L’armée de Terre mise sur l’innovation participative pour améliorer le Véhicule blindé léger

Un cahier des charges peut toujours être le plus complet possible. Cependant, il est pratiquement impossible d’anticiper tous les usages opérationnels qui pourront être faits d’un matériel militaire. En clair, les utilisateurs sont sans doute les mieux placés remédier aux insuffisances éventelles des équipements qui leur sont confiés, voire pour les améliorer. Autrefois, on appelait cela le « système D ». Désormais, et depuis l’amiral Hervé Le Pichon, on parle d' »innovation participative ».

Une telle approche est vivement encouragée par le ministère des Armées. Depuis la création de la « Mission Innovation Participative » [MIP, remplacée récemment par la « Cellule Innovation Participative », ndlr], plus de 1.100 innovations portées par des militaires et des personnels civils de la Défense ont été soutenues. Et les plus pertinentes peuvent être récompensées par le Prix de l’Audace, décerné tous les deux ans par la Fondation Maréchal Leclerc de Hautecloque.

Normalement, la dernière édition de ce prix aurait dû avoir lieu en 2020… mais, à cause de l’épidémie de covid-19, elle s’est tenue un an plus tard, ce 19 mai.

Parmi les innovations présentées, certaines ont déjà fait l’objet d’une communication, comme le dispostif P3TS, qui donne simultanément accès aux signaux de géolocalisation fournis par les systèmes GPS, Galileo et Glonass, le gilet pare-balles Air Shock Absorber, qui permet d’absorber et de répartir les impacts de balles, on encore le mini-drone Corvus, développé par le Commando Parachutiste de l’Air n°10 [CPA 10].

D’autres projets retenus sont suceptibles d’apporter des gains capacitaires appréciables, à l’image du TBS, un système permettant la détection autonome d’événements spatiaux, ou encore de celle d’ADDYCT [Augmentation Dématérialisée Dynamique des Capacités Télécoms navales].

En outre, certains ont déjà été mis en oeuvre sur le terrain. Tel est le cas d’ELIA [Équipements Légers d’Information par ADS-B], dont l’intérêt est de donner une connaissance encore plus fine de l’activité aérienne « basse couche », d’ONASCO, un algorithme qui, validé sur la frégate « Bretagne », exploite les données en temps réel au combat, ainsi que d’ORIGAMI [Outil de Renseignement et d’Interprétation Géographique Adaptable-Modulaire Intermédiaire], opérationnel depuis quelques jours.

Une autre catégorie concerne les innovations censées améliorer des capacités existantes. Ainsi, un officier du 4e Régiment d’hélicoptères de forces spéciales [4e RHFS] a mis au point le dispositif DOSAH [Détection Optimisée pour Systèmes d’Armes Hélicoptères], qui « optimise les systèmes d’armes de la génération actuelle par le traitement numérique du flux vidéo, diffusé par leurs capteurs optiques et thermiques, en améliorant significativement la qualité de l’image perçue tout en intégrant une capacité de détection de mouvement. »

Dans le même registre, l’idée du major « Stéphane », de la Section technique de l’armée de Terre [STAT], permettra d’améliorer le Véhicule blindé léger [VBL].

En effet, ce sous-officier a imaginé le « Système intégré de gonflage rapide et d’aide à la mobilité » [SIGRAM] lequel donne la possibilité à l’équipage d’un VBL de faire varier la pression des pneumatiques de façon autonome, que ce soit à la hausse comme à la baisse, ce qui permet d’adapter le véhicule à tous les types de terrain. Une fonctionnalité qui n’existait pas sur ce type de blindé.

Si cette innovation a été retenue pour le Prix de l’Audace 2020, une autre, toute aussi ingénieuse, aurait sans doute mérité de l’être. Ainsi, lors d’un déploiement au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane, en 2015, un sergent-chef du Groupement commando Parachutiste [GCP] a constaté que la fixation circulaire du VBL n’était pas adaptée à la mitrailleuse MAG58, qui venait de remplacer l’AANF1. Trop étroite pour la crosse de cette arme alors récemment entrée en dotation, elle ne permettait pas au tireur d’épauler correctement.

Aussi, le sous-officier eut l’idée de remplacer cette circulaire par une autre, d’un diamètre plus grand, récupérée sur ERC-90 Sagaie. Seulement, explique le major Stéphane dans les colonnes du dernier numéro de Terre Infos Magazine, si l’idée était ingénieuse, elle ne corrspondait « pas aux normes imposées par l’armée de Terre et les industriels ».

« Les soldats ont souvent des idées novatrices, mais ils oublient les contraintes techniques à respecter », souligne-t-il. Aussi, il a réalisé une étude technique pour améliorer le VBL dans le sens souhaité. « Nous avons dépassé le stade de la récupération. Nous avons dû par
exemple dessiner et produire certaines pièces qui servent à fixer la circulaire au VBL », explique-t-il.

Cependant, un « passage à l’échelle » n’est pas envisageable pour le moment étant donné que les circulaires du Sagaie « ont été hypothéquées pour un autre programme d’armement », indique Terre Infos Magazine. « Mais le passage de ce projet par la STAT lui a permis de sortir de son rang d’innovation de terrain. Un pas de
plus vers le concret », conclut le magazine.

Photos : armée de Terre

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]