L’avion de combat britannique de 6e génération « Tempest » ne se déclinera pas en version navale

Le 17 mai, la France, l’Allemagne et l’Espagne ont dit avoir trouvé un accord « général » au sujet de la phase 1B du Système de combat aérien du futur [SCAF], ouvrant ainsi la voie à la mise au point d’un démonstrateur dont le premier vol est désormais attendu en 2027. Et, selon le communiqué publié à cette occasion, il ne restait alors plus qu’à faire valider cet arrangements selon les « processus administratifs nationaux ».

Seulement, si ces trois pays se sont entendus entre-eux, ce n’est pas le cas avec les entreprises impliqués dans le SCAF. Ce qui explique, sans doute, la raison pour laquelle aucun d’entre-eux n’a publié de communiqué pour saluer l’annonce faite la semaine passée…

« À ce stade, il n’y a pas d’accord entre les États et les industriels. Les discussions se poursuivent », a ainsi confié Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, au quotidien Le Figaro [édition du 18 mai]. Ce qui a été confirmé par un industriel dans les colonnes de Challenges. « Il n’y a aucun accord sur le budget, ni sur la propriété intellectuelle », a-t-il dit. Et une autre source a fustigé une « posture de communication » et un « communiqué mensonger ».

S’agissant du budget, les trois États demandent aux industriels une ristourne de 5% sur les 3,5 milliards que doit coûter, au maximum, la phase 1B. Certains seraient prêts à faire un geste… mais il n’est pas question d’aller plus loin qu’un rabais de 3%.

Quant à la question de la propriété intellectuelle, les industriels français veulent apparemment des garanties. « Ils ne font pas confiance à la DGA [Direction générale de l’armement] pour protéger leurs technologies clés », a expliqué une source proche des négociations à Challenges. Dassault Aviation Safran et Thales redoutent en effet « que certaines technologies soient transférées en Allemagne sous pression de l’Élysée et de l’hôtel de Brienne, qui veulent absolument des résultats concrets sur ce programme militaire emblématique », écrit l’hebdomadaire économique.

Sans doute que ces sujets finiront par trouver une solution. Mais il faudra encore passer l’obstacle du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand] d’ici juillet prochain. Si un avion doit décoller contre le vent, comme le dit Florence Parly, la ministre français des Armées, il faut toutefois prendre garde aux vents de travers…

Outre-Manche, dévoilé en 2018 et ayant déjà suscité l’intérêt de l’Italie et de la Suède, le programme Tempest, qui se veut tout aussi ambitieux que le SCAF, suit son cours normalement. Le groupement d’industriels impliqués dans ce projet sous la houlette de BAE Systems [la « Team Tempest », ndlr] s’attend à ce que « l’assessement phase », c’est à dire la phase de conception et d’évaluation de ce projet, soit prochainement lancée.

La prochaine étape du programme Tempest est « sur la bonne voie », a également assuré Jeremy Quin, le ministre britannique délégué aux Acquisitions de la Défense, lors d’une séance à la Chambre des communes. Et de confirmer que la phase de conception et d’évaluation serait lancée « plus tard, cette année ».

Par ailleurs, une étude du cabinet d’audit PwC a estimé que le programme Tempest allait stimuler « la productivité, l’innovation et le développement des compétences dans tout le Royaume-Uni », avec une contribution à l’économie britannique évaluée à 26,2 milliards de livres sterling entre 2021 et 2050 et à 21.000 emplois hautement qualifiés durant cette période.

« La clé du succès de Tempest est de fournir une capacité hautement avancée plus rapidement et plus efficacement que jamais. L’investissement de l’industrie et du MoD [ministère britannique de la Défense, ndlr] dans la recherche et le développement […] générera des retombées positives pour l’économie au sens large grâce à la mise en oeuvre de nouvelles technologies dans d’autres secteurs et à la stimulation de l’innovation en collaboration avec des centaines d’entreprises, de PME et d’organisations universitaires », avance cette étude.

Quoi qu’il en soit, et à la différence du SCAF, le MoD n’envisage pas – du moins pour le moment – une version navalisée du Tempest. On aurait cependant pu le penser quand la Royal Navy a récemment émis une demande d’informations concernant les « systèmes de lancement et de récupération » des aéronefs à bord des porte-avions.

En clair, il s’agit ainsi d’évaluer la « disponibilité des catapultes électromagnétiques et des brins d’arrêt » pour les porte-avions HMS Queen Elizabeth et HMS Prince of Wales, qui en sont actuellement dépourvus puisqu’ils sont en configuration dite STOBAR, c’est à dire qu’ils sont dotés d’un pont incliné pour faire décoller les F-35B de la Royal Air Force et de la Fleet Air Arm.

Cela étant, Jeremy Quin a coupé court aux spéculations, en répondant à une question de Tobias Elwood, le président du comité de la Défense à la Chambre des communes. « L’aviation de combat maritime reposera sur le F-35B Lightning dans un avenir prévisible » et le Tempest « remplacera [l’Eurofighter] Typhoon une fois qu’il sera retiré du service », a-t-il dit.

S’il restera le seul avion « habité » à pouvoir embarquer à bord des HMS Queen Elizabeth et HMS Prince of Wales, le F-35B devrait cependant être accompagné de drones à voilure fixe. D’où la demande d’informations émise par la Royal Navy concernant les catapultes électromagnétiques.

Selon un document intitulé « Future Maritime Aviation Force », la marine britannique envisage en effet de faire cohabiter des F-35B avec des drones appelés « Vixen ». De tels appareils effecturaient des missions de guet aérien, de reconnaissance, de frappe et même de… ravitaillement en vol. Un tel concept rappelle celui du MQ-25 Stingray, un drone embarqué actuellement en cours de développement chez Boeing.

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