L’Algérie rompt ses relations diplomatiques avec le Maroc, accusé de soutenir des activistes kabyles

En 1956, et alors qu’il venait d’accéder à l’indépendance dans le cadre des accords d’Aix-les-Bains, le Maroc apporta son soutien aux insurgés algériens face à l’armée française. Seulement, ses relations avec l’Algérie, une fois celle-ci devenue à son tour indépendante, se gâtèrent en raison d’un différend sur le tracé des frontières entre ces deux pays, Rabat ayant alors des vues sur les régions de Béchar et de Tindouf. Ce qui donna lieu à la « guerre des sables », qui après cinq mois de combats, prit fin grâce à une médiation de l’Organisation de l’unité africaine [OUA].

Évidemment, cet épisode laissa des traces… Et, quand le Maroc annexa le Sahara occidental après le départ de l’Espagne, en 1976, l’Algérie se rangea du côté des indépendantistes du Front Polisario quand ceux-ci y proclamèrent la « République arabe sahraouie démocratique [RASD] ».

Depuis 1991, le conflit du Sahara occidental est « gelé ». À l’époque, et sous l’égide des Nations unies, un cessez-le-feu et une zone tampon furent établies, le Maroc ayant pris l’engagement d’organiser un référendum sur le statut de ce territoire riche en phosphates et dont il contrôle 80% de la superficie.

En 2020, en échange de la reconnaissance d’Israël par le Maroc [par ailleurs très proche des États-Unis], le président américain, qui était alors Donald Trump, annonça que Washington allait reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, alors objet de nouvelles tensions. Inutile de dire que la pilule fut difficile à avaler pour l’Algérie qui, aux prises par ailleurs avec des difficutés économiques, sociales et politiques, y vit des « manoeuvres étrangères » visant à la « déstabiliser ».

Entretemps, après l’attentat de Marrackech [24 août 1994], pour lequel le gouvernement marocain accusa les services algériens d’y avoir joué un rôle, la frontière entre les deux pays fut fermée. Et elle l’est encore actuellement.

Cela étant, si Alger soutient le Front Polisario, Rabat n’est pas en reste non plus… le Maroc étant accusé de faire preuve de « bienveillance » à l’égard du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie [MAK], classé par les autorités algériennes parmi les organisations terroristes en mai dernier.

Or, le mois dernier, une note que le représentant du Maroc auprès des Nations unies, Omar Hilale, fit passer lors d’une réunion du mouvement des non-alignés, à New York, ne put que renforcer les soupçons d’Alger. En effet, dans ce texte, le diplomate estimait que le « vaillant peuple kabyle [méritait], plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination ».

En réponse, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, affirma que la Sahara occidental méritait une « attention accrue de la communauté internationale ». Et d’ajouter : « Nous appelons donc le Secrétaire général des Nations unies d’accélérer la nomination de son envoyé spécial et de lancer un processus politique crédible entre les deux parties dans le but d’atteindre une solution politique juste et durable permettant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, membre fondateur de l’Union africaine ».

Puis, le 18 août, à l’issue d’une réunion du Haut conseil de sécurité algérien, dirigée par le président Abdelmadjid Tebboune, Alger dénonça les « actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l’Algérie » et annonça, en conséquence, la « révision des relations entre les deux pays et l’intensification des contrôles sécuritaires aux frontières ouest ».

Les actes hostiles en question concernaient les feux de forêts qui venaient de dévaster la Kabylie [en faisant 90 morts, ndlr]. Selon Direction générale de la Sûreté nationale [DGSN] algérienne, leur origine criminelle ne ferait aucun doute, l’enquête ayant permis de « découvrir qu’un réseau criminel, classé comme organisation terroriste » en était la cause. Réseau qui serait lié au mouvement islamo-conservateur Rachad ainsi qu’au MAK, accusé par la présidence algérienne de recevoir le « soutien et l’aide de parties étrangères, en tête desquelles le Maroc et ‘l’entité sioniste’ [Israël, ndlr] ».

La tension est encore montée d’un cran le 24 août, quand le chef de la diplomatie algérienne a annoncé la rupture des relations diplomatiques entre son pays et le Maroc.

« L’Algérie a décidé de rompre les relations diplomatiques avec le royaume du Maroc à partir de ce jour », a en effet déclaré M. Lamamra. « L’histoire a montré que le royaume du Maroc n’a jamais cessé de mener des actions hostiles à l’encontre de l’Algérie », a-t-il fait valoir.

Les autorités marocaines n’ont pas immédiatement réagi à cette annonce. Cependant, tard dans la soirée, Rabat a dit regretter la décision d’Alger, qualifiée de « complétement injustifiée mais attendue ». Et de condamner une « logique d’escalade » tout en rejeant les « prétextes fallacieux, voire absurdes, qui la sous-tendent ».

Cela étant, la décision algérienne est survenue quelques jours après que le roi du Maroc, Mohammed VI, a dénoncé des « attaques méthodiques » contre le royaume, « de la part de certains pays et d’organisations notoirement hostiles » qu’il n’a voulu nommer.

« Le Maroc, au même titre que certains pays du Maghreb arabe, fait face à une agression délibérée et préméditée. Agrippés à […] des considérations obsolètes, les ennemis de l’intégrité territoriale du Royaume ne souhaitent pas que le Maroc demeure la nation libre, forte et influente qu’il a toujours été », a également déclaré Mohammed VI.

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