Accusant Bakou d’avoir violé sa frontière, l’Arménie se tourne vers l’Organisation du Traité de sécurité collective

Au début de ce mois, le Premier ministre [démissionnaire] arménien, Nikol Pachinian, a assuré devant son Parlement qu’il avait obtenu des « garanties de sécurité » auprès de Moscou, avec notamment le deploiement prévu d’unités militaires russes dans deux secteurs situés dans la région de Syunik, près de la frontière avec l’Azerbaïdjan.

Or, c’est justement dans ce « marz » [unité administrative en Arménie, ndlr] où, selon ce même Nikol Pachinian, des éléments de l’armée azerbaïdjanaise se seraient infiltrés sur trois kilomètres, précisément au niveau du lac Sev [ou lac noir], que se partagent les deux pays.

« C’est une infiltration subversive », a dénoncé M. Pachinian, lors d’une réunion extraordinaire de son conseil de sécurité. Et d’estimer que les troupes azerbaïdjanaises cherchaient à « faire le siège » du lac Sev. Cela étant, a-t-il ajouté, les forces arméniennes auraient promptement réagi en effectuant des « manoeuvres tactiques appropriées ». Cependant, il a également assuré vouloir régler ces nouvelles tensions avec Bakou par la « voie diplomatique ».

Reste que, d’après Erevan, environ 250 soldats azerbaïdjanais seraient actuellement toujours présents en territoire arménien. À Bakon, on a fermement démenti les accusations de M. Pachinian. « Les gardes-frontières prennent des positions qui appartiennent à l’Azerbaïdjan dans les districts de Latchine et Kelbadjar », a en effet réagi le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères azerbaïdjanais. Et d’ajouter : « La réaction de l’Arménie, « qui fait des annonces provocantes, est ahurissante ».

Quoi qu’il en soit, les États-Unis ont dit « suivre de près » ce « regain de tensions » entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, six mois après la fin des combats qui les opposèrent au Haut-Karabakh. « Nous sommes informés que les deux parties communiquent et exhortons à la retenue pour favoriser une désescalade pacifique de la situation », a ainsi indiqué Ned Price, le porte-parole de la diplomatie américaine.

En France, et après s’être entretenu avec le chef du gouvernement arménien, le président Macron a rappelé « l’attachement » de Paris à « l’intégrité territoriale de l’Arménie » et « marqué la nécessité d’un retrait immédiat des trouês azerbaïdjanaises du territoire arménien ».

L’accusation portée par Erevan à l’endroit de Bakou survient un peu plus de six mois après un accord de cessez-le-feu qui, signé sous l’égide de la Russie, a mis un terme aux combats que se livraient les forces arméniennes et azerbaïdjanaises au Haut-Harabakh.

Ainsi, selon les termes de cet accord, Moscou a envoyé 2.000 soldats le long de la ligne de contact et dans le corridor de Latchin. Mais le texte prévoyait aussi la construction de voies de transport entre les régions occidentales de l’Azerbaïdjan et la république autonome azerbaïdjanaise du Nakhitchevan… Ce qui suppose de traverser le « marz » de Syunik. Et, depuis, ce dossier n’a pas avancé d’un pouce… et le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, a récemment menacé d’y ouvrir un « corridor » par la force.

De son côté, la Russie ne tient a priori pas prendre partie dans cette affaire. Le 13 mai, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est entretenu avec son homologue azerbaïdjanais, Djeyhoun Baïramov. Et les deux hommes sont tombés d’accord pour souligner « nécessité d’un respect strict du cessez-le-feu » et de privilégier l’approche diplomatique. Le lendemain, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a dit la même chose à Nikol Parchinian.

Lors de la dernière du Haut-Karabakh, l’Arménie aurait souhaité un appui militaire de la Russie, via l’Organisation du Traité de sécurité collective [OTSC], dont elle est un des membres fondateurs. Seulement, Moscou ne donna pas de suite étant donné que les combats ne se déroulaient pas sur le sol arménien, le Haut-Karabakh [ou Artsakh] étant une république auto-proclamée non reconnue par la communauté internationale.

Là, si l’infiltration de troupes azerbaïdjanaises en territoire arménien est avérée, il pourrait en aller tout autrement. En tout cas, Erevan n’aura pas tardé à se tourner vers l’OTSC, qui repose sur un traité dont l’article 2 contient une clause de défense collective.

Dans un communiqué publié ce 14 mai, le secrétaire général de l’organisation, le Biélorusse Stanislav Zas, a dit « suivre de près la situatuon dans les secteurs frontaliers de la région de Syunik en Arménie ». Et d’ajouter : « Au fur et à mesure que la situation évoluera, si nécessaire, des actions seront entreprises en vertu des disposition du Traité de sécurité collective et de la charte de l’OTSC. »

Cette montée des tensions entre les deux pays survient alors qu’il est prêté l’intention à Bakou de lancer d’importantes manoeuvres militaires, à partir du 16 mai prochain. Il est ainsi question de la mobilisation de 15.000 soldats, de 300 chars et autres blindés, de 400 canons, 50 avions de combat et de drones.

 

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