Le coût annoncé des 36 avions F-35A que la Suisse envisage d’acquérir fait polémique

Dans son avis rendu le 30 septembre 2020, la Defense Security Cooperation Agency [DSCA], chargée de l’exportation des équipements militaires américains dans le cadre du dispositif FMS [Foreign Military Sales], avait recommandé au Congrès d’autoriser la vente à la Suisse de 40 avions F-35A [avec les munitions associées et 40 moteurs de rechange, ndlr] pour 6 milliards de francs suisses. Soit le montant prévu par le programme Air 2030.

Cependant, il y avait déjà plusieurs inconnues, comme la facture à régler pour remédier aux 871 défaillances – dont 10 jugées critiques – relevées sur l’avion de Lockheed-Martin par le bureau d’évaluation et des tests du Pentagone [DOT&E]. En outre, le développement du standard « Block 4 », qui vise à mettre au point 66 nouvelles fonctionnalités afin de doter le F-35 de l’ensemble des capacités prévues, a pris du retard, en plus de générer des surcoûts importants [+1,9 milliard rien pour 2019 et 2020]. Désormais, cette version ne devrait pas être prête d’ici 2027. Au mieux.

Qui plus est, le développement d’ODIN, le remplaçant du système ALIS sur lequel repose la maintenance de l’appareil et qui n’a jamais donné pleinement satisfaction, est également en retard…

Quoi qu’il en soit, le Conseil fédéral suisse a décidé de proposer l’acquisition de 36 F-35A pour remplacer les F/A-18 et les F-5 de ses forces aériennes. Et cela, aux dépens du Rafale de Dassault Aviation, du F/A-18 Super Hornet de Boeing et de l’Eurofighter Typhoon. Cette décision a surpris bon nombre d’observateurs, dans la mesure où l’appareil retenu n’est probalement le plus approprié pour des missions de police du ciel, étant donné qu’il a avant tout été conçu pour effectuer des frappes dans la profondeur dans des environnements contestés.

Cependant, selon l’exécutif suisse, le F-35A s’est imposé lors des évaluations parce qu’il présente le « meilleur rapport entre l’efficacité et le coût selon des critères précis », l’offre faite par les États-Unis étant inférieure de près de 2 milliards de francs suisses par rapport à celle arrivée en seconde position, tant au niveau de l’acquisition que celui de l’exploitation.

Aussi, dans leur édition du 11 juillet, deux journaux de la presse alémanique, le SonntagsBlick et la SonntagsZeitung, ont remis en cause ces calculs… en se basant sur des documents du Pentagone et de la DSCA. Ainsi, selon eux, et contrairement à ce qu’a assuré Viola Amherd, la conseillère fédérale à la tête du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports [DDPS], les prix des F-35A ne seraient pas « fixes », mais reposant sur des « estimations fondées sur les meilleures données disponibles ».

Et d’expliquer que la Suisse aurait à s’acquitter de l’intégralité de la facture, même si le coût total « dépasse les informations sur les coûts fournies dans la proposition ».

Le DDPS, via Armasuisse, a immédiatement répondu en publiant un communiqué [en allemand, ndlr] pour réaffirmer que « les prix et les conditions contractuelles sont fixés de manière contraignante et sont également appliqués au moyen d’un contrôle strict » et que, « en cas de dépassement des coûts, le gouvernement américain exigerait donc du fabricant des prix fermes au nom de la Suisse ».

Par ailleurs, il a également fait valoir que, depuis qu’il pratique les FMS, « aucun dépassement de coût n’a été constaté ». Et d’ajouter : « Cela s’explique par le fait que le gouvernement américain, en tant qu’acheteur et vendeur, maintient un contrôle strict des coûts. En outre, l’inflation aux États-Unis est également incluse dans l’offre. Lors de l’évaluation, les hypothèses d’inflation ont été incluses. Si, par exemple, les coûts sont moins élevés en raison d’un taux d’inflation effectif plus faible, cela jouera en faveur de la Suisse ».

Reste que, outre-Atlantique, le Government Accountability Office [GAO – équivalent américain de la Cour des comptes, ndlr] a récemment  remis un rapport dans lequel il estime que les coûts de possession du F-35A par l’US Air Force seraient supérieurs de 4,4 milliards de dollars en 2036 par rapport à ce qu’elle pourrait se permettre, selon ses prévisions. Aussi, deux solutions sont suggérées : réduire le nombre d’appareils commandés ou bien diminuer le nombre d’heures de vol.

En outre, et comme elles l’avaient annoncé dans le cas où un avion américain serait sélectionné dans le cadre du programme Air 2030, plusieurs formations situées à gauche sur l’échiquier politique suisse ont commencé par recueillir les 100’000 signatures nécessaires pour organiser une votation visant à contester le choix du F-35A. À ce jour, et seulement une dizaine de jours après l’annonce du Conseil fédéral, 70’000 ont déjà été collectées.

Mais avant, l’achat des nouveaux avions de combat devra passer par le Parlement, lequel, selon la Tribune de Genève, « refuse d’être mis devant le fait accompli » tout en exigeant « plus de transparence » sur les évaluation ayant conduit au choix du F-35. Choix qui, comme c’est généralement le cas pour ce genre d’achat, a toujours une dimension « géopolitique ».

Photo : F-35 de l’Aeronautica Militare – Otan

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