Le ministère des Armées cherche à étoffer son arsenal pour lutter contre les fausses informations malveillantes

Créée en 2016 par un Bruno Breton, expert des médias et des réseaux sociaux, et Alexander Polonsky, docteur en mathématiques appliquées et neurosciences, l’entreprise Bloom est considérée comme faisant partie des « start-ups » les plus prometteuses du moment.

Pour résumer, son activité consiste, en quelque sorte, à mettre les réseaux sociaux en équations afin d’anticiper les nouvelles tendances, scruter les communautés en ligne, détecter et déchiffrer les opinions « spontanées » ainsi que les comportements. Pour cela, Bloom a développé une technologie dite « d’inférence [*] sociale et sémantique », laquelle repose sur des algorithmes « capables d’établir des corrélations techniques entre les contenus, les acteurs et et les communautés et de suivre la propagation d’une conversation, ainsi que les positions et les émotions associées ».

Cette technologie « prédictive » intéresse évidemment les spécialistes de la mercatique, dans la mesure où elle leur permet d’analyser les tendances émergentes et les influences et donc de lancer de nouveaux produits et/ou d’aller à la conquête de nouveaux marchés. Cependant, et comme le souligne Bloom, elle peut également être utilisée pour détecter les informations « malveillantes ».

Ce qui intéresse le ministère des Armées qui, dans le cadre du dispositif RAPID [Régime d’APpui à l’Innovation Duale] a confié à cette jeune entreprise le soin de mettre au point la plateforme CAR-ISM [Communautés Alliées et à Risque : Identification et Segmentation dans les Médias sociaux], en partenariat avec Airbus Defence and Space, qui fournit la solution de gestion de Big Data  « Fortion® Massive Intelligence« .

Selon l’Agence de l’Innovation de Défense [AID], CAR-ISM doit permettre d’analyser les réseaux sociaux afin de « répondre à des enjeux de sécurité et de défense dans le domaine du renseignement ». Ces derniers mois, les forces françaises ont régulièrement fait l’objet de fausses informations, diffusées via Internet à des fins malveillantes. Cela s’est notamment vu au Sahel et en Centrafrique. D’où la nécessité de se doter de nouveaux moyens afin de les contrer au plus vite, du moins avant qu’elles ne deviennent virales – et donc incontrôlables.

« L’approche de CAR-ISM prend en compte différents facteurs sociologiques [influences, attitudes, comportements] pour construire une plateforme d’analyse qui offrira des orientations concrètes liées aux communautés numériques : une fois celles-ci identifiées et segmentées, leurs éléments de discours seront compris et leurs évolutions deviennent anticipables par l’analyste », explique l’AID.

Et d’ajouter : « La technologie exclusive d’inférence sociale et sémantique permet des investigations d’une profondeur et d’une précision uniques au monde pour capter les tendances et le sens de toutes les influences ».

Dans le détail, CAR-ISM permettra d’extraire les données pertinentes à partir de « l’analyse de différents types de communautés numériques » et de caractériser ces dernières, ainsi que leurs membres clés et leurs relations.

Cette plateforme va « détecter, quantifier et caractériser les communautés dites ‘alliées’ et ‘à risque’ […] en particulier sur les réseaux sociaux, afin d’accompagner la prise de décision. L’analyse et l’interprétation des informations en source ouverte répondra ainsi à des besoins de renseignement, et s’appliquera notamment dans les luttes d’informations défensives et offensives », résume l’AID.

Cet outil devrait être complémentaire de la solution CONFIRMA [Contre argumentation contre les fausses informations] qui, développée par l’entreprise Storyzy via le dispositif RAPID, permet actuellement au ministère des Armées d’identifier, sur les réseaux sociaux, les communautés qui partagent de fausses informations afin de pouvoir leur opposer des contre-arguments.

Enfin, toujours en matière de lutte contre la désinformation et les ingérences extérieures, le Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale [SGDSN] a créé « l’agence nationale de lutte contre les manipulations de l’information » [VIGINUM], qui, devant compter une soixantaine d’analystes, a pour mission de « détecter les attaques informationnelles » et d’en remonter la source, uniquement à partir de sources ouvertes. Probablement que CAR-ISM devrait l’aider dans cette tâche.

[*] Inférence : opération qui consiste à admettre une proposition en raison de son lien avec une proposition préalable tenue pour vraie

Photo : Bloom, via l’AID

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