La Royal Navy va déployer deux patrouilleurs en permanence dans la zone Indo-Pacifique

« Emmène-moi quelque part à l’est de Suez où le meilleur est comme le pire », écrivait Rudyard Kipling [*]. Et, depuis, l’expression « à l’est de Suez » est passée dans le langage courant pour évoquer la politique diplomatique et militaire du Royaume-Uni au-delà du continent européen.

À la fin des années 1960, et alors que Londres s’apprêtait à rejoindre la Communauté économique européenne [CEE] qui allait devenir l’Union européenne [UE], le gouvernement britannique, alors dirigé par le travailliste Harold Wilson, décida d’abandonner la plupart des bases militaires situées à « l’est de Suez », estimant qu’elles n’étaient plus pertinentes à l’ère de la dissuasion nucléaire et de la décolonisation, en plus d’être trop coûteuses à entretenir. Ce mouvement prit fin en 1997, avec la rétrocession de Hong Kong à la Chine.

Dans les années 2000, les bases militaires des forces britanniques à l’étranger se limitaient à celles situées en Allemagne, à Chypre, à Bruneï [avec l’École de guerre de la Jungle et un bataillon des Royal Gurkha Rifles, ndlr], dans l’océan Indien [British Indian Ocean Territory] et aux îles Falklands [ou Malouines]. En outre, la British Army disposait encore de facilités au Canada et au Kenya pour l’entraînement de ses troupes.

Mais depuis quelques années, et notamment dans la foulée du Brexit, il est question de rétablir cette présence « à l’est de Suez ». Cela s’est traduit par l’inauguration d’une base navale à Bahreïn, puis par un accord visant à établir un point d’appui logistique dans le port de Duqm, à Oman. Et, l’intérêt stratégique pour la zone Indo-Pacifique ne cessant de prendre de l’ampleur, il est désormais question pour la Royal Navy d’y affecter en permanence au moins deux navires. C’est en effet ce qu’a annoncé Ben Wallace, le ministre britannique à la Défense, lors d’un déplacement au Japon, le 20 juillet.

« À la suite du déploiement du groupe aéronaval [formé autour du porte-avions HMS Queen Elizabeth, en septembre, ndlr], le Royaume-Uni affectera de manière permanente deux navires dans la région à partir de la fin de l’année », a en effet déclaré M. Wallace, lors d’une conférence de presse donnée au côté de Nobuo Kishi, son homologue japonais.

Reste à voir où seront basés ces deux navires de la Royal Navy… Probablement que les accords que le Royaume-Uni a noués avec certains pays de la région, comme l’Australie, Singapour ou le Japon, offriront des solutions.

Par ailleurs, et selon le quotidien « The Telegraph« , les bâtiments en question seraient les patrouilleurs hauturiers HMS Tamar et HMS Spey. Récemment entrés en service, ces bâtiments de 2’000 tonnes ne disposent chacun que d’un canon de 30 mm et de deux « minigun » M134, ce qui est très léger…

L’annonce de M. Wallace « n’est pas vraiment une surprise », a commenté Sidharth Kaushal, du Royal United Services Institute [RUSI] dans les colonnes du journal britannique. « Les relations entre le Royaume-Uni et la Chine sont clairement devenues plus concurrentielles. […] Les Chinois ne seront pas ravis, mais ils ne le considéreront pas non plus cela comme étant foncièrement hostile à leurs intérêts », a-t-il ajouté.

Dans un entretien donné au Times, Ben Wallace a précisé que les deux patrouilleurs britanniques seraient déployés avec l’appui de navires australiens, japonais et singapouriens.

« Ce n’est un secret pour personne que la Chine piste et pose des problèmes aux navires qui transitent dans les eaux internationales sur des routes tout à fait légitimes », a fait valoir le ministre britannique, en faisant allusion aux revendications de Pékin concernant la mer de Chine méridionale.

« Nous respecterons la Chine et nous espérons que la Chine nous respecte. Et « Nous naviguerons là où le droit international le permet », a insisté M. Wallace.

[*] Dans son poème « Mandalay »

Photo : HMS Spey © Royal Navy

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