partir de cette situation nouvelle » et « une fois finalisés nos engagements sur l’Eurodrone et le SCAF [Système de combat aérien du futur, ndlr], nous reprendrons les discussions avec nos amis allemands sur le MAWS ».

Cela étant, Dassault Aviation s’est déjà positionné dans cette affaire en indiquant vouloir proposer le dernier né de sa gamme Falcon – le Falcon 10X – pour remplacer l’Atlantique 2. Et, effectivement, l’autonomie de cet appareil [14’000 km] ainsi que les technologies militaire qu’il utilisera en font un candidat sérieux. Mais, visiblement, M. Barre veut explorer d’autres solutions possibles avant de prendre une décision.

« Si nous devions mener le programme MAWS au niveau national en l’absence d’un partenariat avec les Allemands, je ne vois pas pourquoi nous nous focaliserions d’emblée sur le Falcon 10X », a en effet dit le DGA aux députés.

« Les travaux ont commencé par une étude système à laquelle les avionneurs n’étaient pas associés. Que l’on continue sous forme de coopération ou sur le plan national, il faut regarder les différentes possibilités de plateformes, et il n’y a pas que Dassault en Europe », a poursuivi M. Barre. Et d’ajouter : « On peut aussi envisager des plateformes d’Airbus et même, peut-être, de plus bas niveau en matière de performances, du côté d’ATR, voire de CASA, même si cela ne reviendrait pas du tout à jouer dans la même cour ».

Sauf que, en mars dernier, Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, s’était dit étonné de ne pas avoir été sollicité pour le MAWS. « La grande différence dans le programme franco-allemand de patrouille maritime, c’est qu’on a mis le seul qui sait de quoi il parle dehors », avait-il déploré.

« Qui a l’expérience depuis 1958 de l’avion de patrouille maritime? Qui d’autre? On a fait l’Atlantic [Bréguet a été repris par Dassault en 1971, ndlr], on a fait l’Atlantique 2. On a fait la modernisation de l’Atlantique 2. On fait OCEAN [Optimisation continue de l’entretien de l’Atlantique 2], le contrat verticalisé des avions de patrouille maritime et on fait des avions de surveillance maritime [programme Falcon Albatros, ndlr]. Notre compétence est là et nous ne sommes pas au tour de table du MAWS », avait enchaîné M. Trappier.

Quoi qu’il en soit, le choix d’une plateforme aérienne pour le MAWS n’est pas pour tout de suite. « Laissez-nous le temps de faire les études et les analyses nécessaires. Jusqu’à présent, nous n’avons pas travaillé sur la plateforme en tant que telle », a conclu M. Barre.

Seulement, il faudra prendre rapidement une décision, comme l’a souligné l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM]. « Les Allemands ont fait l’acquisition d’avions américains P-8, préférant une solution intérimaire américaine. Reste-t-il de la place pour la coopération franco-allemande dans ce domaine? Ce que je peux vous dire c’est que la durée de vie de la turbine Tyne de l’Atlantique 2 est bornée. Nous ne disposons donc que de sept ans pour nous décider à lancer un programme de renouvellement de notre PATMAR, qui concourt à la sureté de la Force Océanique Stratégique [FOST]. Si les Allemands tergiversent, nous devrons le lancer seuls », a-t-il prévenu, lors de son dernier passage devant les députés.

Photo : Marine nationale

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