Un patrouilleur turc a tiré des coups de semonce en direction d’un bateau de la garde-côtière chypriote
Les relations entre la Turquie et la République de Chypre sont marquées par plusiuers contentieux. Le premier concerne le statut du nord de l’île, contrôlé par la République turque de Chypre-Nord [RTCN] depuis son invasion par les forces turques [opération Attilan, 1974]. Le second porte sur l’exploitation des réserves potentielles de gaz naturel en Méditerranée orientale, Ankara lorgnant sur celles situées dans la zone économique exclusive [ZEE] chypriote [donc au sud, ndlr].
Et un troisième est venu s’y ajouter avec la question de l’immigration clandestine depuis la Turquie. En juin, soulignant son dispositif d’accueil avait atteint ses limites, Nicosie a demandé l’intervention de Frontex, l’agence européenne de garde-frontières, pour empêcher l’arrivée de migrants en provenance du territoire turc et de la RTCN. Et également à l’Union européenne [UE] « d’activer tous les mécanismes disponibles » pour l’aider à gérer la présence de réfugiés syriens.
C’est donc dans ce contexte qu’un incident, ayant opposé des gardes-côtes chypriotes à leurs homologues turcs, s’est produit dans la nuit du 15 au 16 juillet, à environ 11 nautiques du port de pêche de Kato Pyrgos, situé à l’ouest de la ligne de démarcation séparant la RTCN de la République de Chypre.
Ainsi, d’après le récit qu’en a fait Christos Andreou, le porte-parole de la police chypriote, un bateau de la garde-côtière était en train d’effectuer une opération de surveillance contre l’immigration clandestine dans les eaux territoriales chypriotes quand il a été approché un patrouilleur turc, lequel venait du nord.
L’équipage [de trois membres] du bateau chypriote, « voyant les intentions des gardes-côtes turcs, a tenté d’éviter tout incident et s’est dirigé vers le port de pêche de Kato Pyrgos », a relaté M. Andreou. Or, a-t-il continué, « à de 4 nautiques [du port], le bateau a a reçu des coups de semonce des gardes-côtes turcs. Puis, les gardes-côtes turcs qui étaient proches des côtes [chypriotes] sont repartis en direction des territoires occupés » par la RTCN.
Le ministère chypriote des Affaires étrangères a été informé de l’incident, a précisé M. Andreou.
De son côté, rapporte le Cyprus Mail, le président du conseil communautaire de Kato Pyrgos, Nikos Kleanthous, a dénoncé une « provocation grave » des gardes-côtes turcs, qui « protègent les passeurs d’immigrants illégaux ».
Cet incident est survena à quelques jours de la venue du président turc, Recep Tayyip Erdogan, à Varosha, devenue une ville fantôme, placée sous le contrôle direct de l’armée turque depuis la partition de l’île.
Par ailleurs, dans son dernier rapport relatif à la situation de Chypre, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a évoqué une « nouvelle tendance » qui « met à mal le statu quo militaire », avec « l’augmentation des moyens de surveillance le long des deux lignes de cessez -le-feu, sous la forme de caméras de vidéosurveillance, de la présence de drones disponibles dans le commerce et, dans le cas de la ligne de cessez-le-feu nord, du déploiement de matériel de surveillance électro-optique », lequel « permet une meilleure visibilité sur un côté surplombant la zone tampon ».
Et d’ajouter : « Ces améliorations viennent de nouveau mettre en lumière le fossé technologique qui sépare la mission des parties en présence. Il convient de noter qu’on a observé au cours de la période
une réduction des avancées militaires dans la zone tampon, le long des deux lignes de cessez-le-feu ».
Pour rappel, la Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre [UNFICYP] est présente dans l’île depuis 1964. Sa mission est de « prévenir toute reprise des combats entre les communautés chypriote grecque et chypriote turque ».
Photo : Garde-côtière turque / Archive
