Pour les talibans, le maintien des militaires américains et alliés au-delà du 31 août est une « ligne rouge »

Accompagnant Jean-Yves Le Drian, son collègue des Affaires étrangères, sur la base aérienne 104 d’al-Dhafra [Émirats arabes unis], ce 23 août, la ministre des Armées, Florence Parly, a expliqué que les forces françaises avaient planifié depuis longtemps l’opération APAGAN, qui vise à évacuer les ressortissants français et les civils afghans potentiellement menacés par les talibans.

« Nous n’avons pas attendu le 15 août pour [nous] organiser. Nous avons facilité le départ du pays de nos ressortissants et de nombreux Afghans travaillant pour nous depuis plusieurs mois. Nous avons lancé la planification du pont aérien avant la chute de Kaboul », a en effet affirmé Mme Parly devant la presse.

Selon l’entourage de M. Le Drian, entre le 17 et le 22 août, environ 1’200 personnes ont été évacuées d’Afghanistan, dont une centaine de Français, près d’un milliers de civils afghans menacés et des dizaines de ressorissants étrangers et/ou de l’Union européenne.

Seulement, avec les difficultés rencontrées sur l’aéroport de la capitale afghane, ces évacuations, qui se font dans un contexte dangereux, prennent du temps… Et il est prévu qu’elles soient terminées d’ici au 31 août, c’est à dire la date fixée par les États-Unis pour terminer leur retrait militaire d’Afghanistan.

Le 21 août, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a estimé qu’un tel calendrier était intenable. Et sans le coucours des forces américaines pour sécuriser l’aéroport de Kaboul, les Européens ne seront pas en mesure de poursuivre les opérations d’évacuation par leurs propres moyens. Le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a dit la même chose… Et il a été rejoint par M. Le Drian.

« Nous sommes préoccupés de la date-butoir fixée par les Etats-Unis le 31 août. Un délai supplémentaire est nécessaire pour mener à bien les opérations en cours », a en effet déclaré le chef de la diplomatie française.

La veille, le président américain, Joe Biden, a laissé entendre qu’un maintien des forces américaines – près de 6’000 soldats – à Kaboul au-delà du 31 août pourrait être envisagé. Mais encore faudrait-il que les nouveaux maîtres du pays soient disposés à l’accepter… Or, ce n’est visiblement pas leur intention.

« C’est une ligne rouge. Le président Biden a annoncé que [États-Unis] retireraient toutes leurs forces armées le 31 août. Donc s’ils prolongent [leur présence], cela signifie qu’ils prolongent l’occupation, alors que ce n’est pas nécessaire », a fait savoir Suhail Shaheen, un porte-paroles des talibans, interrogé par SkyNews. « Si les États-Unis […] demandent plus de temps pour poursuivre les évacuations, la réponse est non. Ou il y aura des conséquences. […] Cela créera de la méfiance entre nous. S’ils ont l’intention de continuer l’occupation, cela provoquera une réaction », a-t-il insisté.

En outre, rapporte l’AFP, les talibans ont décidé que la formation de leur futur gouvernement ne serait « pas annoncée » tant qu’un soldat américain se trouvera en Afghanistan.

Plus généralement, le mouvement taleb montre quelques signes d’impatience… L’un de ses hauts responsables, Amir Khan Mutaqi, a mis en cause les États-Unis pour le « chaos » qui règne à l’aéroport de Kaboul.

«  »L’Amérique, avec toute sa puissance et ses équipements […], n’est pas parvenue à ramener l’ordre à l’aéroport. Il y a la paix et le calme dans tout le pays, mais il n’y a que le chaos à l’aéroport de Kaboul […] Cela doit cesser le plus tôt possible », a-t-il prévenu.

Quoi qu’il en soit, les pays membres du G7 [France, États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Canada, Japon] aborderont la question d’une éventuelle prolongation des opérations d’évacuation lors d’une réunion prévue le 24 août. Et il n’y a pas de bonne solution : aller au-delà de la date butoir sans l’accord des talibans serait potentiellement très risqué… Et respecter l’échéance initialement prévue ne permettrait pas d’évacuer les personnes ayant vocation à l’être. À moins de caresser le mouvement taleb dans le sens du poil… Probablement que ses dernières déclarations visent à faire monter les enchères.

Photo : opération APAGAN © État-major des armées

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