Afghanistan : Un mouvement de résistance aux talibans tente de s’organiser dans la vallée du Panchir

Pendant que, à Kaboul, les rotations d’avions de transport militaire se poursuivent pour évacuer les ressortissants étrangers ainsi que les civils afghans potententiellement menacés par les talibans, de nouveau maîtres du pays, un mouvement de résistance à ces derniers tente de s’organiser sous l’égide d’Amrullah Saleh, jusqu’alors vice-président de l’Afghanistan et ex-chef de la Direction nationale de la sécurité [service afghan de renseignement, ndlr].

Étant donné que le président Ashraf Ghani a quitté l’Afghanistan pour rejoindre les Émirats arabes unis [non sans avoir oublié d’emporter 169 millions de dollars, est-il avancé], Amrullah Saleh considère qu’il est désormais le « président intérimaire » du pays.

« Selon la Constitution afghane, en cas de défection ou de décès du président, le vice-président devient président par intérim », a ainsi rappelé M. Saleh. « Je suis dans le pays et je suis légalement et légitimement président par intérim. Je consulte tous les dirigeants du pays pour renforcer cette position », a-t-il ajouté.

D’ailleurs, le 18 août, les États-Unis ont affirmé que le président Ghani ne pouvait plus « être une personne qui compte en Afghanistan », alors que celui-ci venait d’approuver une rencontre entre Hamid Karzaï, son précédesseur, avec Anas Haqqani, l’un des négociateurs du mouvement taleb. Ce dernier a é également pris contact avec Abdullah Abdullah, alors président du Haut conseil pour la réconciliation nationale avant la chute de Kaboul.

Cela étant, l’Afghanistan étant une mosaïque d’ethnies [pachtoune, tadjike, ouzbèke, hazara, etc], elles-mêmes subdivisées en tribus, les enjeux identitaires ont toujours été plus ou moins importants. C’est d’ailleurs ce qui explique en partie la guerre civile qui a ensanglanté le pays après le départ de l’Armée Rouge et la chute du régime taleb en 2001. Le même scénario va-t-il se reproduire?

En tout cas, ancien proche du commandant Massoud [qui était tadjik], Amrullah Saleh a lancé un appel à la résistance aux talibans, le 17 août, via Twitter. Estimant qu’il était désormais « futile » de discuter avec le président américain, Joe Biden, il a affirmé que « contrairement aux États-Unis et à l’Otan, nous n’avons pas perdu l’esprit et nous voyons d’énormes opportunités à venir ». Et de conclure : « Joignez-vous à la résistance ».

Ce mouvement de résistance qui est en train de s’organiser peut s’appuyer déjà sur une territoire, à savoir la vallée du Panchir. Difficile d’accès, cette dernière, bastion du commandant Massoud [assassiné le 9 septembre 2001 par des membres d’al-Qaïda, ndlr], n’a jamais été dominée par les Soviétiques durant les années 1980, pas plus qu’elle ne l’a été pas les talibans, lors de décennie suivante. Et c’est encore le cas aujourd’hui.

Aussi, M. Saleh y a rejoint Ahmad Massoud, le fils du commandant Massoud, lequel dirige le « Front pour la résistance ». Des soldats de l’armée nationale afghane [ANA] ayant refusé de se rendre aux talibans à l’issue des combats ayant eu lieu dans le nord de l’Afghanistan, auraient trouvé refuge dans la vallée du Panchir.

Le 15 août, Ahmad Massoud a lancé un appel dans les colonnes du magazine « La règle du jeu« , dirigé par le philosophe Bernard-Henri Lévy.

« J’ai reçu en héritage de mon père, le héros national et Commandant Massoud, son combat pour la liberté des Afghans. Ce combat est désormais le mien, sans retour. Mes compagnons d’armes et moi allons donner notre sang, avec tous les Afghans libres qui refusent la servitude et que j’appelle à me rejoindre dans notre bastion du Panjshir, qui est la dernière région libre de notre pays à l’agonie », a ainsi écrit le fils du « Lion du Panchir ».

Et d’ajouter : « Nous sommes, Afghans, dans la situation de l’Europe en 1940. Sauf dans le Panchir, la débâcle est totale et l’esprit de collaboration avec les Talibans commence à faire école chez les vaincus qui ont perdu cette guerre de leur faute. Nous restons seuls debout. Nous ne céderons jamais ».

Ce 19 août, Ahmad Massoud a récidivé, cette fois en s’adressant au Washington Post [ce qui devrait lui donner une audience plus importante…]. Assurant avoir été rejoint par des soldats de l’ANA « dégoûtés de la reddition de leurs commandants » ainsi que par d’anciens membres des forces spéciales afghanes, il a fait savoir que son mouvement a « besoins de plus d’armes, de plus de munitions et de plus d’équipements ».

Aussi, a estimé Ahmad Massoud, « l’Amérique peut encore être un grand arsenal pour la démocratie » en soutenant ses moujahidines « qui sont à nouveau prêts à affronter les talibans ». Faute de quoi, sus le contrôle de ces derniers, « l’Afghanistan deviendra sans nul doute une base du terrorisme radical islamiste; des complots contre les démocraties seront à nouveau ourdis ici ».

Sans soutien extérieur, la tâche de ce mouvement de resistance replié dans la vallée du Panchir, enclavée, va être extrêmement difficile. Cela étant, il viendrait d’obtenir un premier succès en prenant le contrôle de la région de Charikar, qui, située dans la province de Parwan, est traversée par une route stratégiquement importante, qui relie Kaboul à Mazar-i-Sharif. Enfin, étant donné qu’ils risquent des représailles de la part des talibans, de nombreux anciens soldats et membres du NDS pourraient venir grossir les rangs de ce « Front pour la résistance ». À condition que la logistique suive.

Illustration : Par TUBS  CC BY-SA 3.0

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