Les États-Unis freinent l’intégration d’une capacité de renseignement électromagnétique sur les drones Reaper Block 5 français

Pour faire face à l’urgence opérationnelle – et mettre un terme à des tergiversations qui n’avaient duré que trop longtemps – la France commanda quatre systèmes de drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9 Reaper auprès du constructeur américain General Atomics en 2013. Soit un total de 12 appareils.

Par la suite, deux premiers systèmes au standard « Block 1 » furent livrés à l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE], qui les utilisa sans tarder au Sahel, depuis la base aérienne projetée [BAP] de Niamey. Et, depuis 2019, ces appareils sont désormais armés. Ce qui fait que, selon un récent rapport du Sénat intitué « Drones dans les forces armées », ces appareils ont effectué 43’000 heures de vol, dont 92% au profit de l’opération Barkhane. Et ils ont assuré 58% des frappes aériennes au profit de cette dernière [contre 29% pour les Mirage 2000 et 13% pour les hélicoptères Tigre de l’Aviation légère de l’armée de Terre].

En 2020, deux systèmes MQ-9 Reaper Block 5 [soit six drones] ont été à leur tour livrés à l’AAE. Par rapport à ceux du Block 1, ces appareils sont dotés d’un nouveau système électrique ainsi que d’un système d’atterrissage automatique. Bénéficiant d’une autonomie plus élevée, ils disposent aussi de de meilleures capacités en matière de communications [liaisons plus sûres, débit plus important], d’emport d’armement et de recueil du renseignement électro-magnétique [ROEM].

Si les Reaper Block 1 peuvent voler dans l’espace aérien national et être par conséquent utilisés pour la formation des équipages de la 33e Escadre de surveillance, de reconnaissance et d’attaque basée à Cognac, ainsi que pour assurer des missions de surveillance des sites aéronautiques et des grands évènements, ce ne sera pas le cas de ceux portés au standard Block 5.

Normalement, les Reaper Block 1 seront portés au standard Block 5. Récemment, pour le compte du ministère français des Armées, le Pentagone a attribué un contrat à General Atomics pour le « retrofit » de quatre appareils.

Cela étant, entre la livraison des systèmes Reaper Block 5 et leur première mission opérationnelle au Sahel, il aura fallu attendre plusieurs mois…

« La difficulté que nous avons eue avec le Reaper Block 5 vient du fait qu’il s’agit d’équipements américains. L’affaire montre notre degré de dépendance dans ce genre de processus, face à une configuration de logiciel entièrement nouvelle et à un niveau de qualité dont nous ne savons pas s’il est suffisant, alors que nous sommes responsables du niveau de sécurité associée à la mise en œuvre des matériels », a résumé Joël Barre, le Délégué général pour l’armement [DGA] lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 15 juin dernier [le compte-rendu vient d’être publié, ndlr].

« Il a fallu instruire la façon dont nous pourrions permettre l’emploi des Reaper Block 5 en opération au Mali, malgré l’incertitude liée au logiciel. Nous avons donc donné un avis technique permettant à l’autorité d’emploi, c’est-à-dire l’armée de l’Air, d’utiliser ce drone, uniquement en opération », a continué le DGA.

En attendant, le Reaper Block 5 n’est pas autorisé à voler en France. « Il est hors de question qu’il survole le territoire national, parce que nous ne pouvons pas garantir la sécurité du vol d’un tel matériel », a en effet indiqué Joël Barre.

Ce dernier y voit d’ailleurs un argument en faveur de l’EuroDrone, lequel doit être réalisé dans le cadre d’une coopération associant l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne.

« Cela montre bien notre degré de dépendance dans ces cas d’acquisition auprès des États-Unis. À ceux qui critiquent l’Eurodrone, je réponds qu’à défaut, nous devrons continuer de faire appel au Reaper américain et nous retrouver fréquemment dans ce genre de situation. Chaque fois que le modèle changera de définition, nous serons incapables de la connaître de manière suffisamment précise pour en garantir l’emploi et les conditions d’utilisation », a fait valoir M. Barre.

Par ailleurs, la Direction générale de l’armement est toujours dans le flou s’agissant les capacités ROEM du Block 5. « Nous ne connaissons toujours pas la charge utile de capacité de renseignement électromagnétique. Nous discutons depuis longtemps avec les Américains pour l’obtenir, mais ils prennent leur temps pour nous la fournir, parce que c’est un équipement sensible », a expliqué le DGA, pour qui la « seule façon de remédier à ces problèmes de dépendance, c’est de progresser dans l’autonomie de nos matériels et dans l’autonomie d’emploi des systèmes d’armes qui nous sont nécessaires ».

Reste à voir le temps qu’il faudra pour les Reaper Block 5 puissent évoluer dans l’espace aérien national… Le « rétrofit » de ceux actuellement au standard Block 1, qui ont cette capacité depuis 2017, doit se faire « entre 2022 et 2023, suivant un calendrier qui sera sans incidence sur les opérations », avait assuré le général Philippe Lavigne, le chef d’état-major de l’AAE.

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