Signataires d’une tribune controversée, six généraux 2S ont été convoqués devant un conseil de discipline

Bien qu’ils n’exercent plus aucun commandement puisqu’ils sont retournés à la vie civile, les généraux placés en deuxième section [2S] sont cependant soumis à un devoir de réserve étant donné que, de par leur statut, ils peuvent être rappelés par le ministère des Armées si ce dernier l’estime nécessaire.

En contrepartie, ces généraux 2S perçoivent une « solde de réserve », au montant équivalent à celui d’une pension de retraite mais considérée comme un revenu d’activité [ce qui donne droit à un abattement de 10% au niveau fiscal]. Cela étant, ce statut a été réformé en juillet 2011 [article L 4141-4 du code de la Défense, ndlr], avec l’instauration d’une limite d’âge, portée à 67 ans. Mais cette disposition ne s’applique pas aux officiers généraux ayant quitté les armées avant l’adoption de cette loi. Ce qui fait que certains d’entre eux sont toujours en deuxième section alors qu’ils ne sont plus en « position d’activité » depuis plus de dix ans.

Si un général en deuxième section s’affranchit de son devoir de réserve, il est alors convoqué devant un conseil supérieur de force armée siégeant disciplinairement, réuni sur ordre du ministre des Armées. Assisté d’un défenseur, il comparaîtra alors devant des officiers généraux appartenant à la même armée dont il relevait quand il était en activité.

En 2016, pour avoir participé à une manifestation non autorisée contre la politique migratoire [ce qui lui valut d’être inquiété par la justice, avant d’être relaxé par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, ndlr], le général Christian Piquemal, âgé de 75 ans au moment des faits, fut radié de la deuxième section. Aussi, quand, pour alerter sur le danger de « guerre civile » en France, il a signé la « Lettre ouverte à gouvernants » publiée par le site Place d’Armes le 14 avril et reprise une semaine plus tard par l’hebdomadaire conservateur Valeurs Actuelles, il ne risquait plus d’être sanctionné pour avoir manqué à ses obligations de réserve.

En revanche, ce n’était évidemment pas le cas des autres officiers généraux 2S signataires, désormais au nombre d’une soixantaine, la tribune en question ayant connu une forte exposition médiatique, notamment grâce à la publicité qu’en firent des élus et autres responsables politiques en la dénonçant. Ainsi, y voyant un appel à la sédition et à un coup d’État, plusieurs parlementaires de La France insoumise [LFI] saisirent le procureur de la République de Paris, lequel estima qu’il n’y avait pas lieu de lancer des poursuites judiciaires.

Cependant, la ministre des Armées, Florence Parly, et le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, promirent des sanctions à l’égard des généraux 2S signataires, ainsi qu’aux 18 militaires encore en activité – et identifiés – qui s’étaient joints à ces derniers.

Seulement, le 11 mai, Valeurs Actuelles publia une seconde tribune qui, rédigée et signée par des militaires de l’active, se voulait être l’écho de la première. Et son succès fut immédiat, recueillant près de 300’000 signatures en dix jours. Ce qui conduisit le CEMA à diffuser à son tour une lettre pour calmer le jeu en demandant de faire preuve de « bon sens » et de « lucidité » face à des « d’instrumentalisation de l’institution militaire » et à des « entreprises de déstabilisation. »

Depuis quelques jours, des informations selon lesquelles des officiers généraux 2S signataires de la première tribune venaient de recevoir une convocation pour « passer au trapèze » ont commencé à circuler. Et elles ont été confirmées par le quotidien Le Monde [édition du 13 juin].

Ainsi, six officiers généraux de deuxième section ayant signé ce premier texte ont été convoqués devant un conseil supérieur de force armée. Il s’agit de ceux qui ont assumé publiquement leur signature dans les médias. Quant aux autres, ils ont reçu un courrier leur demandant s’ils confirment ou non leur signature. Leur sort dépendra de leur réponse.

Quant aux 18 militaires d’actives identifiés, l’un d’eux a plaidé l’usurpation d’identité, les autres s’étant désolidarisés de la tribune qu’ils avaient signée. « Les sanctions les concernant sont encore à l’étude. Le ministère [des Armées] considère, ‘qu’en l’absence de soutien réitéré’ au texte publié, elles doivent être ‘adaptées' », écrit Le Monde.

Enfin aucun des militaires d’active ayant signé la seconde tribune n’ont été identifiés à ce jour. Du moins « officiellement », selon le quotidien du soir, selon qui le ministère des Armées a le souci de « ménager une partie de l’opinion des troupes, à vif sur ces histoires de tribunes et la publicité accordée au processus disciplinaire ».

Un temps proche d’Emmanuel Macron [notamment lors de la campagne présidentielle de 2017, ndlr], le général de gendarmerie [2S] Bertrant Soubelet a critiqué la procédure disciplinaire lancée contre les six officiers généraux signataires de la première lettre ouverte.

« En réalité les signataires n’ont rien dit de plus que ce que j’avais déclaré en 2013 devant une commission d’information de l’Assemblée Nationale et écrit maintes fois depuis, rien de différent de ce qu’avait aussi affirmé Patrick Calvar alors directeur général de la sécurité intérieure devant l’Assemblée Nationale en 2015 en évoquant une crainte de guerre civile; rien de différent non plus de la déclaration de Gérard Collomb sur les marches de Beauvau parlant de Français ‘ne vivant plus côte à côte mais face à face' », rappelle le général Soubelet, dans un article publié le 6 juin sur les réseaux sociaux.

« Qu’est ce que l’exécutif veut prouver en convoquant en Conseil de discipline ces serviteurs de l’État qui pour la plupart ont risqué leur vie pour notre pays? », demande-t-il.

Cela étant, à partir du moment où il avait annoncé des sanctions à l’égard des officiers généraux 2S signataires, le ministère des Armées ne pouvait pas se déjuger, même pour calmer les esprits et faire retomber la polémique. D’où cette voie médiane, consistant à sanctionner, en quelque sorte, les « chefs de file » [qui risquent d’être radiés de la 2e section si une telle proposition de sanction est soumise au président de la République, qui décide en dernier ressort] tout en offrant une porte sortie aux autres.

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