Danger pour le SCAF : L’Espagne envisage d’acquérir 50 avions de combat F-35 auprès des États-Unis

Le 30 juin dernier, dans le cadre de son programme « Air 2030 » visant à moderniser son aviation de combat, la Suisse annonçait sa décision d’acquérir 36 avions de 5e génération F-35A auprès de Lockheed-Martin, aux dépens du Rafale de Dassault Aviation, de l’Eurofighter Typhoon et du F/A-18 Super Hornet de Boeing. Mais la « moisson » de contrats en Europe n’est sans doute pas terminée pour cet appareil, qui a été commandé par la Belgique, le Danemark, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne et le Royaume-Uni [qui font tous partie de l’Otan, ndlr].

Si l’issue de l’appel d’offres lancé par la Finlande pour acquérir 64 nouveaux avions de combat [programme HX] demeure incertaine, le F-35 suscite l’intérêt de trois autres pays européens, selon les confidences faites par un responsable de Lockheed-Martin lors d’une récente session du Royal Institute of International Affairs [Chatham House] et relevées par Jane’s et Aviation Week.

Ainsi, celui-ci a cité la Grèce parmi les acheteurs potentiels du F-35A. Ce qui n’est une suprise étant donné qu’Athènes n’a pas fait mystère de se procurer au moins 22 exemplaires de ce type d’appareil.

« Tôt ou tard, nous discuterons de l’achat de F-35. À un moment donné, nous passerons à des avions de cinquième génération, et le principal avion de l’Otan de ce type est le F-35 », avait ainsi affirmé Nikolaos Panagiotopoulos, le ministre grec de la Défense, en janvier dernier. Cela étant, la Grèce a depuis fait part de son intention d’acquérir six Rafale supplémentaires [ce qui lui en ferait 24 au total], ce pourrait réduire une possible commande auprès de Lockheed-Martin.

Outre la Grèce, la République tchèque serait aussi sur les rangs pour se procurer pas moins de 40 F-35A [ou des F-16 Viper… mais Loockeed-Martin pousse la candidature du premier, ndlr]. Et cela alors que ses forces aériennes mettent actuellement en oeuvre 14 JAS-39 Gripen C/D, loués jusqu’en 2027 à la Suède. En tout cas, Prague a émis une demande d’informations pour l’avion de combat américain… tout comme l’Espagne, poutant engagée dans le Système de combat aérien du futur [SCAF], dirigé par la France et mené en partenariat avec l’Allemagne.

À vrai dire, cet intérêt de Madrid pour le F-35 n’est pas vraiment surprenant, en particulier pour sa version STOVL [décollage court et atterrissage vertical – F-35B].

En effet, si elle veut conserver une capacité aéronavale, la marine espagnole aura à remplacer la douzaine d’avions AV-8 Harrier II qu’elle met en oeuvre depuis le porte-aéronefs Juan Carlos I d’ici 2028, voire 2030 au plus tard. Or, seul Lockheed-Martin propose une solution avec le F-35B.

Quant au SCAF, il n’est pas question de développer une version STOVL. Et même si elle était à l’ordre du jour, elle ne pourrait pas être prête d’ici le retrait des AV-8 Harrier II de l’Armada. D’ailleurs, une délégation, emmenée par l’amiral Santiago González Gómez, le directeur général de l’armement et du matériel [DIGAM] du ministère espagnol de la Défense, a fait le déplacement aux États-Unis, en août derrnier, pour discuter du F-35B.

Cela étant, les coûts d’acquisition et de possession du F-35B constituent un écueil pour la marine espagnole. Ainsi, dans un article récemment publié [.pdf] dans sa revue interne [Revista General de Marina], le lieutenant de vaisseau Federico Supervielle Bergés a estimé qu’il faudrait débourser 2,4 milliards d’euros pour s’en procurer une douzaine d’exemplaires [le coût unitaire d’un F-35B étant évalué à 200 millions d’euros, ndlr].

Et, à cette somme, il faut ajouter les coûts d’entretien du F-35B, lesquels seraient trois fois plus élevés – au minimum – que ceux d’un AV-8 Harrier II [71 millions d’euros par an et par appareil pour 135 heures de vol pour l’un contre 22 millions pour l’autre, ndlr].

Aussi, de telles charges financière « pourraient hypothéquer » d’autres investissements de la marine espagnole « au cours des prochaines décennies », a mis en garde le lieutenant de vaisseau Supervielle Bergés, après avoir toutefois souligné que les capacités offertes par le F-35B étaient sans commune mesure avec celles de l’AV-8 Harrier II.

D’ailleurs, c’est sans doute aussi pour cette raison que, contre toute attente, l’Ejército del Aire se verrait bien acquérir des F-35A afin de remplacer une partie de ses anciens F/A-18 Hornet. On pensait pourtant que l’affaire était « pliée » depuis l’annonce faite en octobre 2020 par le gouvernement espagnol au sujet de l’achat de 20 Eurofighter supplémentaires pour 2 milliards d’euros.

Au total, selon Jane’s, il serait question pour Madrid de commander au total 50 F-35, dont 25 F-35B et 25 F-35A. Le contrat pourrait être signé en 2025, avec des premières livraisons prévues en 2027.

Pourtant, en mars 2021, Zaida Cantera, élue et responsable du Parti socialiste espagnol [PSOE, actuellement au pouvoir, nldr] pour les affaires de défense, avait fermé la porte à tout achat de l’avion de Lockheed-Martin. « Le F-35B est un avion purement américain. Un tel achat est inutile pour l’Europe. L’autonomie stratégique est importante non seulement pour des raisons militaires, mais aussi parce que l’argent européen finance l’industrie, l’emploi, la recherche et la technologie en Europe », avait-elle affirmé, dans un entretien donné à la radio Deutschlandfunk.

Quoi qu’il en soit, si cette commande espagnole de F-35 se confirme, il reste à voir les conséquences qu’elle impliquera pour le SCAF, que ce soit dans les domaines technologiques [notamment la « connectivité »], industriels et… stratégiques.

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