La torpille F-21 de nouvelle génération donne du souci à la Direction générale de l’armement

Lancé en 2008 afin de mettre au point la torpille lourde F-21, appelée à remplacer la torpille F17 Mod2 utilisée par les sous-marins nucléaires d’attaque [SNA] et les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de la Marine nationale, le programme Artemis a connu des débuts compliqués.

Initialement, il devait être conduit dans le cadre d’une coopération avec l’Italie, avec Naval Group [DCNS à l’époque] d’un côté et WASS de l’autre. Mais l’affaire tomba finalement à l’eau… et un autre schéma industriel fut retenu, avec l’implication de l’allemand Atlas Elektronik [filiale de ThyssenKrupp Marine Systems, concurrent direct de Naval Group, ndlr] pour la propulsion, Thales Underwater Systems [TUS] pour le guidage acoustique et Eurenco pour la charge militaire.

Les livraisons à la Marine nationale des premières torpilles F-21 [65 commandées à ce jour] auraient dû commencer en 2016… Elles ont finalement eu lieu en 2019, sans doute sans toutes les capacités attendues… Et cela, en raison de quelques difficultés rencontrées dans le développement de ces munitions « complexes ».

« Les essais à la mer ont permis de valider les principales fonctions de la torpille, ouvrant la voie aux premiers essais depuis un sous-marin d’attaque de type Rubis en avril 2015. Cependant, ils ont également été marqués par des difficultés de mise au point de la torpille qui ont entraîné un report de la qualification », avait en effet indiqué un rapport budgétaire publié par le Sénat en novembre 2017. Et ce dernier de préciser que le coût du programme Artemis s’élevait alors à 557 millions d’euros [aux conditions de 2017], pour une « cible d’acquisition de 93 torpilles ».

Il faut dire que les performances attendues de la F-21 sont sans commune mesure avec celles de la F-17 Mod 2 qu’elle doit remplacer. Ayant la même apparence [533 mm de diamètre pour 6 mètres de longueur et deux jeux d’hélice], elle est reliée au sous-marin par une fibre optique, ce qui permet à ce dernier de la contrôler jusqu’à sa cible. D’une portée de 27 nautique [50 km] et pouvant atteindre la vitesse de 50 noeuds, Elle dispose également d’un système d’autoguidage acoustique, ce qui lui donne la capacité de détecter et de suivre un objectif de façon autonome.

« Dotée d’une très grande puissance de calcul qui lui confère des capacités exceptionnelles de traitement en temps réel, la torpille F21 bénéficie d’un système de mission avancé et d’une autonomie accrue. Ces caractéristiques techniques élargissent considérablement les possibilités d’emploi tactique avec une capacité de discrimination des cibles sans égal y compris dans des environnements très difficiles », résume Naval Group.

Sauf que la mise au point de telles capacités donne quelques soucis à la Direction générale de l’armement [DGA].

« Notre seul souci concerne la torpille F21 de nouvelle génération, qui doit équiper les SNA et les SNLE. Nous achevons la mise au point de la première génération. Elle gagnera à obtenir de meilleurs résultats de tir. Des tirs sont prévus dans les semaines qui viennent dans le cadre de la campagne de préparation de mise en service du Suffren. J’espère qu’ils seront de nature à répondre à ce besoin », a en effet déclaré Joël Barre, le Délégué général pour l’armement, lors d’une audition à l’Assemblée nationale [le compte-rendu vient d’en être publié, ndlr].

« Le développement de la torpille F21 est difficile. La nouvelle génération a été engagée il y a une dizaine d’années sur la base d’une hypothèse de coopération franco-italienne qui a fait long feu. Pour tenir le calendrier de livraison des torpilles en lien avec nos sous-marins, il a fallu une nouvelle configuration impliquant une partie arrière allemande fabriquée par ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS], qui se trouve être le concurrent numéro un de Naval Group dans ce domaine », a ensuite rappelé M. Barre.

Aussi, cette implication de la filiale de TKMS dans le programme a visiblement donné du fil à retordre. « Nous avons connu nombre de problèmes de dépendance concernant cette partie arrière », a confié le DGA. Mais cela ne suffit pas expliquer tous les problèmes… « Nous avons eu quelques difficultés avec nos amis de Naval Group et leur site de Saint-Tropez, qui n’a pas été d’une efficacité industrielle et technique extraordinaire », a lâché M. Barre.

Pour rappel, cela fait plus d’un siècle que le site de Saint-Tropez conçoit et produit des torpilles…

Quoi qu’il en soit, a continué le DGA, « nous avons décidé de refondre le tout en faisant de la torpille l’objet d’un programme incrémental » et « nous sommes en train d’en livrer au Suffren et aux SNA la première définition, dont la performance est dégradée ».

En outre, a encore précisé M. Barre, « nous avons engagé la construction de la torpille du futur, qui répondra à l’ensemble des besoins opérationnels et où la partie arrière allemande sera remplacée par une partie arrière française pour atteindre nos objectifs de souveraineté à l’horizon 2023-2024. »

Et de conclure : « Si j’ai cité la torpille, c’est parce que le moins qu’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas eu le même taux de succès dans les tirs de torpilles que dans les tirs de missiles ».

Illustration : Naval Group

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