Le Tchad envisage d’augmenter significativement les effectifs de ses forces armées d’ici la fin 2022

Ces dernières années, l’Armée nationale tchadienne a enchaîné les engagements extérieurs, comme au Mali, où elle fut sollicitée lors de l’opération Serval [2013] puis pour fournir des contingents à la mission des Nations unies [MINUSMA] et à la Force conjointe du G5 Sahel, ou encore dans le nord du Nigéria, dans le cadre de la Force multinationale mixte [FMM], mise sur pied pour contrer le groupe jihadiste Boko Haram. Dans le même temps, elle dut s’employer contre les incursions de mouvements rebelles dans le nord du pays et les infitrations jihadistes dans la région du Lac Tchad.

Cela étant, et même si sa valeur au combat n’est plus à prouver, cette armée tchadienne a récemment été la cible de critiques, un rapport de l’International Crisis Groupe [ICG] ayant ainsi parlé d’une armée à deux vitesses et déploré l’impunité de certains de ses membres impliqués dans des trafics ou dans des affaires de corruption.

« Sur les champs de bataille, l’armée tchadienne a peu d’équivalents dans la région sahélienne. Ses atouts sont connus : forte mobilité de contingents qui peuvent être très vite déployés sur divers fronts et grande expérience de la lutte contre-insurrectionnelle grâce au passé de maquisards de nombreux soldats. […] Ces qualités ne doivent toutefois pas cacher les nombreux maux dont [elle] souffre », était-il ainsi avancé dans ce rapport, publié en janvier 2021.

Selon ce document, il existerait un « fossé entre les troupes d’élite de la DGSSIE [Direction générale de service de sécurité des institutions de l’État], mieux équipées et rémunérées, et le reste de l’Armée nationale tchadienne, nettement moins considérée par le pouvoir en place et paupérisée ». Et d’ajouter que « cette différence de traitement est d’autant plus problématique qu’elle prend des contours communautaires ».

Toujours d’après ce rapport, l’armée tchadienne aurait également des « problèmes de ressources humaines », amplifiés par un « absence de méritocratie », l’ICG ayant noté que certaines communautés étaient privilégiées en matière de recrutement et d’avancement. « La question de l’évolution des carrières est aussi un problème récurrent. Plusieurs officiers indiquent avoir une longue expérience de terrain, être passés par les écoles d’officiers et d’état-major, mais ne pas bénéficier de promotions. A l’inverse, pour de nombreux militaires, parfois très jeunes et mieux connectés, les promotions éclair se multiplient », a-t-il affirmé.

Cela étant, les autorités tchadiennes avaient vivement critiqué les conclusions de l’ICG, évoquant un rapport « tronqué, partial et tendancieux », dont le « seul objectif apparent [était] de relayer et accréditer les éléments de langages développés régulièrement depuis plusieurs années par une certaine opposition politique ou par des groupes armés mercenaires ».

Depuis, avec la mort du président Idriss Déby Itno, remplacé par son fils, Mahamat Déby, la donne politique a changé à N’Djamena, où des autorités de transition ont été mises en place. Pour autant, celles-ci ont l’intention de lancer de nouvelles réformes, en particulier dans le domaine militaire. C’est en effet ce qu’a annoncé le général Daoud Yaya Brahim, le ministre tchadien de la Défense, devant le Parlement de transition nouvellement installé.

Le 25 septembre, ce dernier a indiqué que l’armée nationale tchadienne venait d’entamer un « processus de recrutement » afin de porter ses effectifs à 60’000 soldats d’ici la fin 2022.

« Nous avons déjà commencé le recrutement et la formation de soldats et sous-officiers. […] Notre objectif est de créer des unités d’élite capable de s’adapter à la guerre à laquelle les pays du Sahel sont confrontés », a ainsi fait savoir le général Brahim, cité par l’agence Reuters.

Les effectifs de l’armée nationale tchadienne ne sont pas connus avec exactitude. Certaines sources parlent de 35’000 hommes quand d’autres en avancent 60’000.

Cependant, en 2011, N’Djamena avait mis en place une « Commission d’évaluation et de maîtrise des effectifs des forces armées et de sécurité ». Et celle-ci avait déterminé que l’armée tchadienne comptait 36’755 soldats à l’époque.

Quoi qu’il en soit, le recrutement annoncé par le ministre tchadien suppose des ressources budgétaires supplémentaires. Il faudra en effet former, équiper, nourrir et loger ces nouvelles recrues. Et cela, dans des délais contraints. D’après des données du Stockholm International Peace Research Institute [SIPRI], les dépenses militaires tchadiennes ont représenté, en 2020, 3,1% du PIB du pays, en hausse de +31%.

Photo : MINUSMA

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