Amiral Vandier : « Avec la pression croissante exercée par les Russes en Atlantique, le besoin de frégates augmente »

Dans un récent entretien donné au quotidien Le Télégramme à l’occasion de la présentation au drapeau des élèves officiers de l’École navale, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Pierre Vandier, avait expliqué que nous étions entrés dans une « ère carnivore sur le plan naval », caractérisée par un réarmement naval dont l’ampleur est « sidérante » et « sans équivalent », si ce n’est peut-être dans les années 1930″. Et de citer les efforts de la Chine, de la Turquie et de l’Algérie.

Cela étant, quelques jours plus tôt, le CEMM avait déjà eu l’occasion d’évoquer cette « ère carnivore » lors d’une audition à l’Assemblée nationale [et dont le compte-rendu vient d’être publié, ndlr].

Et, à cette occasion, il a prévenu que « si nous ne renforçons pas la cadence » dans un « monde où bon nombre de pays aspirent à devenir des ‘tyrannosaures navals », alors « nous risquons d’être relégués en bout de la chaîne alimentaire ». Et d’insister : « Prenons garde au réarmement naval mondial actuel. Il est sans équivalent, à la fois dans l’histoire récente et en proportion des autres composantes. Ce réarmement naval est considérable, que ce soit en matière de tonnage, de performance ou de technologies ».

Or, comme il avait déjà eu l’occasion de le dire par le passé, le contrat opérationnel de la Marine nationale est largement dépassé, en raison de son format actuel, défini à la suite du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et confirmé par celui de 2013. Or, même si l’on voyait poindre les tendances que l’on connaît aujourd’hui, la situation géostratégique a profondément évolué, avec notamment le retour de l’hypothèse de l’un engagement de « haute intensité »…

Pour l’amiral Vandier, face à ce réarmement naval qu’il a décrit, il faudrait « d’une part, envisager des efforts de long terme, qui produisent des résultars en dix ou quinze ans et, d’autre part, des efforts à plus court terme », consistant, par exemple, à « valoriser » les plateformes existantes par des « effets de levier ». En un mot, a-t-il dit, « nous devons chercher, dans nos investissements, ce qui apporte une vraie plus-value opérationnelle ».

En attendant, la Marine nationale doit faire avec ses 15 frégates dites de « premier rang ». Un objectif, a-t-il rappelé « fixé par Livre blanc de 2013 » et dont les « décisions prises ultérieusement conduisent à l’atteindre ‘par le bas’, c’est-à-dire pas avant la livraison de la cinquième Frégate de défense et d’intervention [FDI], en 2029 ».

« Le Livre blanc exigeait de la Marine qu’elle soit déployée sur un ou deux théâtres maritimes en permanence. Le format de quinze frégates était donc adapté à une telle prescription. Toutefois, […] la situation internationale a beaucoup changé. On demande désormais à la Marine une présence permanente en Atlantique, mais aussi en Méditerranée, avec la mission Irini, et dans le golfe d’Oman, avec la mission Agénor. De plus, la Marine est tenue de participer de manière régulière à des exercices et à des opérations dans l’océan Pacifique, pour incarner la stratégie française en indo-pacifique. Avec quinze frégates, nous ne pourrons pas tout faire », a détaillé l’amiral Vandier.

Et cela d’autant plus qu’il faut également composer par la pression mise par la Russie. « Depuis […] juin dernier [sa précédente audition, ndlr], les opérations de coalition se sont poursuivies sur les différents théâtres que la Marine doit couvrir, à commencer par les opérations de lutte anti-sous-marine en Atlantique Nord. Les Russes mènent des campagnes sous-marines par périodes, par ‘bouffées’ puissantes, qui viennent tester la crédibilité du dispositif opérationnel occidental du Royaume-Uni, des États-Unis et de la France », a en effet expliqué l’amiral Vandier.

« Pas moins de sept sous-marins russes nous ont occupés, avec nos alliés, pendant plus de six mois l’année dernière en Atlantique », a-t-il révélé. « Notre défi, c’est de gagner la guerre avant la guerre, en fermant les options militaires de nos compétiteurs », a encore souligné le CEMM.

Aussi, avec cette « pression croissante exercée par les Russes en Atlantique, le besoin de frégates augmente, ce qui diminue notre capacité à réaliser d’autres missions ailleurs », a fait valoir l’amiral Vandier. Et, en creux, il a laissé entendre que la Marine nationale devrait disposer de 24 navires de premier rang, en appelant à s’inspirer de l’exemple donné par les Britanniques.

« Dans le cadre de leur stratégie ‘Global Britain’, ils ont répondu, à leur façon, à l’accélération du tempo géopolitique. Actuellement dotés de 18 frégates, ils prévoient d’atteindre le format de vingt-quatre frégates d’ici à 2030 [*]. En somme, le Royaume-Uni s’est donné les moyens d’une trajectoire qui suit la tendance générale dans le monde », a fait observer l’amiral Vandier.

[*] Dans le détail, la Royal Navy disposera de 18 frégates [type 26, type 31 et type 32] et de 6 destroyers de type 45 à l’horizon 2030. Pour le moment, elle compte 13 frégates de type 23.

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