L’ONU dénonce les exactions commises par les forces centrafricaines et leurs « instructeurs » russes

Certes, les actions menées par les forces armées centrafricaines [FACA] et leurs « instructeurs » russes auront mis en échec les groupes armés rebelles qui, réunis au sein de la Coalition des patriotes pour le changement [CPC], avaient affiché leur intention de marcher vers Bangui afin d’empêcher l’élection présidentielle de décembre dernier.

Cependant, la situation sécuritaire ne s’est pas pour autant améliorée en Centrafrique. « La difficulté qu’il y à consolider les acquis militaires a fait persister l’instabilité. Lorsque les forces de défense nationale et les forces déployées de manière bilatérale et les autres membres du personnel de sécurité quittent une zone, les groupes armés reviennent souvent pour exercer des représailles contre les civils », a ainsi relevé Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, dans le dernier rapport qu’il a remis au Conseil de sécurité.

Les « forces déployées de manière bilatérale » et les « autres membres du personnel de sécurité » désignent les instructeurs militaires envoyés en Centrafrique par la Russie ainsi que les mercenaires de la société militaire privée [SMP] russe Wagner.

Quoi qu’il en soit, selon M. Guterres, la sitation sécuritaire en Centrafrique est donc « restée précaire, en particulier dans l’ouest, le nord-ouest et le centre du pays, du fait de la poursuite des affrontements entre les groupes armées, pour la plupart affiliés à la CPC, et les forces de défense nationale, assistées par des forces de sécurité déployées de manière bilatérale et d’autres agents de sécurité, ce qui a provoqué des pertes humaines et des déplacements ».

Et de signaler des « violations des droits humains associées à ces affrontements » ainsi qu’une « série de problèmes généralisés et sans précédent a entravé la capacité de la MINUSCA [Mission des Nations unies en Centrafrique, ndlr] à s’acquitter de son mandat et a compromis sa liberté de mouvement, ce qui a parfois mis gravement en danger son personnel. »

Dans le détail, entre le 1er février et le 1er juin 2021, la MINUSCA a pu documenter 344 « cas de violations des droits humains, d’atteintes à ces droits et de violations du droit international humanitaire », lequels ont fait 628 victimes. Soit une augmentation de +28,4% du nombre de cas et de +40,2% du nombre des victimes par rapport à la même période, l’an passé.

Si, pour l’essentiels, ces exactions ont été commises par des groupes armés, 140 ont été attribuées par l’ONU aux « agents de sécurité nationaux, des agents déployés bilatéralement et d’autres agents de sécurité ». Elles auraient fait 249 victimes. Le bilan pourrait être plus élevé… car, souligne par exemple le rapport de M. Guterres, « à plusieurs repruses, les forces de défense et les forces de sécurité intérieure ont empêché la MINUSCA d’aller enquêter sur le lieu où s’était déroulée une attaque dans le village de Yongo ».

Un autre rapport, cette fois émanant du Groupe d’experts des Nations unies pour la Centrafrique, donne le détail de ces exactions attribuées aux FACA et à leurs « instructeurs russes ».

« Dans plusieurs régions visitées, le groupe d’experts a reçu des témoignages confidentiels sur un recours excessif à la force par les FACA et les instructeurs russes », affirme ce document, dans des extraits ont été cités par l’AFP, ce 28 juin.

Ainsi, selon ce rapport, les FACA et les « instructeurs russes » auraient commis des « assassinats aveugles, des occupations d’écoles et des pillages à grande échelle y compris d’organisations humanitaires ». En outre, le groupe d’experts « a reçu de nombreux rapports faisant état d’assassinats aveugles de civils non armés par des instructeurs russes », lesquels, est-il relevé dans le document, sont surtout implantés dans « les régions minières centrafricaines ».

Quant au nombre de ces « instructeurs russes », il serait beaucoup plus élevé que celui admis par Moscou qui, en avril dernier, avait avancé le chiffre de 532. En effet, selon le groupe d’experts, qui s’appuie sur différentes sources, il serait compris entre 800 et 2100. Et il aurait également reçu « de multiples témoignages de sources locales et des FACA selon lesquels les instructeurs déployés comprenaient des individus qui se sont identifiés comme ressortissants de la Libye, de Syrie et d’autres pays ».

Enfin, selon de « nombreux témoignages », ces « instructeurs » russes n’interviennent pas en soutien des FACA : le rapport affirme en effet qu’ils sont activement impliqués dans les combats, « souvent en tête des opérations ».

Parmi ses recommandations, le groupe d’experts estime qu’il n’est pas opportun, en l’état actuel des choses, de lever l’embargo sur les armes décrété à l’égard de la Centrafrique. Ce dernier arrive à expiration le 31 juillet prochain… et la Russie ainsi que la Chine ne souhaitent pas qu’il soit reconduit.

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