Le fonds d’investissement du ministère des Armées se désengage de Fichou, spécialiste de l’optique de haute précision

En juillet 2018, Definvest, le fonds d’investissement du ministère des Armées géré conjointement par la Direction générale de l’armement [DGA] et Bpifrance, annonçait son entrée au capital de Fichou, principal fabricant français de composants optiques de haute precision.

Même si elle est peu connue du grand public, il n’en reste pas moins que Fichou est un acteur important de la Base industrielle et technologique de défense [BITD] française. Cette PME fournit en effet des composants à l’industrie aérospatiale militaire [avions de combat, satellites] tout en étant impliquée dans la dissuasion.

À l’origine, Fichou était une entreprise artisanale créée en 1946. Son activité ayant pris de l’ampleur, elle changea ses statuts pour devenir une société en 1969. Puis, elle fut reprise par Photonics Group International [PGI] en 2013.

L’opération réalisée par Definvest, pour un montant de 500.000 euros, visait à accompagner cette PME dans le développement de ses capacités de production tout en renforçant sa compétitivité et sa présence sur les marchés internationaux. Ayant réalisé un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros lors de l’exercice précédent, Fichou comptait alors élargir ses activités à la médecine, à la recherche et à d’autres secteurs industriels.

Seulement, en mars, son principal actionnaire annonça son intention de céder ses parts. Allait-on voir se répéter le scénario que l’on a connu pour Photonis, c’est à dire une pépite technologique française convoitée par des groupes étrangers, avec des principaux industriels français ne voyant pas l’intérêt de tenir le rôle du « chevalier blanc »? Selon l’hebdomadaire Challenges, un groupe indien ne tarda pas à montrer son intérêt pour Fichou… mais la DGA y mit son veto.

Finalement, Fichou sera cédé par PGI au groupe HEF, qui, implanté à Andrézieux-Bouthéon [Loire], est le leader mondial de l’ingénierie de surface. L’opération prévoit le rachat de tous les titres de la PME, ce qui veut dire que Definvest va se désengager de son capital.

« Grâce au fonds Definvest, Fichou a pu développer ses capacités de production, tout en renforçant sa compétitivité afin de répondre aux besoins du marché français. Fort de ces résultats et grâce à sa position confortée dans ce secteur de pointe, Fichou va rejoindre le groupe HEF et pérenniser ainsi, au sein de ce groupe français de premier plan, son activité stratégique pour la défense », explique le ministère des Armées.

Ce soutien « à l’entreprise Fichou pendant ces trois dernières années, à travers le fonds Definvest, aboutit à une consolidation entre acteurs français fournisseurs de la base industrielle et technologique de défense. C’est une nouvelle illustration de la pertinence du fonds Definvest pour aider au développement et à la consolidation des entreprises stratégiques de la BITD sélectionnées par la DGA et Bpifrance », a salué Florence Parly, la ministre des Armées.

Avec ce dénouement, Definvest réalise ainsi sa première cession depuis sa création, en novembre 2017. Doté initialement de 50 millions d’euros, ce fonds a pris des participations dans dix entreprises considérées comme stratégiques pour la BITD française. Dans les cinq ans à venir, sa dotation sera portée à 100 millions d’euros. Et ce ne sera dans doute pas de trop étant donné les difficultés que certaines PME risquent de connaître prochainement, en partie à cause de la pandémie de covid-19.

Lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale, le général Éric Bucquet, le patron de la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense [DRSD], chargée de contre-espionnage et de la contre-ingérence, a fait part de son inquiétude au sujet de la « vulnérabilité de certaines PME et PMI dont les carnets de commandes sont vides ou qui n’ont pas eu les commandes qu’elles attendaient, et qui sont en outre gênées dans leur fonctionnement par les contraintes sanitaires, tout en subissant la concurrence extérieure. »

Et d’ajouter : « Les risques sont donc de plusieurs ordres : l’entreprise peut faire faillite, avec des conséquences sociales que cela implique ; elle peut être rachetée par une société étrangère. C’est pourquoi, comme la DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure, ndlr], nous restons en contact avec les entreprises pour connaître leurs difficultés, essayer de les analyser avec elles, puis remonter ces informations le plus rapidement possible vers le service de l’information stratégique et de la sécurité économique afin d’apporter, si besoin, des mesures correctrices et d’essayer de les soutenir. »

Photo : Fichou

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