Le gouvernement de transition malien dément toute négociation « officielle » avec des groupes jihadistes

Dans un récent entretien donné au quotidien Le Monde, le chef du gouvernement de transition malien, Choguel Kokalla Maïga, n’a pas levé toutes les ambiguïtés concernant un éventuel recours à la société militaire privée [SMP] russe Wagner, proche du Kremlin. Certes, il a assuré qu’il ne s’agissait que de « rumeurs », demandant à ce que l’on ne fasse pas de « procès d’intention » à Bamako. Mais, dans le même temps, et après avoir évoqué le retrait de la force Barkhane du nord du Mali, il a confirmé être à la recherche « d’autres partenaires », sans préciser lesquels.

« Notre gouvernement a bien compris que s’il ne compte que sur un seul partenaire, il pourra à tout moment être abandonné. Nous en cherchons d’autres », a en effet affirmé M. Maïga, assurant qu’il ne connaissait pas la SMP Wagner. Et, accusant de nouveau la France d’abandonner le Mali « en plein vol », il a répété que Bamako était en « train de chercher des solutions ».

En tout cas, il est certain que les autorités de transition maliennes misent sur la Russie. « Nous avons un accord avec l’État russe. Dans ce cadre, nous achetons des équipements militaires […] et nous demandons à des instructeurs russes de former nos militaires. Nous sommes en discussion avec l’État russe, nous ne le cachons. Nous cherchon tous les moyens et le concours de tous les États qui pourraient nous aider à sécuriser notre peuple », a expliqué le Premier ministre malien.

Quoi qu’il en soit, un possible recours à Wagner [ou à une autre SMP russe] est une ligne rouge pour Paris [ainsi que pour les autres États de la région, à commencer par le Niger]. De même qu’un dialogue avec les chefs des groupes armés terroristes [GAT] liés à al-Qaïda.

Sur ce point, le 13 octobre, le ministère malien des Affaires religieuses a diffusé un communiqué pour indiquer qu’il venait de mandater le Haut conseil islamique du Mali pour ouvrir des discussions avec les « groupes armés radicaux », dont le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM, lié à al-Qaïda] d’Iyad Ag Ghali et la katiba « Macina » qui lui est affiliée.

« Depuis plusieurs mois, le Haut conseil islamique du Mali jouait le rôle confié à lui par les hautes autorités : engager le dialogue avec les groupes radicaux. Ce n’est pas nouveau », confiera, plus tard, Dame Seck, le chef de cabinet du ministère des Affaires religieuses, à l’AFP. Et d’ajouter : « Ce qui est nouveau, c’est qu' »administrativement il est clair désormais que c’est notre ministère qui a le dossier en main et qui suit de près la démarche du Haut conseil islamique ».

Qui plus est, dans un entretien récemment publié par Jeune Afrique, Choguel Kokalla Maïga ne s’était pas montré hostile à un dialogue avec certaines organisations jihadistes. « Cela fait des années que le peuple malien appelle à des discussions avec ces groupes […] En Afghanistan, les Américains ont bien fini par discuter avec les talibans », avait-il affirmé.

Interrogé à ce sujet, le ministère français des Affaires étrangères s’est montré laconique. « Le dernier sommet de N’Djamena a réitéré l’engagement collectif et prioritaire des pays du G5 Sahel et de la communauté internationale à poursuivre la lutte contre le haut commandement des groupes terroristes, notamment le GSIM et l’EIGS, respectivement affiliés à Al-Qaïda et à Daesh et sanctionnés à ce titre dans le cadre du régime de sanctions 1267 du Conseil de sécurité des Nations unies », a-t-il rappelé, lors d’un point presse, le 21 octobre.

Puis, le même jour, la primature du Mali a finalement démenti avoir donné un mandat à une « organisation nationale ou internationale » pour ouvrir un dialogue avec les « leaders de groupes armés terroristes ».

« Le gouvernement a bien noté les recommandations formulées lors du Dialogue national inclusif, DNI et la Conférence d’entente nationale, allant dans le sens de négociations entre tous les fils du pays afin de les réconcilier pour la stabilité du Mali. Également, le Gouvernement de la République du Mali note que des bonnes volontés se sont manifestées pour mener des négociations. À cet effet, il salue leur initiative et les remercie des démarches entreprises pour ramener la stabilité et la quiétude dans les différentes régions du pays », est-il affirmé dans ce communiqué.

Pour autant, ce « rétropédalage » n’en est pas forcément un, étant donné que le gouvernement de transition a aussi confirmé sa volonté de discuter avec les groups armés de « quelque nature que ce soit ». Mais, a-t-il dit, il le fera quand il le « jugera opportun ». Et le « peuple malien » en sera « informé par les canaux appropriés », a-t-il conclu.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]