En 24 heures, la Chine a encore envoyé un nombre record d’avions militaires dans les environs de Taïwan

En 1995-96, la Chine effectua une série de tirs de missiles dans les eaux territoriales taïwanaises afin d’exprimer son opposition à la politique menée par Lee Teng-hui, alors président de Taïwan, et d’intimider les électeurs taïwanais à l’approche de l’élection présidentielle de 1996. Cette « troisième crise du détroit » de Formose prit fin quand les États-Unis déployèrent deux groupes aéronavals formés autour des porte-avions USS Nimitz et USS Independence dans la région.

Vingt-cinq ans plus tard, la donne a changé. Ne faisant désormais plus mystère sur ses intentions de mettre la main sur Taïwan, Pékin a considérablement développé ses capacités militaires. Et l’Armée populaire de libération [APL] ne cesse de faire monter la pression sur Taipei.

Ainsi, en 2020, le ministère taïwanais de la Défense a fait état de plus de 380 incursions des forces aériennes chinoises dans sa zone d’identification de défense aérienne [ADIZ]. Une telle activité de l’APL n’avait été plus vue depuis la troisième crise du détroit de Formose. Et ce n’est visiblement qu’un début.

Depuis le début de cette année, plus de 500 incursions chinoises ont déjà été détectées dans l’ADIZ taïwanaise. Et le fait nouveau est que les formations aériennes de l’APL sont de plus en plus étoffées. En janvier, celle-ci a envoyé 15 avions dans les environs de Taïwan en une seule journée, puis 20 à la fin mars, 25 le mois suivant et 28 en juin dernier.

Le 1er octobre, date anniversaire de la création de la République populaire de Chine, l’APL a envoyé 38 avions dans l’ADIZ de Taïwan. Un record.

Cette nouvelle démonstration de force s’est déroulée en deux temps. Pour commencer, une formation comprenant 26 appareils, dont 22 chasseurs [dont 18 J-16 et 4 Su-30], deux bombardiers stratégiques H-6 et un avion de guerre électronique Y-8 ASW, a évolué dans un secteur situé au sud-ouest de Taïwan.

Puis, un peu plus tard, 2 bombardiers H-6, escortés par 10 chasseurs J-16, ont fait une nouvelle incursion dans l’ADIZ de Taïwan. Dépassant la pointe méridionale de l’île, cette formation a continué son parcours jusqu’à la hauteur des bases aériennes de Taitung et de Chiashan, comme pour prendre la défense taïwanaise à revers. Dans le même temps, un avion d’alerte avancée KJ-500 AEW&C patrouillait dans une zone située plus au sud.

« La Chine s’est délibérément engagée dans une agression militaire, portant atteinte à la paix régionale », a réagi, Su Tseng-chang, le Premier ministre taïwanais, ce 2 octobre.

Cela étant, et alors que les avions de l’APL s’aventuraient dans l’ADIZ de Taïwan, la diplomatie chinoise a sévèrement critiqué ls propos de Joseph Wu, le ministre taïwanais des Affaires étrangères, qui venait de mettre en avant la défense de la liberté et de la démocratie à Taïwan lors d’une intervention devant la Hoover Institution.

« La Chine conduit aussi une guerre diplomatique sourde visant à ravir à Taïwan ses alliés diplomatiques, saboter les relations avec les partenaires animés du même esprit que Taiwan, et empêcher le pays de participer aux organisations internationales », avait constaté M. Wu.

« Toutes les formes de commentaires sur l’indépendance de Taïwan ne sont que des mouches bourdonnant, avec une explosion de cris stridents et une crise de sanglots », a rétorqué le bureau des affaires de Taiwan de Pékin, en citant un poème de Mao Tsé-toung. Et d’accuser le ministre taïwanais de « colporter des mensonges selon lesquels Taïwan est un pays souverain ».

Quoi qu’il en soit, la pression militaire chinoise sur Taipei ne cesse de s’accroître. Et les missions de type FONOP [liberté de navigation] régulièrement menée par la marine américaine dans le détroit de Taïwan n’y changent rien. À noter, à ce propos, que la Royal Navy y a envoyé un navire, en l’occurrence la frégate HMS Richmond, le 27 septembre. Ce qui ne s’était plus vu depuis 2008.

Évidemment, cette activité de l’APL n’est pas sans conséquence sur les forces taïwanaises, qui voient le potentiel de ses avions de combat [une centaine de F-16, 52 Mirage 2000 et 128 F-CK-1 Ching-Kuo, ndlr] s’amenuiser avec la multiplication des décollages sur alerte pour aller à la rencontre des formations aériennes chinoises. Et cela a également un coût budgétaire, évalué à près de 900 millions de dollars en 2020.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]