Les États-Unis renforcent leurs troupes à Kaboul pour évacuer leurs ressortissants et les civils afghans menacés par les talibans

Le 11 août, le président afghan, Ashraf Ghani s’est rendu à Mazâr-e Charîf, chef-lieu de la province de Balkh [nord de l’Afghanistan], pour remobiliser ses troupes face à l’avancée fulgurante des talibans, ces derniers venant alors de faire main basse sur plusieurs capitales provinciales du pays, dont Sheberghan, fief du maréchal Rachid Dostom, son ministre de la Défense.

D’ailleurs, celui-ci se trouvait aussi à Mazâr-e Charîf. Et, entouré de commandos, ce « seigneur de guerre », qui aura survécu à tous les conflits que l’Afghanistan a connus depuis plus de quarante ans, n’a pas fait mystère de son intention d’en découdre. « Les talibans n’ont jamais tiré de leçons du passé. Ils sont venus plusieurs fois dans le nord mais ils y ont toujours été pris au piège », a-t-il lâché devant la presse.

Seulement, moins de quatre jours plus tard, les talibans se sont rendus maître de Mazâr-e-Charif…. et donc de la quasi-totalité du nord de l’Afghanistan. Selon un Abas Ebrahimzada, un responsable provincial sollicité par l’AFP, l’armée nationale afghane « s’est rendue la première, ce qui a incité les milices pro-gouvernementales et d’autrs forces à perdre le moral et à abandonner face à l’assaut » des insurgés. Quand au maréchal Dostom et au chef de guerre Ata Mohammad Noor, qui devait défendre la ville, « on ignore où ils se trouvent », a-t-il dit.

Puis, ce 15 août, Jalalabad, la capitale de la province de Nangarhar, est tombée à son tour sous le joug des talibans, sans combattre. Désormais, ceux-ci contrôlent les routes menant au Pakistan voisin… Qui plus est, au fil de leurs conquêtes, ils ont récupéré des équipements militaires qui avaient été cédés par les États-Unis aux forces afghanes. Un scénario qui rappelle la débandade, en 2014, des troupes irakiennes face à l’État islamique [EI], alors qu’elles étaient largement dotés de matériels américains…

Désormais, Kaboul est la dernière grande ville encore contrôlée par le gouvernement afghan… Mais pour combien de temps encore? En tout cas, les autorités américaines se sont résignées… Le 14 août, le personnel de l’ambassade des États-Unis a reçu l’ordre de détruire les documents sensibles ainsi que tous les symboles américains susceptibles d’être utilisés pour la propagande des talibans.

Le même jour, le président Biden a indiqué qu’il venait d’autoriser le déploiement de 5’000 soldats pour protéger les opérations d’évacuation des ressortissants américains et des Afghans « qui ont aidé nos troupes au cours de notre mission » ainsi que ceux qui seraient menacés par les talibans. Soit environ 30’000 personnes, selon Washington.

Dans le détail, un millier de parachutistes de la 82e division aéroportée rejoindront les 3’000 autres soldats américains déjà en route pour l’Afghanistan, conformément à ce qui avait été annoncé par le Pentagone dans la soirée du 12 août.

« Nous avons fait savoir aux représentants des talibans à Doha […] que toute action de leur part qui mettrait en danger le personnel américain ou notre mission en Afghanistan se heurtera à une riposte rapide et forte », a assuré M. Biden, qui n’a nullement l’intention de revenir sur la décision de retirer les forces américaines du pays d’ici le 31 août.

« Au cours des 20 années de guerre de notre pays en Afghanistan, l’Amérique a envoyé ses meilleurs jeunes hommes et femmes, investi près de 1’000 milliards de dollars, formé plus de 300’000 soldats et policiers afghans, les a équipés de matériels militaires de pointe et a entretenu leur force aérienne dans le cadre de la plus longue guerre de l’histoire des États-Unis », a ensuite rappelé le président américain.

« Un an ou cinq ans de plus de présence militaire américaine ne ferait aucune différence si l’armée afghane ne peut pas ou ne veut pas tenir son propre pays. Et une présence américaine sans fin au milieu du conflit civil d’un autre pays n’est pas acceptable pour moi », a-t-il poursuivi. « Je suis le quatrième président à diriger une présence militaire américaine en Afghanistan. […] Je ne léguerai pas cette guerre à un cinquième », a conclu M. Biden.

« Avec des si, on mettrait Paris en bouteille »… Cela étant, si les opérations militaires s’étaient limitées aux objectifs initiaux [chute du régime taleb en s’appuyant sur « l’Alliance du Nord », destruction des bases d’al-Qaïda et élimination des cadres de cette organisation] au lieu d’être élargis au « nation building », c’est à dire à la volonté de faire de l’Afghanistan une démocratie sur le modèle occidental, on n’en serait pas là aujourd’hui…

D’ailleurs, quand il était le vice-président de Barack Obama, M. Biden avait plaidé pour une révision des buts de guerre, l’accent, selon lui, devant être mis sur la lutte contre les réseaux d’al-Qaïda [tant en Afghanistan qu’au Pakistan] en misant sur les forces spéciales et les frappes aériennes, avec des drones. En clair, il s’agissait de revenir à l’approche qui prévalait dès le départ. Mais il n’obtint pas gain de cause…

Quoi qu’il en soit, la victoire annoncée des talibans ne manquera pas d’avoir des consquences qu’on ne mesure pas encore aujourd’hui… En effet, si le mouvement taleb a une dimension nationaliste, la mouvance jihadiste ne se privera pas d’en faire un vecteur de propagande. Et si al-Qaïda se réinstalle en Afghanistan, comme l’affirment les rapports des Nations unies, alors il sera encore plus difficile de l’en déloger qu’il y a vingt ans.

Sur ce point, M. Biden a dit avoir « ordonné à nos forces armées et à notre communauté du renseignement de veiller à ce que nous maintenions la capacité et la vigilance nécessaires pour faire face aux futures menaces terroristes en provenance d’Afghanistan ». Reste à voir comment il sera possible de les contrer.

Photo : US Army / archive

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