Mali : Selon l’État-major des armées, les jihadistes ont de plus en plus recours à des enfants pour des actions de combat

En juillet 2020, et alors qu’il s’apprêtait à quitter ses fonctions de commandant de la force Barkhane, le général Patrick Facon confia que « l’ennemi [s’était] endurci » et qu’il n’hésitait plus « à recourir à des enfants soldats ». Et d’expliquer que cette « réalité » était « liée à l’attrition des GAT [groupes armés terroristes] » et à « leur difficulté à recruter ». « Cette exploitation abjecte nous met en difficulté dans le cadre de nos opérations », avait-il ensuite dénoncé.

Cependant, avait pousuivi le général Facon, la « robustesse de nos procédures d’engagement nous permet de prévenir quasi systématiquement les dommages collatéraux, pour autant il arrive que l’on constate lors des opérations de neutralisation la présence de mineurs ». Et si « ces situations demeurent extrêmement rares, il convient d’en avoir une pleine conscience », avait-il conclu.

Que, au Sahel, les groupes jihadistes aient recours à des adolescents ou à des enfants n’est pas un phénomème nouveau. Généralement, ils étaient jusqu’alors recrutés pour servir de guetteurs ou d’informateurs. Et cette tendance, nouvelle pour le Mali, avait été signalée dès 2013 par l’UNICEF et d’autres organisations humanitaires.

Cela étant, lors d’une audition au Sénat, en novembre 2020, le général Marc Conruyt, le successeur du général Facon à la tête de Barkhane, avait affirmé qu’il n’avait « pas été le témoin de la présence d’enfants soldats » dans « toutes les opérations menées » depuis sa prise de commandement. « Je sais que la question a été soulevée l’été dernier. Nous restons très attentifs à ce sujet », avait-il précisé.

Mais ce n’est parce qu’on ne voit pas un phénomène que ce dernier n’existe pas. Ainsi, le dernier rapport sur le Mali, que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a remis au Conseil de sécurité, avance qu’il « a été confirmé que 122 enfants [91 garçons et 31 filles] âgés de 10 à 17 ans avaient été recrutés et utilisés par des groupes armés » et que « 89 d’entre eux ont été séparés de ces groupes, tandis que 33 restent actifs dans leurs rangs, l’ONU plaidant pour leur libération. » On notera pas ailleurs que le document se garde de donner des précisions sur les groupes en question.

Dans son dernier compte-rendu des opérations, l’État-major des armées [EMA] aborde la question de ces enfants enrôlés par les groupes jihadistes en évoquant des missions de reconnaissance menées la semaine passée autour de la route nationale 16, entre les localités de Nokara et de Douentza, « en passant par le nord et le sud des monts Agapéthé. » Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM] est particulièrement actif dans cette zone.

Lors de cette opération, Barkhane et les forces partenaires ont démantelé un camp d’entraînement jihadiste dans la région de Nokara, « où se trouvaient notamment des enfants », a relaté l’EMA. Et si cela « n’est malheureusement pas un phénomène nouveau » car les GAT recourent à de jeunes hommes, voire des enfants, pour surveiller leur territoire de prédation », cette « tendance à l’enrôlement et l’endoctrinement de cette même population pour mener des opérations de combat se confirme », souligne-t-il.

Ainsi, le 11 mai, des militaires français et maliens alors en patrouille près de Hombori [sur la RN 16, à l’est de Nokara, ndlr] ont été pris à partie par un groupe armé ayant pris position sur un piton rocheux. « La manoeuvre d’encerclement a permis d’appréhender une vingtaine d’individus, dont 4 adolescents et 5 enfants », indique l’EMA. Ce qui près de la moitié de l’effectif jihadiste était composé de mineurs…

Quand ils sont capturés, ces enfants soldats sont envoyés dans un centre « ouvert » du gouvernement malien. En juillet 2020, le général Facon fit part d’une réflexion avec le Comité international de la Croix rouge [CICR] et les autorités maliennes afin de trouver une solution permettant « d’offrir à ces enfants et jeunes une perspective un peu plus intéressante en terme d’éducation. » Depuis, aucune annonce n’a été faite à ce sujet.

Photo : Opération Barkhane / Illustration © EMA

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