L’appui américain aux opérations aériennes en Afghanistan s’annonce compliqué

Pour le moment, s’ils affirment contrôler 85% du territoire afghan et 90% des frontières [ce que conteste Kaboul], les talibans ne sont pas encore parvenus à s’emparer d’une capitale provinciale. Sans doute est-ce une question de temps… Le 25 juillet, il a été rapporté qu’environ 22’000 familles [soit 150’000 personnes] avaient fui la ville de Kandahar, dont les faubourgs sud, nord et ouest sont le théâtre d’intenses combat.

« La négligence de certaines forces de sécurité […] a ouvert la voie aux talibans, leur permettant de s’approcher aussi près », a accusé Lalai Dastageeri, le vice-gouverneur de la province de Kandahar.

Face à la dégradation de la situation, et alors que les forces de l’Otan [notamment américaines] plient bagage, les autorités afghanes ont décrété un couvre-feu de 22H00 à 04H00 dans 31 provinces du pays. Seules celles de Kaboul, du Panchir et de Nangarhar ne sont pas concernées par cette mesure.

« Les pertes civiles en Afghanistan au premier semestre 2021 ont atteint des niveaux records, avec une hausse particulièrement brutale des morts et des blessés depuis mai, quand les forces internationales ont entamé leur retrait et que les combats se sont intensifiés après l’offensive des talibans », a par ailleurs noté, ce 26 juillet, la mission de l’ONU en Afghanistan [UNAMA].

Selon celle-ci, 1’659 civils ont été tués et 3’254 blessés lors du premier semestre 2021 [soit une hausse de +47% par rapport à la même époque, l’an passé]. Et la tendance s’est accentuée depuis l’offensive de printemps du mouvement taleb. Toujours d’après la même source, les groupes anti-gouvernementaux [talibans, État islamique et « éléments indéterminés »] sont responsables de 64% des victimes civiles.

Quant aux forces afghanes, aux prises avec des problèmes réccurents d’effectifs récurrents [à cause, notamment, des désertions], d’illettrisme dans ses rangs et de corruption, certains avancèrent que les former et les équiper selon des standards occidentaux en faisait fi des particularismes locaux n’était pas forcément une bonne idée… La suite des événements leur donne sans doute raison.

Ainsi, par exemple, doter les forces afghanes d’hélicoptères UH-60 Black Hawk américains en lieu et place des rustiques et solides Mil Mi-17 russes, adaptés à la géographie du pays, n’aura pas été la décision la plus heureuse, malgré les avertissements émis par l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan [SIGAR] et de l’inspection générale du Pentagone…

Résultat : la maintenance de ces hélicoptères, dont les performances n’égalent pas celles des Mi-17, est entièrement assurée par des techniciens américains, la Force aérienne afghane étant dans l’incapacité de s’en occuper par ses propres moyens. En outre, les Mi-17 ont la capacité d’appuyer les troupes au sol, ce qui n’est pas le cas des Black Hawk.

Plus généralement, et selon Haji Ajmal Rahmani, un parlementaire afghan, 33% des aéronefs des forces afghanes ne sont pas en état de voler. Et les munitions guidées, destinées aux avions légers d’attaque A-29 Super Tucano font défaut. « Ce qu’on nous dit, c’est que ça va prendre du temps, parce qu’il faut les commander et que cela prend longtemps de les produire et de les expédier vers l’Afghanistan », a-t-il dit.

Président de la commission de la défense au parlement afghan, Mir Haider Afzaly, a mis en avant le manque de pièces détachées pour expliquer que des avions restent cloués au sol.

Cela étant, et alors qu’elles ont quitté, en catimini, la base aérienne de Bagram, les forces américaines continuent d’apporter un appui aérien aux forces afghanes. C’est, en tout cas, ce qu’a affirmé John Kirby, le porte-parole du Pentagone.

Ainsi, « au cours des derniers jours, nous avons agi, par des frappes aériennes pour soutenir les forces de défense et de sécurité afghanes. Mais je n’entrerai pas dans les détails techniques », a-t-il dit, le 22 juillet. Il est possible que ces raids aient été menés depuis le Moyen-Orient, où les États-Unis disposent de plusieurs bases, soit depuis un porte-avions [l’USS Ronald Reagan se trouve dans l’océan Indien, ndlr].

Selon un responsable militaire américain, cité par Military.com, au moins deux frappes ont été effectuées pour détruire des équipements tombés aux mains des talibans, dont un blindé et une pièce d’artillerie. « Les Afghans ont demandé ces frappes » ainsi que deux autres ayant « visé des positions » tenues par les insurgés. Mais il n’a pas été explicitement précisé si elles ont été réalisées en soutien à des troupes au contact…

Auparavant le chef du Pentagone, Lloyd Austin, avait expliqué que, après le 31 août et la fin du retrait d’Afghanistan, les frappes aériennes américaines « ne viseraient qu’al-Qaïda et d’autres groupes terroristes » présents en Afghanistan et non les talibans.

Puis, le 25 juillet, le général Kenneth McKenzie, le chef de l’US CENTCOM, le commandement militaire pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient, a affirmé que si les « États-Unis ont intensifié leurs frappes aériennes en soutien aux forces afghanes ces derniers jours », ils demeurent « prêts à poursuivre ce haut niveau de soutien dans les jours à venir dans le cas où les talibans continuraient leurs attaques ».

Cependant, le patron du CENTCOM se veut optimiste. « J’aimerais être clair, le gouvernement d’Afghanistan sera soumis à rude épreuve dans les jours à venir, les talibans tentent de donner un caractère inéluctable à leur campagne. Ils se trompent […] La victoire des talibans n’est pas inévitable ».

Reste que, faute de disposer de bases en Afghanistan ainsi que dans les six pays limitrophes [le Pakistan a ainsi exclu une telle éventualité], les forces aériennes américaines ne pourront qu’apporter un soutien limité à l’armée afghane. En clair, les missions d’appui rapproché ne pourront plus être assurées comme avant…

Aussi, et sous réserve qu’Islamabad autorise le survol de son territoire, les frappes aériennes américaines devraient se limiter aux sites statiques [camps d’entraînement, par exemple] ainsi qu’aux  offensives planifiées. En outre, les missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance [ISR] seront également plus difficiles à mener.

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