Nouveau coup de force politique des militaires au Mali

En août 2020, des officiers supérieurs des Forces armées maliennes [FAMa] prirent la tête d’un « Comité national pour le salut du peuple » [CNSP], après avoir renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta [IBK]. Puis, une « charte de la transition » fut adoptée, avec l’objectif d’arriver à une normalisation politique dans les dix-huit mois suivants.

Ancien officier de la force aérienne malienne et ex-ministre de la Défense, Bah N’Daw fut nommé président par intérim, avec Moctar Ouane comme Premier ministre. Les membres du CNSP ne s’éloignèrent pas du pouvoir pour autant. Ainsi, le colonel Assimi Goïta, son chef de file, devint vice-président tandis que quatre autres s’arrogèrent des ministères clés, dont ceux de la Défense [colonel Sadio Camara], de la Sécurité [colonel Modibo Koné], de la Réconciliation nationale [colonel Ismaël Wagué] et de l’Administration territoriale [colonel Abdoulaye Maïga].

Puis, en décembre, un « Conseil national de transition » fut mis en place, sous la présidence du colonel Malick Diaw, afin de remplacer l’Assemblée nationale, dans l’attente de nouvelles élections. Et, la Communauté économique des États d’Afrique occidentale [CEDEAO] ayant appelé à sa dispartion, le CNSP fut dissous par décret le 18 janvier dernier.

Contrairement à ce que l’on pouvait craindre, ces soubresauts politiques n’ont pas remis en cause la participation du Mali au G5 Sahel et les opérations conduites par les FAMa et la force française Barkhane contre les groupes armés terroristes. Cependant, la libération d’une grosse centaine de combattants affiliés au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM, lié à al-Qaïda], en octobre 2020, fut plutôt mal accueillie à Paris…

Qu’en sera-t-il avec le nouveau coup de force tenté par deux officiers de l’ex-CNSP, à savoir les colonels Assimi Goïta et Sadio Camara? En effet, alors qu’il venait d’annoncer la composition d’un nouveau gouvernement ne devant plus compter de ministres ayant participé au putsch d’août 2020, Moctar Ouane a été emmené au camp militaire de Kati par des hommes armés. Il y a retrouvé le président par intérim ainsi que le général Souleymane Doucouré, appelé à prendre le portefeuille de la Défense.

Dans le même temps, sur les réseaux sociaux, de fausses informations ont circulé en reprenant les codes visuels de la Mission multidimensionnnelle intégrée pour la stabilisation du Mali [MINUSMA], qui a été contrainte de publier un message d’avertissement.

Il aura fallu attendre presque 24 heures pour connaître le sort des responsables mis au secret au camp militaire de Kati. Dans un communiqué lu par son porte-parole [un commandant, ndlr], le colonel Goïta a fait savoir que MM. N’Daw et Ouane venaient d’être démis de leurs fonctions pour avoir tenter de « saboter » le processus de transition. Il leur est notamment reproché de ne pas l’avoir consulté au moment de former le nouveau gouvernement.

À noter que ce dernier devait accueillir deux ministres membres de l’Union la République et la Démocratie [URD], composante du Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques [M5-RFP] de l’influent imam Mahmoud Dicko, partisan d’un dialogue avec le GSIM. Cette formation avait également refusé la charte de transition.

« Une telle démarche témoigne d’une volonté manifeste du président de la transition et du Premier ministre d’aller vers une violation de la charte de transition […], d’où une intention avérée de sabotage de la transition », a expliqué ce porte-parole. Pour autant, a-t-il poursuivi, le « processus de transition suivra son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022. »

Pour le moment, la réaction de Paris à ces derniers développement à Bamako est plutôt… discrète. A priori, la France a fait valoir sa position via le Conseil européen, lequel s’est associé à la « déclaration de la CEDEAO et de l’Union africaine » pour condamner avec « fermenté l’enlèvement du président de transition du Mali et du Premier ministre. Et, a-t-il prévenu, « l’Union européenne est prête à envisager des mesures ciblées à l’encontre des dirigeants politiques et militaires faisant obstruction à la transition au Mali. »

De son côté, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, n’a pas tardé à se dire « profondément préoccupé par la détention des dirigeants civils de la transition malienne. » Et d’ajouter : « J’appelle au calme et à leur libération inconditionnelle. Mon Représentant spécial travaille avec la CEDEAO, l’UA et les acteurs internationaux soutenant la transition politique en cours. »

Photo : colonel Goïta

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