Paris dénonce la « captation du pouvoir » par les « mercenaires russes » en Centrafrique
Cible d’une campagne de désinformation « massive » en Centrafrique, orchestrée par la Russie, la France a décidé de suspendre l’aide militaire qu’elle apportait jusqu’alors aux Forces armées centrafricaines [FACA].
En effet, la semaine passée, le ministère des Armées a ainsi expliqué que les « autorités centrafricaines ont pris des engagements qu’elles n’ont pas tenus, tant sur le plan politique envers l’opposition que sur le comportement vis-à-vis de la France, qui est la cible d’une campagne de désinformation massive en Centrafrique. » Et d’ajouter : « Les Russes n’y sont pas pour rien, mais les Centrafricains sont au mieux complices de cette campagne. »
La suspension de l’aide militaire française a été confirmée quelques jours après un sérieux incident frontalier ayant impliqué l’armée tchadienne d’un côté et, de l’autre, les FACA ainsi que des paramilitaires de la société militaire privée [SMP] russe Wagner. Et cela, en marge de combats contre des groupes rebelles relevant de la Coalition des patriotes pour le changement [CPC]
Mais plus généralement, le comportement des soldats centrafricains et des mercenaires russes est sujet à caution. Fin mai, le secrétaire général adjoint pour les opérations de maintien de paix des Nations unies avait plaidé pour l’instauration de « mesures de déconfliction » entre les Casques bleus de la MINUSCA [Mission de l’ONU en Centrafrique, ndlr], les FACA et les « partenaires bilatéraux » de ces dernières. « Il y a eu plusieurs cas préoccupants de difficultés notamment rencontrées avec les forces armées centrafricaines et leurs partenaires », avait-il dit, sans plus de précision.
Dernièrement, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a dénoncé les exactions commises à l’égard des populations civiles et les menaces visant les Casques bleus.
« Je suis profondément troublé par l’augmentation inacceptable et sans précédent des menaces et des incidents hostiles par les forces nationales, le personnel de sécurité déployé bilatéralement et les autres personnels de sécurité, ciblant la MINUSCA », a affirmé M. Guterres, dans un rapport auquel l’AFP a eu accès. « J’invite le président [centrafricain] Touadéra à donner suite à son engagement de veiller à ce que de telles actions hostiles cessent immédiatement, et de demander des comptes à leurs auteurs », a-t-il ajouté.
En outre, les « affrontements entre les groupes armés et les forces de défense nationale assistées par des membres du personnel déployés bilatéralement et d’autres membres de personnel de sécurité ont entraîné une augmentation du nombre de civils tués », a également relevé M. Guterres. Et les enquêtes de la MINUSCA révèle que « la plupart des décès de civils résultaient d’un usage aveugle, disproportionné et excessif de la force par les militaires centrafricains et le personnel de sécurité déployé de manière bilatérale », a-t-il précisé.
Quoi qu’il en soit, depuis que la France a suspendu son aide militaire, la Centrafrique a changé de Premier ministre, Firman Ngrebada, qui affichait une certaine proximité avec Moscou, ayant cédé son fauteuil à Henri-Marie Dondra. Pour autant, le ton de Paris à l’égard de Bangui ne s’est pas [encore] adouci.
« En République centrafricaine, par les mercenaires russes, il y a une forme de captation de pouvoir, et en particulier de pouvoir militaire, ce que nous combattons et ce qui nous amené à prendre des mesures de retrait d’un certain nombre de nos personnels militaires », a en effet affirmé Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, à l’antenne de BFMTV, ce 18 juin. À Banguo, les « les milices sont là, elles encadrent le président [Faustin Archange] Touadéra et elles se servent sur la bête dans les richesses du pays », a-t-il accusé.
Quant au Sahel, où la France fait aussi face à une « guerre informationnelle », le phénomène n’a pas la même ampleur qu’en Centrafrique. « Je ne crois pas que ce soit un danger », a estimé M. Le Drian, avant d’assurer qu’il n’avait pas décelé, « pour l’instant », une « grande pénétration » russe dans la région… Même s’il est avancé que la Russie peut profiter du « putsch » fomenté par colonel Assima Goïta et plusieurs officiers supérieurs maliens.
« Ce n’est pas parce qu’il [le colonel Goïta] a été formé, que certains ont été formés à Moscou qu’ils sont aujourd’hui alignés sur Moscou », a dit M. Le Drian.
« Ce qui est certain […] c’est que les pays membres du G5 Sahel en particulier, ce qu’on appelle aussi la Cédéao [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest], sont extrêmement vigilants sur leur volonté de souveraineté et sur les précautions qu’ils prennent à l’égard de tiers », a observé le chef de la diplomatie française.