L’État ne s’opposera pas à un projet de parc éolien près d’un mémorial dédié aux soldats australiens de 14-18
En novembre 2017, un projet visant à installer six éoliennes près des villages de Bullecourt et de Riencourt-lez-Cagnicourt [Pas-de-Calais] donna matière à polémique étant donné que le site désigné avait été le théâtre de deux offensives australiennes menées vainement contre l’armée allemande en avril et en mai 1917. Les troupes de l’ANZAC y perdirent près de 10’000 hommes [et 3’000 d’entre eux ne furent jamais retrouvés]… Depuis, un mémorial y a été construit, en souvenir au sacrifice de ces soldats venus de l’autre bout du monde…
Ce projet de parc éolien, porté par une filiale d’Engie Green, avait suscité l’opposition des habitants… Et il provoqua un certain émoi en Australie. Et le Canberra demanda des « clarifications » à son Paris au sujet de ce chantier. « Les Français, comme les Australiens, comprennent l’importance de cette terre et ont le plus grand respect pour le sacrifice fait par les Australiens sur leur sol, avait ainsi expliqué Dan Tehan, alors ministre australien des Anciens combattants.
Finalement, devant l’ampleur que prit cette affaire [et l’émotion suscitée en Australie], Engie Green renonça à son projet. Qu’en sera-t-il pour celui qui vise à installer huit éoliennes, de 160 mètres de hauteur, à proximité du mémorial de Villers-Bretonneux [Somme], où est érigé un mémorial dédié aux soldats australiens tués au combat sur le front occidental lors de la Première Guerre Mondiale?
Pour rappel, Villers-Bretonneux avait été choisi pour commémorer le rôle tenu par les soldats australiens lors de la bataille d’Amiens. Ceux-ci, au prix, là encore, de pertes terribles, mirent un terme à l’offensive allemande lancée dans le cadre de l’opération « Michael », les 24, 25 et 26 avril 1918.
Étant donné la nature du site, la préfecture de la Somme s’était opposée à la réalisation de ce projet de parc éolien porté par la société les « Vents de Picardie », estimant qu’il était de nature à « porter atteinte au mémorial de Villers-Bretonneux du fait que les éoliennes situées à 6,5 km sont extrêmement visibles et prégnantes depuis la tour du mémorial et qu’elles contribueraient à supprimer la qualité paysagère, fortement liée à la mémoire des champs de bataille ». Une position confirmée par le tribunal administratif d’Amiens…
Seulement, la cour administrative d’appel de Douai ne se montra pas sensible à tels arguments… et donna raison au porteur du projet. Restait alors à la préfecture de la Somme à saisir les services du ministère de la Transition écologique pour qu’un « pourvoi en cassation soit formé » contre cet arrêt. Ce qu’elle fit, en faisant valoir que la décision en question était notamment « entachée d’une erreur de droit » en matière de code de l’urbanisme.
Mais l’affaire n’ira pas plus loin. Du moins pour l’instant. En effet, a rapporté l’AFP, en citant le cabinet de la ministre concernée, Barbara Pompili, le ministère de la Transition écologique « considère habituellement que la présence de lieux de mémoire n’est pas incompatible avec la covisibilité éolienne et n’a donc pas saisi le Conseil d’État ».
Pour le moment, le gouvernement australien a indiqué qu’il « n’a pas de commentaire à faire » sur cette décision de la cour administrative d’appel de Douai ainsi que celle de son homologue français. Mais il n’est pas impossible qu’il en soit autrement à l’avenir… D’autant plus que le souvenir de Villers-Bretonneux est vivace en Australie, comme en témoigne la récente identification d’Albert Nicholson, un jeune artilleur australien tué lors de bataille d’avril 1918.
« Il s’était enrôlé à Adélaïde à l’âge de 18 ans. Et il avait 21 ans quand il fut tué à Villers-Bretonneux, lors d’une bataille qui aura été l’une des actions australiennes les plus importantes sur le front occidental », a commenté Andrew Gee, l’actuel ministre australien des Anciens combattants.
En attendant, le Conseil régional des Hauts-de-France a l’intention de ne pas laisser l’affaire en l’état. Son vice-président, Christophe Coulon, a fait savoir que la Région compte « saisir à nouveau l’État pour manifester notre mécontentement ». Et d’insister : « La ministre n’est même plus garante du respect de sites mémoriels comme celui-là qu’il faudrait protéger au nom de la mémoire des combattants, de ceux qui ont donné leur vie pour notre liberté ».
Photo : Par Markus3 (Marc ROUSSEL) — Photographie personnelle, CC BY-SA 3.0