M. Macron : « Nous sommes confrontés à une situation où la pluralité des conflits possibles est extrême »
Publiée en janvier dernier, la Revue stratégique actualisée a insisté sur le fait que les tendances déjà relevées en 2017 s’étaient non seulement concrétisées mais aussi aussi accentuées, avec l’émergence de multiples crises susceptibles d’affecter les intérêts de la France, la persistance de la menace terroriste, le durcissement de la compétition entre puissances ou encore avec la remise en cause de l’ordre internationale et des architectures de sécurité. Dans le même temps, la conflictualité s’est étendue à d’autres champs [comme le spatial, le cyber et les fonds sous-marins] et des stratégies dites hybrides se sont affirmées.
Après la l’implosion de l’Union soviétique et la fin de la Guerre Froide, certains parlèrent de la « fin de l’histoire » et de « dividences de la paix », étant entendu que le risque d’un conflit majeur entre deux blocs était désormais écarté. Seulement, la suite leur a donné tort, comme l’a rappelé le président Macron, lors de son discours prononcé à l’Hôtel de Brienne, le 13 juillet.
« Il y a 25 ans, on a pu croire à la disparition des conflits armés entre les Nations, l’éloignement des menaces nucléaires les plus mortelles semblait annoncer un nouvel horizon stratégique, de gestion de conflits internes, de guerre asymétriques », a commencé par dire M. Macron. Or, a-t-il continué, « tandis que la Guerre Froide finissait, que le monde se libérait de la logique des blocs, on assistait au dégel de la violence » et « on a vu chaque jour s’accélérer une compétition qui, sous ses formes numériques, n’en est pas moins agressive, et se dessiner des rapports de forces de plus en plus déshinibés ».
« Soyons clairs : la cadre géopolitique et capacitaire de la violence n’a jamais été aussi inquiétant et incertain que celui qui est aujourd’hui le nôtre », a affirmé le président Macron. Et d’insister : « Nous sommes confrontés à une situation où la pluralité des conflits possibles est extrême. Et surtout leur degré d’intensité ».
Aussi, a-t-il poursuivi, c’est à « juste titre que nos armées se préparent à des scénarios de combat de très haute intensité, durable. Ce sont des scénarios possibles ». Dans son propos, M. Macron a évoqué la perte, par « certaines grandes puissances », de la culture de la maîtrise des armements et du désarmement. Et d’en citer deux : la Russie et la Chine.
« Dans le même temps, nous avons vu de nouveaux espaces de conflictualité apparaître », a ensuite enchaîné M. Macron. Et de citer le « maritime », devenu un « espace de conflictualité réinventé, où l’agressivité de puissances régionales est extrême ». Sans doute a-t-il fait une allusion à l’incident ayant opposé la frégate Courbet à un navire turc, en Méditerranée centrale, l’an passé… Ou bien encore à l’attitude de la marine chinoise, récemment dénoncée par l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM].
Outre le domaine maritime, le président Macron a aussi évoqué l’espace, où « émergent des formes de conflictualité nouvelles », le numérique et le cyber. « Nous voyons […] des stratégies hybrides émerger, par lesquelles nos adversaires, qu’il s’agisse des plus grandes puissance comme des puissances régionales, agissent sous le seuil du conflit armé dans les espaces médiatiques, numériques mais aussi physiques, par le biais d’intermédaires, de supplétifs, avec des risques d’escalade brutale », a détaillé M. Macron, avant d’aborder les tentatives de « déstabilisation de la confiance dans nos armées par la désinformation » ainsi que de « nos démocraties par la manipulation, en particulier en temps électoral ».
Pour faire face à ces menaces, le président Macron a parlé d’établir une « stratégie de puissance du XXIe siècle ». Aussi, il a dit considérer que la Loi de programmation militaire [LPM] en cours « doit continuer d’apporter les éléments de capacité, de formation et d’acquisition des compétences pour répondre à ces défis ». Mais ce ne sera pas suffisant, a-t-il laissé entendre.
« Il nous faudra aussi immanquablement revoir dans les temps prochains notre stratégie et regarder à nouveau, avec beaucoup de lucidité, les ambitions nouvelles dont il faut nous doter », a-t-il dit. Et d’ajouter : « Nous nous préparons, donc, activement à relever tous ces défis, sur tous les plans, tous les axes, des plus classiques aux plus innovants, qu’il s’agisse du maintien d’une dissuasion au plus haut niveau de crédibilité, avec tout ce que cela emporte d’engagements et d’investissements, de la sauvegarde résolue de notre souveraineté numérique, de la prise en compte renforcée de l’espace informationnel […] comme de la consolidation de notre modèle d’armée complet ».
Pour M. Macron, la France ne peut « renoncer à aucune composante, compte tenu de la réalité » qu’il a décrite. « C’est aussi parce que nous avons assumé, sur le plan géographique, d’abord, de constamment défendre notre indépendance, ensuite de bâtir sur le socle de cette idépendance des partenariats », a-t-il continué.
Sur ce point, le chef de l’État a souligné qu’avoir des « partenariats quand on est indépendant n’est pas la même chose que dessiner des coopérations qui masquent vos dépendances ». Aussi, a-t-il insisté, « nous sommes indépendants et nous nous y tenons. Et l’investissement qui le le nôtre va dans ce sens ».
Toujours sur la question des partenariats, M. Macron a parlé de ceux noués avec les pays européens et l’Otan, avec « la volonté très claire de bâtir nos résistances face à toutes les formes de conflictualité nouvelles maus aussi de nous réengager dans notre sécurité et nos politiques de voisinage ».
Car, a-t-il expliqué, en citant les Balkans, la « sécurité du voisinage européen qu’il soit à l’est ou au sud, est l’affaire des Européens. La sécurité au Sahel et en Afrique est aussi notre affaire, en partenariat avec nos amis africains, avec lesquels nous avons su dessiner un cadre rénové d’alliances équilibrées ».
Enfin, M. Macron a conclu cette partie de son discours en évoquant les partenariats avec plusieurs pays de la région Indo-Pacifique, pour laquelle la France a élaboré une stratégie spécifique compte tenu de sa présence dans cette partie du monde, grâce à ses territoires et collectivités d’outre-Mer, ainsi que de ses intérêts.
« Nous devons avoir une stratégie de défense, une présence, des partenariats. Et bâtir une vision qui nous est propre, celle de la liberté et de la souveraineté, qui n’est ni l’aligement sur les États-Unis d’Amérique, ni la complaisance ou la soumission à la Chine », a affirmé M. Macron.