Washington évoque des « manoeuvres militaires russes inhabituelles » près de l’Ukraine; Kiev relativise

Fin octobre, et comme cela s’était produit au printemps dernier, plusieurs vidéos montrant d’imposants convois russes, supposés circuler dans des régions proches de l’Ukraine, ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Des blindés BTR-80, des chars T-80U, des systèmes de défense aérienne BUK ou encore des missiles balistiques Iskander ont ainsi pu être identifiés sur ces images.

Puis, s’appuyant des photographies prises par un satellite commercial ainsi que sur des confidences faites par des responsables américains et européens, le Washington Post a confirmé cette concentration de moyens militaires dans l’ouest de la Russie. Ces mouvements de troupes auraient commencé après l’exercice Zapad 2021, mené en Biélorussie en septembre dernier.

Pour l’analyste Michael Kofma, spécialiste de la Russie au centre d’études américain CNA, proche du Pentagone et de la CIA, cette activité militaire russe ne « semble pas être un exercice d’entraînement ». Et d’ajouter : « Quelque chose est en train de se passer ». Selon lui, l’imagerie satellitaire et les vidéos postées sur les réseaux sociaux ont permis de déterminer que des unités habituellement basées dans la région de Novossibirsk ne sont pas retournées en Sibérie après de récentes manoeuvres… Et que des éléments de la 1ere armée de chars de la garde [reconstituée près de Moscou en 2014, nldr], étaient en train de faire mouvement vers la frontière ukrainienne.

Si le Washigton Post n’a pas produit ces photographies prises par satellite, le magazine en ligne Politico en a diffusé quelques unes, fournies par la société Maxar Technology. Celles-ci montrent une « accumulation de blindés, de chars, de pièces d’artillerie et de troupes au sol dans les environs de la ville russe de Yelnya, près de la frontière biélorusse », a-t-il écrit, le 1er novembre.

De son côté, la société britannique Jane’s a determiné que des équipements [chars T-80U, artillerie] de la 4e division blindée russe avaient été déployés autour de Briansk et de Koursk, c’est à dire à un centaine de kilomètres de la frontière septentrionale de l’Ukraine.

Lors d’une conférence de presse donnée le 1er novembre, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a évoqué des « manoeuvres militaires russes inhabituelles près de l’Ukraine ». Et d’ajouter : « Nous allons continuer à consulter nos alliés et partenaire sur cette question » ainsi qu’à « surveiller la région de près ».

Depuis les vastes mouvements de troupes russes de mars dernier, le nombre d’incidents entre les forces ukrainiennes et les séparatistes pro-russes du Donbass a significativement augmenté [il a pratiquement triplé, avec 26’757 violations du cessez-le-feu] et les relations entre la Russie et l’Otan se sont encore dégradées, Moscou ayant décidé de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, sa représentation diplomatique auprès de l’Alliance, à Bruxelles.

En outre, ces dernières semaines, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a mis en garde à plusieurs reprises contre une adhésion de l’Ukraine [et de la Géorgie] à l’Otan, que l’exécutif américain semble encourager, le chef du Pentagone Lloyd Austin, ayant par exemple réaffirmé le soutien « indéfectible » de Washington à « l’intégrité territoriale et aux aspirations euro-atlantiques » de Kiev.

« Nous ne permettrons jamais que nos territoires historiques et les personnes proches de nous qui y vivent soient utilisés contre la Russie. Et à ceux qui entreprendront une telle tentative, je voudrais dire que, de cette façon, ils détruiront leur propre pays », a ainsi écrit M. Poutine, en juillet dernier, dans un texte « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens« , mais qui concernait également la Biélorussie…

Plus récemment, dans un discours au Club Valdaï, le président russe a fait valoir que la « présence militaire de l’Otan en Ukraine constitue une menace pour la Russie ».

Dans le même temps, Moscou tire les marrons du feu sur le front de l’énergie, ses finances publiques profitant de la hausse de +170% du prix du gaz depuis le début de cette année. Ce qui ne fait évidemment pas évidemment les affaires des Européens…

Quoi qu’il en soit, le 2 novembre, même s’il a parlé de la présence de 90’000 soldats russes, le ministère ukrainien de la Défense a dit n’avoir observé « aucun déploiement supplémentaire d’unités, d’armes et d’équipements militaire russes vers la frontière de l’Ukraine », contredisant l’imagerie satellitaires et les analyses qui en ont été tirées.

« Au cours du second semestre 2021, une série d’exercices […] à grande échelle ont été menés près de la frontière ukrainienne par le commandement des forces armées russes. Ils impliquaient des éléments des districts militaires sud et ouest, ainsi que des unités et divisions distinctes de la 41e armée du district militaire central et des troupes aéroportées des forces armées de la Fédération de Russie. Après la fin de ces entraînements opérationnels, les unités et les subdivisions de la 41e armée sont restées déployées dans la partie européenne de la Russie, en particulier à proximité de la ville de Yelnya, région de Smolensk, à une distance d’environ deux cent soixante kilomètres de la frontière d’État avec l’Ukraine », a détaillé le ministère ukrainien.

Et celui-ci de conclure : « La Russie recourt périodiquement à des transferts et à la concentration d’unités militaires afin de maintenir les tension dans la région et la pression politique sur les États voisins ».

Reste que, à Moscou, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, n’a pas explicitement démenti les mouvements de troupes signalés dans les publications de plusieurs médias. S’il a estimé que ces dernières sont de « mauvaise qualité », il a en revanche rappelé que la Russie se réservait le droit de déplacer ses troupes comme bon lui semble et qu’elle continuera « de prendre des mesures pour assurer sa sécurité ». Et d’évoquer les tendances « expansionnistes et agressives […], en particulier de la part de l’Otan ».

Photo : convoi observé en mars 2021 – archive

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