Ankara abandonne son projet de protéger l’aéroport de Kaboul tout en cherchant à amadouer les talibans

Il y a un peu plus de deux mois, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, avait souligné l’importance de l’aéroport de Kaboul pour le maintien d’une « présence diplomatique et internationale » en Afghanistan. « L’Otan fournira un financement transitoire de manière à y assurer la continuité des activités », avait-il dit, à l’issue d’un sommet organisé à Bruxelles.

Et, afin de s’attirer les bonnes grâces des États-Unis, avec lesquels ses relations sont difficiles en raison de plusieurs différends [F-35, achat de systèmes russes S-400, activités en Méditerranée orientale, en Libye et au Haut-Karabakh, question kurde, etc], la Turquie – pays majoritairement musulman – avait accepté d’assurer la protection de l’aéroport de Kaboul après le départ des derniers soldats américains d’Afghanistan. En clair, il s’agissait pour Ankara de maintenir le contingent de 500 à 600 hommes qui avait été déployé précédemment à Kaboul dans le cadre de la mission Resolute Support, menée par l’Otan.

L’effondrement des forces de sécurité afghanes face aux talibans et la prise du pouvoir par ces derniers ont évidemment changé la donne. Le 16 août, sout un jour après la chute de Kaboul, des responsables turcs ont confié à l’agence Reuters qu’il n’était plus question pour Ankara d’assurer la protection de l’aéroport international « Hamid Karzaï »… sauf si nouveau régime lui demandait une « assistance technique ».

À vrai dire, l’arrivée du mouvement taleb à Kaboul a été plutôt vue d’un bon oeil par les autorités turques. « Nous accueillons de manière positive les messages envoyés jusqu’à présent par les talibans, que ce soit aux étrangers et aux représentations diplomatiques, mais aussi à leur propre peuple », a ainsi déclaré Mevlut Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, le 17 août. Et d’ajouter : « Maintenant, ils [les Afghans] vont discuter entre eux. Qui va prendre part à la transition, quel type de gouvernement temporaire vont-ils avoir? Nous verrons et discuterons de tout cela ».

De son côté, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a estimé qu’il fallait « garder les canaux de dialogue de ouverts avec les talibans et poursuivre un engagement progressif au lieu d’une approche basée sur des conditions dures », soulignant que « le processus à venir » allait être « façonné par non par leurs paroles mais pas leurs actes ».

Pour Burhanettin Duran, éditorialiste au quotidien pro-gouvernemental Sabah, une telle approche devait permettre à la Turquie d’endosser les rôles de « médiateur de confiance » et de « puissance stabilisatrise ».

« La Turquie ne peut pas assumer la responsabilité de la situation en Afghanistan, mais elle ne peut pas non plus fuir la crise. Étant donné que les réfugiés afghans sont déjà en route, la ligne de conduite la plus sensée est de jouer un rôle dans la gestion de cette crise », a-t-il fait valoir.

Aussi, Ankara ne ménage pas ses efforts, via le Pakistan et le Qatar [où le mouvement taleb a un bureau politique], pour séduire les nouveaux maîtres de l’Afghanistan. A priori, ces démarches n’ont pas été vaines puisque, selon Ibrahim Kalin, le porte-parole de la présidence turque, les talibans ont demandé l’aide technique de la Turquie « pour gérer l’aéroport de Kaboul », à la condition qu’elle retire ses soldats qui y sont actuellement affectés.

D’où l’annonce faite le 25 août. « Les éléments des forces armées turques en mission à l’aéroport Hamid Karzai en Afghanistan ont commencé à être évacués. Les forces armées turques retournent dans notre patrie », a en effet indiqué le ministère turc de la Défense, via un communiqué.

À noter qu’un diplomate allemand, Markus Potzel, a dit voir obtenu l’assurance de la part du bureau politique des talibans établi à Doha que les « Afghans possédant des documents valides continueront à avoir la possibilité de voyager sur des vols commerciaux après le 31 août », c’est à dire après le retrait définitif des militaires de l’Otan. Cependant, si la sécurité n’est pas assurée à l’aéroport de Kaboul, cette promesse risque d’être sans effet. D’autant plus qu’il existerait une menace terroriste « très sérieuse » et « imminente » contre celui-ci, d’après les États-Unis et le Royaume-Uni.

Quoi qu’il en soit, si le contingent turc quitte Kaboul, le président Erdogan entend visiblement s’impliquer en Afghanistan…

« La Turquie poursuivra un dialogue rapproché avec toutes les parties en Afghanistan » et « contribuera par tous les moyens à la paix et la prospérité de la population afghane », a-t-il fait savoir, le 25 août.

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