Vers plus de frégates de défense et d’intervention pour que la Marine nationale puisse agir dans le Pacifique?
En 2019, l’amiral Christophe Prazuck, qui était alors chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], avait confié aux sénateurs qu’il aimerait « disposer de trente-cinq frégates », alors que le format actuel est de quinze navires dits de « premier rang ». Et il n’est pas question de le faire évoluer d’ici 2030, alors que le contrat opérationnel de la « Royale » est largement dépassé.
Dans le détail, à cette échéance, la Marine nationale disposera de huit frégates multimissions [FREMM], de deux Frégates de défense aérienne [FDA – classe Horizon] et de cinq Frégates de défense et d’intervention [FDI]. Ce qui est paraît très juste pour un pays qui dispose du second domaine maritime mondial, notamment grâce à ses possessions en Indo-Pacifique, région qui plus est stratégique pour ses intérêts.
Or, pour le moment, la Marine nationale déploie dans cette région des navires aux capacités limitées. Tel est en effet le cas des frégates de surveillance [classe Floréal], faiblement armées, et des patrouilleurs P400, dont le remplacement par des « patrouilleurs outre-Mer » [classe Éboué], dotés seulement d’un canon télé-opéré de 20 mm et de quatre mitrailleuses, devrait commencer à partir de 2023. En clair, le système d’armes de ces bâtiments est leur… pavillon.
Durant ces dernières années, cela pouvait être suffisant… Mais alors que l’on demande à la Marine nationale d’assurer une présence permanente en Indo-Pacifique, il est clair que, désormais, les forces de souveraineté qui y sont déployées n’ont ni le format, ni les moyens requis pour faire face à l’évolution de la situation sécuritaire dans cette région. C’est ce qu’a en effet expliqué l’amiral Pierre Vandier, le CEMM actuel, dans un entretien à La Tribune.
« Ce qui change la donne, c’est que nos partenaires, qu’ils soient Indiens, Australiens, Japonais, Américains, sont montés eux d’un cran en termes de militarité. Ils aspirent donc à ce que nous coopérions avec eux à un niveau supérieur. Si vous arrivez avec une 2 CV à un grand prix de Formule 1, dès le départ de la course, cela va être très, très compliqué », a expliqué l’amiral Vandier.
En un mot, la Marine nationale doit donc muscler ses capacités militaires dans la région, notamment en matière de lutte anti-sous-marine, de guerre électronique, de renseignement, etc. Bref, tout ce dont les frégates de surveillance ne sont pas capables de faire.
La solution pourrait passer par le programme EPC [European Patrol Corvette]… Mené dans le cadre d’une coopération européenne, associant Fincantieri, Naval Group et Navantia, il vise à développer un navire de 3’000 tonnes qui devra être « intelligent, innovant, abordable, durable, interopérable et flexible pour répondre aux futures missions dans le contexte mondial évolué du milieu du 21e siècle ». Trois versions sont prévues en fonction des besoins exprimés par les pays participants [France, Italie, Espagne, Grèce]. Et, pour le moment, les capacités de lutte anti-sous-marine [ASM] ne sont envisagées que comme une « possibilité ».
Or, a souligné l’amiral Vandier, en Indo-Pacifique, « si vous n’avez pas de sonars pour écouter ce qu’il y a sous l’eau dans cette zone alors que la Chine construit de nombreux sous-marins, vous ne servez à rien ». Pour le moment, une partie des « fondamentaux » de l’European Patrol Corvette répondrait aux besoins de la Marine nationale, a-t-il relevé… avant d’évoquer la piste de la corvette Gowind de Naval Group pour remplacer les frégates de type Floréal.
Cela, l’idée d’aller au-delà des cinq Frégates de défense et d’intervention n’est a priori pas exclue. « Faudra-t-il plus de FDI? Il faudra que nous y réfléchissons », a en effet répondu l’amiral Vandier, d’autant plus que ce navire « correspond aux besoins liés à des missiosn de forces expéditionnaires ainsi qu’à des missions ASM ».
Photo : capture d’écran / Naval Group