Le groupe franco-allemand KNDS redoute que les « systèmes aériens » siphonnent les budgets militaires

En 2019, le groupe KNDS [KMW+Nexter Defense Systems], le spécialiste franco-allemand de l’armement terrestre, avait obtenu d’excellents résultats, avec une progression des prises de commandes d’environ 25%, le niveau de ces dernières ayant atteint 4,375 milliards d’euros. Mécaniquement, son carnet de commandes avait augmenté de 23,5% par rapport à l’exercice précédent, pour s’établir 9,6 milliards d’euros.

Pour rappel, KNDS est une holding réunissant l’allemand Krauss-Maffei Wegmann et le français Nexter Systems. Son capital est détenu à parts également par Giat Industries et Wegmann & Co Gmbh. Depuis décembre 2020, sa présidence est assurée par Frank Haun [ex-Pdg de KMW] tandis que son conseil d’administration est dirigé par Philippe Petitcolin, ancien patron du groupe Safran.

Cela étant, après les très bons résultats de l’exercice 2019, KNDS s’attendait à connaître une année 2020 difficile, en raison de la pandémie de covid-19.

« Malgré tout, l’objectif demeure inchangé : il s’agit de satisfaire nos clients et nos actionnaires, de renforcer davantage l’intégration du groupe et de faire progresser les programmes communs », avait indiqué la direction de KNDS, en juillet dernier, soit au moment de la présentation des résultats de l’année 2019.

Quoi qu’il en soit, et selon que l’on soit de nature pessimiste ou optimiste, on peut avoir une lecture différente des chiffres avancés par KNDS, ce 14 juin.

Ainsi, en 2020, les prises de commandes sont retombées en-dessous du niveau qui était le leur en 2018, le montant total des contrats signés l’an passé par le groupe franco-allemand s’étant élevé à 3,3 milliards d’euros.

Ce résultat est en grande partie dû aux commandes notifiées à Nexter Systems par la Direction générale de l’armement [DGA], au profit de l’armée de Terre et de son programme SCORPION. En effet, le groupe rappelle qu’il a reçu la commande de 42 Engins blindés de combat et de reconnaissance [EBRC] Jaguar, de 271 Véhicules blindés multi-rôles [VBMR] Griffon et de 364 VBMR légers Serval.

En outre, KNDS évoque un contrat relatif au Camion équipé d’un système d’artillerie [CAESAr] obtenu auprès d’un « nouveau client à l’exportation » qu’il n’a pas cité. Cependant, en juin 2020, la République tchèque avait annoncé son choix en faveur de ce système ainsi qu’une commande à venir de 52 exemplaires, pour 224 millions d’euros.

Côté allemand, les commandes obtenues en 2020 ont concerné la mise à niveau à mi-vie de 322 blindés Fennek de l’armée néerlandaise et 24 ponts LEGUAN pour la Bundeswehr. L’exercice 2019 avait été beaucoup plus faste, avec le contrat signé avec le Royaume-Uni pour livraison de plus de 500 véhicules blindés Boxer.

Quant au carnet de commandes consolité, il a atteint « le chiffre record de 10,6 milliards d’euros », se félicite KNDS. Enfin, le chiffre d’affaires s’est élevé à 2,4 milliards d’euros, soit un montant presque identique à celui constaté en 2019 [2,5 milliards, ndlr]. Cependant, il ne dit rien sur ses bénéfices.

Pour KNDS, ces résultats sont « remarquables dans le contexte inédit de la crise COVID, démontrant ainsi la robustesse de son modèle économique, sa résilience et sa force santé économique et financière ».

« En 2020, nous avons atteint ou dépassé tous nos objectifs commerciaux. En outre, Nexter et KMW s’intègrent plus rapidement et plus fortement pour devenir ensemble le leader commun des innovations clés dans le domaine des systèmes militaires terrestres », a commenté Frank Haun. Toutefois, ce dernier a identifié de « nouveaux défis ».

« Par exemple, les budgets de nos clients les plus importants sont fortement impactés par les conséquences de la pandémie, en partie au détriment des budgets de défense. Et au sein de ces derniers, nous voyons apparaître des augmentations significatives de dépenses pour les systèmes aériens, qui exercent à leur tour une pression sur les projets terrestres tant attendus », a expliqué M. Haun.

Cette phrase semble viser l’Allemagne, où les dépenses militaires devraient sensiblement diminuer à partir de 2023, après avoir connu une hausse de 5% en 2022. Le 13 juin, l’hebodmadaire Welt am Sonntag s’est ainsi fait l’écho des difficultés des forces terrestres allemandes, lesquelles seraient sous-financées.

Quant à la progression des « dépenses pour les systèmes aériens » évoquée par M. Haun, il s’agit sans doute de celles relatives au Système de combat aérien du futur [SCAF], mené dans le cadre d’une coopération associant Paris, Berlin et Madrid. Craint-il qu’elles puissent se faire aux dépens du Main Groud Combat System [MGCS], le projet franco-allemand de char de combat du futur dont la direction a été confiée à l’Allemagne?

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