Kaboul accuse la force aérienne pakistanaise de fournir un appui aux talibans dans « certaines zones »

Le 16 juillet, les forces afghanes ont lancé une contre-offensive pour tenter de reprendre la ville de Spin Boldak, tombée aux mains des talibans deux jours plus tôt. Cette localité est stratégique dans la mesure où elle verrouille la route reliant Kandahar à la frontière pakistanaise. Mais plus encore : au Pakistan, elle mène à Quetta, où est installé l’état-major du mouvement taleb [la « choura de Quetta », ndlr], ainsi qu’au port de Karachi.

Selon les témoignages rapportés par les agences de presse, les soldats et les policiers afghans ont progressé jusqu’au marché de la ville, faisant ainsi reculer les talibans. Ces derniers se sont abrités dans les maisons de civils, d’où ils ont attaqué les forces afghanes quand elles sont arrivées. La situation est chaotique et très difficile pour nous », a ainsi raconté un habitant à l’AFP.

Cela étant, l’opération des forces afghanes se fait sans appui aérien, trois avions d’attaque A-29 Super Tucano qui devaient être mobilisés n’ayant pas pu décoller. La raison en a été donnée le 15 juillet au soir par Amrullah Saleh, premier vice-président de l’Afghanistan.

« La force aérienne pakistanaise a averti son homologue afghane qu’elle lui ferait face et qu’elle repousserait toute tentative visant à déloger les talibans de la zone de Spin Boldak », a accuré M. Saleh, via Twitter. Et d’ajouter : « La force aérienne pakistanaise fournit désormais un soutien aérien rapproché aux talibans dans certaines zones ».

Le site d’information afghan Tolo News a confirmé que la force aérienne afghane avait été avertie par les autorités pakistanaises de ne pas s’approcher à moins de 18 kilomètres de la frontière [qu’elles refusent d’ailleurs de fermer], empêchant aussi tout opération au-dessus du poste-frontière de Chaman, également passé sous le contrôle des taliban.

« Un analyste a déclaré que les avions militaires ne devraient pas s’approcher à moins de 18,5 kilomètres de la frontière d’un autre pays lors de la conduite d’une opération basée sur les lois internationales », écrit Tolo News.

De son côté, Islamabad a réfuté les accusations du premier vice-président afghan. « La partie afghane a fait part au Pakistan de son intention de mener des opérations aériennes à l’intérieur de son territoire, en face du secteur Chaman du Pakistan. Le Pakistan a répondu positivement au droit du gouvernement afghan d’agir sur son territoire », a rétorqué le ministère pakistanais des Affaires étrangères. Cependant, a-t-il ajouté, le « Pakistan a pris les mesures nécessaires sur son territoire pour protéger ses propres troupes et sa population ».

En retour, Amrullah Saleh a assuré qu’il produirait les preuves de ses accusations. « Pendant plus de vingt ans, le Pakistan a nié l’existence de la Choura de Quetta et la présence de chefs terroristes talibans sur son sol.

Effectivement, quand les talibans furent chassés de Kaboul par l’intervention américaine consécutive aux attentats du 11 septembre 2001, leur direction alla s’établir au Pakistan, plus précisément à Quetta. Ce qui était logique étant donné qu’Islamabad était alors l’un de leurs soutiens. Pendant des années, et malgré l’évidence, les autorités pakistanaises nièrent cette présence… Jusqu’à l’aveu, fait en mars 2016 par Sartaj Aziz, alors conseiller aux Affaires étrangères du Premier ministre Nawaz Sharif.

« Nous leur avons donné [aux chefs talibans, nldr] un asile sûr. […] Nous avons de l’influence sur eux, car leur direction est au Pakistan, et ils y sont soignés, leur famille est là. […] Nous pouvons donc utiliser ces moyens de pression pour leur dire ‘venez à la table' » des négociations, avait en effet expliqué M. Aziz devant le Council of Foreign Affairs, à Washington.

Photo : A-29 Super Tucano de la Force aérienne afghane

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