Rome ouvre une enquête sur l’achat d’un fabricant de drones militaires par deux sociétés publiques chinoises

Constructeur d’aéronefs de type ULM [ultra léger motorisé] et de mini-drones destinés aux forces spéciales, l’entreprise italienne Alpi Aviation se trouve actuellement au centre d’une polémique, après que la Garde des finances [Guardia di Finanza – police financière et douanière] a annoncé avoir ouvert une enquête la cession de 75% de son capital à des investisseurs chinois.

Or, la loi italienne impose de prévenir les autorités avant toute transaction concernant des entreprises relevant d’un secteur stratégique. Ce qui n’a pas été fait dans le cas d’Alpi Aviation.

En effet, le « Règlement sur les pouvoirs spéciaux sur les structures d’entreprise dans les secteurs de la défense et de la sécurité nationale, ainsi que pour les activités d’importance stratégique » est en effet censé permettre au gouvernement italien de bloquer d’éventuelles offres faites par certains investisseurs dans des domaines tels que la défense, l’énergie et les télécommunications.

Selon l’enquête de la Guardia di Finanza, il est ainsi apparu qu’une société offshore de Hong Kong, en relation avec deux « importantes entreprises publiques chinoises » [China Corporate United Investment Holding et CRRC Capital Holding, ndlr], avait pris une participation de 75% au capital d’Alpi Aviation en 2018, à un prix « considérablement gonflé » [soit 90 fois plus important que la valeur nominale des action].

Et de préciser que cette opération n’avait d’autre but que « d’acquérir un savoir-faire technologique » pour ensuite le transférer en Chine, via une « délocalisation de la structure de production de l’entreprise vers le hub technologique de Wuxi, une ville-laboratoire d’intelligence artificielle située à moins de 150 kilomètres de Shanghai ». Pour le moment, six personnes sont dans le collimateur de la justice, dont trois Italiens et trois Chinois.

Par ailleurs, il est également reproché à Alpi Aviation d’avoir enfreint la loi sur les exportations de matériels militaires en omettant d’informer les autorités italiennes de l’envoi de l’un de ses drones à la foire commerciale de Shanghaï, en 2019. L’engin fut déclaré comme étant un « modèle réduit d’avion radiocommandé », ce qui lui avait permis de contourner la législation.

Cela étant, les avocats d’Alpi Aviation ont contesté les accusations de la Guardia di Finanza, assurant que les dirigeants de l’entreprise n’avaient enfreint aucune règle et que le changement de propriétaires avait été « transparent ».

Par le passé, Alpi Aviation a notamment fourni aux forces spéciales italiennes des drones Strix. D’une masse de 10 kg pour une envergure de 3 mètres, cet appareil, lancé au moyen d’une catapulte, est utilisé pour des missions de renseignement, grâce ses capteurs vidéos et infrarouge. En outre, l’industriel conduit des recherches en coopération avec Leonardo.

Cette affaire rappelle, par sa finalité, la mésaventure que vient de connaître ARM, le spécialiste britannique de l’achitecture des semi-conducteurs [et donc, à ce titre, stratégique]. En effet, cette entreprise vient de perdre le contrôle de sa filiale chinoise [ARM China], dont plusieurs actionnaires sont liés à des entités soutenues par le gouvernement chinois. Et cela, après avoir mis la main sur les technologies qui lui avaient été transférées par sa maison-mère. Les observateurs n’hésitent pas à parler de « casse du siècle ».

Photo : Drone Strix © Aeronautica Militare

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